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printod In Prancè.
fSnppicment dn Journal.':
PAKAITliA LE P^ JU[N: "^"^ ^
REVUE HISTORIQUE ET LITTERAIRE
Paraissant les !«, 8, 18 et 22 de chaque mois.
i^^,^ ^^t.Vi;. PROSPECTUS
yu^
paraîtra on livraisous d'au moins 24 pages/ d'au format un peu plus grand que celui do la lîevue des Baux Mondes.
La revue sera divisée eu trois parties : — lo. Archives Coloniales; 2o. Variétés ; 3o. Romans.
lo. Nous donnerons la placi d'iiounour aux docuinonts pouvant servir à' Pliîstoiro de Maurice et des colonies voisiucs. Sdus le titro d'AUCUiVES COLO* NiALEs, nous publierons des documents inédits ou rares sur Maurice et ses dépendancesj la Réunion et Madagascar ; nous publierons également les œuvres littéraires et autres des vieux écrivains créoles.
En introduisant dans le domaine public des miuu.scrits et des livres qui ne sont^ à l'heure actuelle, qu'ontro les mains do quelques rares et heureux propriétaires, nous croyons faire œuvre de patriotisme. L^ histoire de Maurice est pleine do détails curieux, d'épisodes attachants, d'enseignomeuts utiles. Puissent nos compatriotes connaître et apprécier cette histoire, — c©lle d© leur pays,— un peu plus qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici !
2o. Nos Variétcs répondront, nous en sommes suis, à un autre dcsidera" tum. Il faut être juste : nous sommes, dans notre petit centre commercial, trop légitimement occupés à la chasse à la roupie, pour avoir le temps do lire dw œuvres sérieuses et de longue haleine. On lit beaucoup à Maurice, mais fauto de temps, ou lit vite, on lit mal, on lit à hâtons rompus.
Ici encore, nous tacherons do rendre sorvice au public en faisant pour lui le choix qu'il n'a guère lo temps de fairo par lui-même. Nous publierons des extraits intéressants, empruntés à des livres inédits, rares ou peu connus à Maurice^ et traitant d'histoire, de littérature, etc. Bien entendu, " nous tiendrons compte de l'actualité, et nous donnerons autant que possible des extraits traitant des questions à l'ordre du jour dans notre milieu.
Il ne faut pas croircî, cependant, cpie lo lecteur ne trouvera pas dans cette partie de notre publicatiou quelcjuc propos qui l'amuse. Que l'on se rassure: nos Variétés contiendront aussi la note gaie.
3o. Enfin, nos dernières pages seront cousucréob au Uoinaiù, Ici encore, nous ferons paraître, comme dans les deuii premières parties, des œuvres oubliées ou inconnues du public mauricien.
Nos Archives Ccloniales seront impriméeB en fascicules distincts des deux autres parties^ et pourront être reliées à la fin de l'anuée en un volume d'environ 500 pages. Les Variétés et les Romans formeront comme une revue indé- pendante des Archives, et seront composés de deux volumes ayant chacun près de 350 pages. Les documents publiés dans la première partie ne paraîtront pas toujours dans leur ordre chronologique. On ne peut attendre une pareille disposition d'un recueil périodique vivant, pour ainsi dire, au jour le jour. Pour obvier à cet inconvénient, nous publierons, à la fin de chaque année, un iadex chronologique des documents insérés dans notre recueil. Chacune des tri>is parties sera aussi accompagnée d'une table alphabétique des matières, et d'une autre des auteurs. Notre publication aura ainsi tout le caractère pratique désirable.
Plusieurs de nos amis, mauricianistes distingués, (l'on dit bien indianistes !) ont mis à notre disposition un grand nombre de documents inédits ou rares. Nous citerons entre autres MM. Adolphe Macquet, Adrien D'Epinay, Thomt
PiTOT DE LA BeAUJAUDIÈEE, AlBEUT DaRUTY DE GeANDPEÉ, AlBERT RaE, CtC.
Notre premier numéro paraîtra le 1er du mois prochain.
r Dr. 11. D. VITRY. Tj€s Editeitrs< Alph. GAUD Fils.
(V. PITOT. Port-Louis, le 14 Mai 1887.
CONDITIONS D'ABONNEMENT
M'
M^^^jm
Strictement payable d'ayancc TROIS MOIS ••• Roupies 3.00
^ J|3| AiJM ••• ••• ••• ••* ••• ••• ••• ••• Il Av/iVV
On ne reçoit pas d^abonnetnenf potir moins de 3 mois.
He seront considérés abonnés à Tannée que ceux qui anront payé Tabonnement entier
dans le délai d'un mois.
Pour les abonnos de la campagne, le mieux est de nous envoyer le prix de l'abonnement en un mandat-poste. D'ailleurs, pour nous ovifer les frais de recouvrement, nous prions tous nos souscripteurs, même ceux de la ville, de nous verser le montant de leur abonnement directement, autant que possible.
Prière do détacher et de remplir l'imprimé ci-contre, et de l'adresser au soussigné, à VThiion Catholique, Eue du Gouveniement, Port Louis.
N.B. Le premier nummho paraitba le 1er Juin. — Comme notre tirage sera réglé sur le nombre des abonnés, nous prions ceux qui voudraient se faire inscrire comme t<îls, de nous envoyer leur commande le 29 de ce mois, an plus tard,
Jje Gérant :
Paul BOUQUILLARD.
A Monaieur Paul BOUQUILLARD, à /' Union Catholique.
fnacrivez mon nom pour abonnement de mois
ou de an à la revue LE LISEUIt MxlTJIHOIEN.
Nom et prénom lisiblement écrits :
Adresse :
Paiement : Ci-inclns un mandat-poste. ou :
Réclamer le pria: de Vahonnenient à Port'Louis, à
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O MÉDAILLE D'OR DE PREMIÈRE CLASSE -«^a.
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REVUE
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DE
L'ILE MACJRICP]
Directeur : V. Pitot
ÉDITEUBS : MM. Le Dr. H. D. VITRT, Alph. GiUD et Y. PITOT.
j'REMIÈRE ANNÉE -1887-88
ARCHIVES COLONIALES
1er ^oxju:m:e
PORT-LOUIS
IMPRIMERIE DU JOURNAL DE MAURICE, .31 RUE DE LA CORDERIE
1889
A
K'^ r 1 :
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fili ro" (û. 5^-
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HARVARD COaEQE UBRAKV
FROMTHE ARCHIBALD CARY COOUDQE o FUND
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ARCHIVES COLONIALES
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ARCHIVES GGLONIALES
FBEMIÎIBE AKNÉE
1er Juin 1887—23 Mai 1888.
INDEX ALPHABETIQUE
ADAM, Fbëbe
BALLARD ... BOSCAWEN ... BOUGAraVILLE BOUBBON ...
BBOWN BOUTON (Louis)
Procès- verbftl de la levée de cadavre du....
■ • É • « k
• fi
Requête ^u Chirargieti — ,
L'Amiral — , par A. G...*
— à nie de France, ..,
Formation du Conseil d'Administration des
îles de France et de — , ",'.,
Délibération du Conseil Provincial de — , ... Instructions au sieur Dufour, nWembi*1717. Lettre des directeurs de la Compagnie des
Indes relative à la consttbctioii d'un
Réduit à — y ... '•«. •••
Lettre du Père Dacros sur les premiers temps
de rétablissement des Français aux îles de
France et... Envoi de vivres et d'eau «de- vie de lUe de
France à — , Lettré du Père Brown sur — , Les île4 de France, — et Madagascar, décrites
par Poivre, Délibération du Conseil de — , ... Les compagnies de troupes aux îles de France
nf. ■
vl/ , ••• ... .«« ,,,
Lettre du Père — , sur Bourbon:;. Le réduit et nos premiers gouverneurs par — ...
477
458 537
32 393 379
546
•••
474
478 488
526
506
516 488 443
II
ARCHIVES COLONIALES — INDfiX ALPHABBTHIQUE
GAUCHE (Franeois)... CARPBAU DU (
SAUSSAY I - CEBNË
••• •••
C
Voyage à Madagascar, ... ... 73
Voyage à Mascareigne et à Madagascar ••• 229
L'Ile Maurice et la— des Anciens, par Léon
Doyen, ... •.. ,.. 361
DOYEN
DUCROS
••• •••
••• •••
■•• •••
DUFOUR ... f'M DURONGOUBT ... DURONGAY
L'Ile Maurice et la Cerné des Anciens, par M# Léooa -— , . ... ' !.. ...
M. Edouard — , ... ... •..«
Lettre du Père — , sur les premiers temps de rétablissement des Français aux îles de France et Bourbon
Instructions au Sieur — ,
Brevet du sieur — Le Toullec, ...
A propos du sieur, — par A. G.,.,.
•••
361 496
474 37» 894 512
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FOUGBBAT, ) Gabniib di )
FBAJTCE, ILE UE ...
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Extrait de l'Asmorial de France,
Prise de possession, ... La disette à V — La plus ancieiyne concession de terrain à 1'— , Formation du Conseil d'Administration des îles de — , et de Bourbon ... ...
Délibération du Conseil d'Administration de
I ~^~« A / ^0| ... ... 0.0
découverte, histoircp géologie, par le comte
H, de Bauvillef ... ... •••
L' — , BOUS la Compagnie des Indes, par F.
Magon de Saint-Elier Instructions au sieur Dufour, novembre 1717 Prise de possession, en 1721, par Oamier de . Fougeray, ... ... ...
Oamier de Fougeray, extrait de l'Armoriai de
France, ... ..• ...
Frère Adam, Procès-verbal de la levée du cadavre du — ... ...
Envoi de M. de Nyo7i, à 1*—-,
L' — , reconnaissante envers Lahourdonnaie ...
Le Bédiiit et nos premiers gouverneurs, par
Louis Bouton A propos du Eéduitf par A. O., ... Benê Magon (mémorial obituaire) Lettre du Père Dticros sur 1'^ ...
•••
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409 9
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28
32
72.
337
373 879
391
409
411 422- 433
443 454 472
474
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•••
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ÂBOHIYES COLONIALES — INDEX ALPHABETHIQUE III
FHANCE, ILE DE ... Beqaête de Ballard, chirurgien... ... 477
»
Envoi de vin et d'eau«de«»vie de V — a Bourbon 478
Autorisation de séjour dans r<— , ••. 479^ Délibération du Conseil d'administration re- lative à un soldat établi dans 1' — , ... 479 **• ... Les monnaies de cuivre à 1' — en 1729 ... 480
L'administration de la justice à V — en 1730... 481
Les habitants de 1'-** et la Compagnie des Indes ••• ••• ••• 48()-
Inrentaire des anciens papiers du gi*effe ... 481
Etablissement des Français ^ Maurice, tra*
duit de Pridham ••• ••• 485
No» premiers gouverneurs hollandais et fran- çais par A. O., ... ... ..« 501
A propos du sieur Burongay^ premier gouver- neur de r — , par A. G. ... ... 512'
Les compagnies de troupes aux îles de — et
Bourbon ... ... ,.. 515
Les papiers du greffe de V — , après l'ouragan
de 1731 ... ... ... 518
L* — i sons le gouvernement du Roi (1764-
1790) par Magon de Saint Uïier ... 521
Les îles de — , Bourbon et Madagascar, décri- tes par Poivre ... ... ... 526*-
Bougainville k V — ... ... ... 637
Discours de Poivre aux habitants de 1'*-
(1767) ... ... ... 541
Second discours de Poivre aux habitants de r— , (1767) ... ... ... 573:
H
HOLLANDAIS .^ Etablissement des — à Tlle Maurice (traduit
de Pridham) . ... ... ... 487
... Nos premiers gouverneurs — et français (Ile
Maurice) par A. 6. ;.; •..' ' 501
... Encore un mot sur les gouverneurs — de l'Ile
Maurice, pa^.V. P. ... ... 514
•••
•••
... ...
..• ..•
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••• •••
•••
•••
LABOUBDONNAIS ... Notice sur— , par i7. Pwfon ... ... - 1
... L'Ile de Fiance reconnaissante envers— •.• 433
..• Le Gouvernement de— traduit de Pridham.. 509
LEGUAT Aventmres de François— et de ses oompa»
gnonB... ..• ••• ••• 157
•••
•••
'IT
JJBOBrrSS COXiOMIALIS — IHSn ALPBÀBBTIQUI
HADAQASCAR
M
••• Voyage de Owu^
... Mfturîoe eb-^ an XVIIe sîdcle ...
... Ycjage de Carjmcuu du Aiussay à —
••. Leg îles de Fra&oe, Bonrlton .ei — » décrites
par Pavvrt
... Traite de ris à
JCAGrON^. René ,.. Mémorial obîtoaire ... ••• •••
TWTA^rfcVnp Qt irrT«) ^^^^'*«**^®**^® HleMle-France, par— . fv^iZl^T [ L'Ile^de-France soua la Compagnie des Indei,
par —
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(Ferdinand)
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72
229
526
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MALARTIC ... MASCABEIGNE
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Envoi de M. de — à Vile de France do. do.
521 457
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L*Ile de-France sons le gouvernement dn JSot,
p8»r"~~ ••• .«• ••• ■••
Lettre de — à propos du Bédoit Yoyage de Garpeau du Sauêsay à«— et' à Ma*
dagascar Les origines de llle— , d'après Magon de
Saint- Klier ... ... •••
Aventures de Léguât et de ses compagnons
a^"^ «•• ••• ••. •••
— au XVIIe siècle d'après Gauche L*Ile — et la Cerne des Anciens, par D^oii Doyen 361 La découverte de l'île — , ti^uite de Pridham 485 Etablissement des Hollandais dans l'ile — ,
traduit de Pridhamy —, sous les Hollandais, traduit de Pridhavi Nos pi*emiers gouverneurs français et hollandais
(île — ), par A, G.... Encore un mot sur les gouverneurs hollandais
de V P
(Voyez aussi JZe de France.) Note de II. Eogàae — sur Bodrigves
487 497
601 514
33d
422
507
POIVRE
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PBIDHAM ...
• ••
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• ••
Les îles de FroÊice, Bourbwi et Madagascar décrites par — , ... ,., .,,
Discours de*^aux habitants de l'IU âe'Viwiefr (1767), ..• ... ... •••
Second Discours de *-«4 l'Ile de JVance
Une -page: de Thistoire de Maurice, trikduita de langlais de—, ...
526
541 573
485
AttGHlt£S COLOKlALfiS — tNDSX ÀLPHABETIQUI
RAITVILLE, DE
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Ile de France — déconverte — histoire — ^géolo- gie, par le comte H. —
Le — et nos premiers gouverneurs français •••
A propos du — -,
Lettre des directeurs de la Compagnie des Indes relative à la construction d*nn BéduU à Bourbon ••• ... ...
Aventures de Léguât et de ses compagnons à
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Note sur — après le départ de Legaat, par M. Mnller
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SAITSSAT, Garb£AU du Voyage de — à Mascareigne et à Madagascar SEYCHELLES ... Le merveilleux aux — ; la femme sans tête •••
... Acte de prise de possession des — ,
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1*» AwrÉË 1" ^tiN 1887 y 1
AECHIVES COLONIALES
MAURICE-REUNION-MADAGASCAE
LÂBOURDONNAIS
Impayidun ferîent minœ.
M. de Labourdonnais pent être.oouBidéré comme le père et le vrai fondateur de cette )le. Dans nos commencements barbares^ il a été pour elle ce que fat Charlemagne pour l'Europe. M. de Labourdonnais a créé à l'Ile de France l'agriculture, la marine et l'industrie; il y a recaeiUi la calomnie. M. de Labourdonnais a dissipé à l'Ile de France^ par les profusions de sa généreuse bienfaisance, une partie de son patrimoine; il en a été recompensé par l'exécration générale. M. de Labourdonnais a sacrifié au Roi sa vie, sa fortune, son bonheur domes- tique; il est mort à la Bastille,'^ sous une accusation capitale : selon les ans, le cœnr brisé de désespoir ; selon les autres, par le poison. Sa vie, comme on le voit, a été complète !
Nous essayons de présenter un tableau de l'état sauvage de l'ilo à son arrivée, pour faire mieux juger de son œuvre par le contraste. Nous avons exhumé des archives les vestiges épars qni pouvaient nous présenter à cette époque, une idée du Gouvernement, de la justice, du culte, de l'armée^ de l'agriculture^ de l'industrie, du commerce, des finances, enfin de l'esprit et des mœurs des habitants. Nous avons voulu montrer le chaos pour lui opposer la création.
On sait que l'île, découverte en 1505 par Don Mascarehnas, demeura pendant 60 ans sous la domination des Portugais, sans garder d'autres
1 Chroni(ttte de Vlîé de France. Léboubdonnais, 1735, par EnoàNE Piston. 2e édition, 1888. Cette brochure date de 1847. L'édition de 1883 n'a été tirée qu'à' cent exemplaires.
* L'antear commet ioi une erreur. Laboardonnais mourat en 1751) peu de temps après être forti de la BastUle.-^Y* F.
2 AECHIVES COLONIALES
traces de leur passage que la propagation des animaux qu'ils y avaient jetés^ pour l'usage des vaisseaux eu relâche.
L'occupation hollandaise qui commença en 1644 et finit en 1712^
posa la première les bases informes d'un établissement.
La fondation de deux hameaux dont l'un »ppele Iç jcaynp, devenu depuis le Porfc-Louîs, et l'autre, le Pôrb Sud Bsl, âujoaiti'hai îMÉiébourg ; * la construction de quelques magasins, d'un fort*" armé de 20 pièces de canons et gardé par 50 soldats ; Touverture d'une brisée à travers des forêts impénétrables, qui réunissait les deux ports après un voyage ds 10 journées; la plantation d'un Jardin Royal près de Flac^, dans lequel avaient été naturalisés les plantes de l'Europe et qui fournissait tous les fruits et végétaux à la petite communauté ; quelques mines de for à fleur de terre ; la dispersion d'une quarantaine de familles dans des plantations, indigoteries et sucreries, à la Rivière Noire et aux Plaines Wilhems : voilà les ébauches grossières de colonisation présentées par le 17me siècle.
Ce fut en 1722 que M. de Nyon vint, à la tète de quelques familles de Bourbon, commencer la colonisation française dans une île redevenue déserte depuis l'abandon do la Hollande.
La souveraineté des îles de France et de Bourbon était alors exercée par la Compagnie des Indes, qui avait son administration, ses troupes, sa marine, ses officiers civils et militaires, aux breveté desquels le Roi n'ajoutait que sa sanction.
Le gouvernement primitif de l'Ile de France fut d'abord exercé par un Conseil Provincial de trois ou cinq membres, dont le gouverneur avait la présidence. Ce Conseil Provincial, à la fois administratif et judiciaire, , faisait les règlements d'utilité publique, et rendait la justice civile et criminelle ; il rélevait dans ces doubles attributions d'un Conseil supérieur établi à Bourbon oii se portait l'appel. '-*
Un autre privilège do ce Conseil était le droit d'octroyer les con- cessions.
Ces concessions étaient faites à la charge par l'occupant d'en mettre le sol en valeur dans le cours de trois années, sous peine de réunion au domaine. On faisait en même temps au concessionnaire l'avance des outils et des . subsistances nécessaires, sous conditions d'en rembourser la valeur sur les premiers produits de la plantation. Il y avait des concessions simples, dea concessions doubles, et des concessions quadruples. La surface de la concession simple était de 146 arpents un quart.
1 C'est une erreur. L^étabUssamont des Hollandais était situé au Vieux Grand Poit oïl Ton voit eucuru dus raines. Le fort qu'ils y coustruisirent s'appelait ITort Frédério Maurice, d'après uuc aucioune carte dos lieux. Mahébourgne date que de 1806. — H. V. et V. P*
s Lo Conseil de Tile de France se tenait dans la me du Vieux Conseil, rue à Jaqoelle il a donné son nom, — H. V. •
UBOÏÏRDOKNÂIS 3
Les commencements de l'agriculture n'étaient pas brillants. Avant l'arrivée de M, Labourdonnais^ on avait vu la valeur des concessions tellement dépréciée^ que souvent les colons les abandonnaient à vil prix, ou même les répudiaient sans réserve. Cet avilissement de la propriété foncière pouvait ôtre attribué à trois causes : la première était la destina- tion à laquelle la Compagnie avait affecté l'Ile de France. Elle n'entendait pas faire de cette île une vaste plantation d'indigo/ de café ou d'autres épices coloniales, mais y fonder un port de relâcbe où ses vaisseaux pussent trouver sur leur route des rafraichissements et des vivres.
Le travail de la terre se bornait donc à la culture de quelques oéréales, et souvent ces petites moissons étaient dévastées par les onrogans^ ou bien par les sauterelles .et les rats dont la multitude était innombrable.
La deuxième cause était le manque de prudence et de discernement avec lequel la Compagnie avait agi dans la distribution de ses avances. Sa faveur était tombée sur plusieurs individus que leur ignorance ou leur înconduite en rendaient indignes, et les ressources qui auraient dû servir à féconder la terre^ étaient dissipées dans l'oisiveté et les désordres de la ville. Il fallut que le Conseil Provincial, par deux règlements dignes de notre sagesse contemporaine, interdit aux cultivateurs le séjour de la ville sans une nécessité pressante, et fit appréhender au corps, pour les conduire à leurs plantations; ceux que la privation des avances et des vivres ne ramenaient point à leurs travaux.
Une troisième cause de la détresse de l'agriculture était le régime adopté, par une cupidité mal entendue de la Compagnie, dans le gouver- nement de ses possessions coloniales. Elle s'y était attribuée le monopole du commerce ; tous les objets de consommation, toutes los nécessités de la vie étaient fournis à l'habitant par l'administration, avec d'exorbitants bénéfices ; d'autre part, nul autre que la Compagnie ne pouvait se rendre acheteur des produits de l'agriculture, et des magasins établis sur plusieurs points de l'île recevaient les produits agricoles, sur un tarif fixe où l'avilissement dès prix préparait la ruine de l'agriculture.
La popillation et le budget n'offraient d'ailleurs rien qui pût donner l'idée de notre Maurice d'aujourd'hui,^ avec ses 130,000 habitants et ses 12 à 1,300,000 piastres d'impôts. Le personnel de la Compagnie se bornait à 160 personnes, le gouverneur, 30 hommes, 20 esclaves, hommes, femmes et enfants^ et deux régiments de 53 hommes, parmi lesquels se trouvaient des compagnies suisses. Le budget des dépenses de l'admi- nistration s'élevait annuellement à la somme do 39^542 livres de France (8 mille piastres).
• 1 Année 1847,
4 ARCHIVBB C0L0KIALS8
Quant à rimpôt^ on comprend qu'avec le monopole établi par la Compagnie^ il devenait inutile : ce systôme n'était-il pas en effet le plus écrasant^ comme le plus intolérable des impôts f Cependant^ la griffe du nsc ne pouvait tarder à percer au milieu de cette société primitive. Un règlement du Conseil Provincial de 1730 avait prohibé la forme de Pacte sous seing privé dans la vente des terres^ pour assurer^ disait-on^ le droit de mutation établi au profit du Trésor. Tel fut le premier germe de la fiscalité à Maurice.
La Compagnie^ de pltrs en plus attentive à consolider son établisse- ment dans la colonie, avait eu recours à plusieurs mesures pour en accroître la population. La première qui se présenta à l'esprit fut la colonisation militaire : en conséquence, plusieurs navires chargés de filles abordèrent bientôt à l'Ile de France. On offrait au soldat une concession et une femme, avec les avanées nécessaires pour l'exploitation agricole ; celui qui renonçait à la guerre pour la vie des champs, était rayé de la liste des soldats militaires, pour recevoir l'assistance particulière aux colons.
XTne mesare plus féconde fut de prodiguer des encouragements à plusieurs familles de St. Malo et de Bourbon, pour les attirer dans la nouvelle colonie. Mais ce fut surtout Bourbon,«*-dont la population s'éfcait récemment accrue de tous les réfugiés français, après le massacre du Fort Dauphin,^ à Madagascar,— qui contribua le pins à former la première souche de la population mauricienne.
Quand on songe que l'Ile de France était surtout une colonie vivrière, un port de relâche destiné à fournir des secours et des rafraichissements à la marine, on est étonné de voir avec quelle fréquence elle se trouva elle-même exposée au dénûment et à la disette ! La jeune colonie dépendait pour ses approvisionnements alimentaires de quelques navires que lui expédiait de temps à autre la Compagnie. Il en résultait que les moindres retards dans la navigation, des vents contraires, un naufrage, suffisaient pour l'exposer a toutes les horreurs de la famine. On avait eu recours à divers expédients pour conjurer ce fléau: parfoiala généialité des habitants avait été convoquée en assemblée coloniale pour aviser à des mesures de salut public ; plus souvent encore, il avait fallu fréter des navires en relâche pour les envoyer précipitamment s'approvisiotiner de riz et de salaisons à Madagascar. Enfin, on en était venu à orgfaniser des règlements administratifs pour la chasse du gibier, au moyen des troupes de ligne, afin d'assurer la subsistance du pays. On voit avec curiosité, dans un de ces règlements, la quantité de gibier que devait procurer la chasse, et qui était nécessaire à la consommation de la semaine.
i 26 Août 1674,— H, V,
LÂBOUSDONKÂld 5
Mie 86 composait^ en 1726^ de trois oerfs^ ou bien de deax cerfs et quatre cabris ou cochons marrons,
La nécessité d'étendre sa sollicitude à la conservation de la pèohe et ' de la chasse^ avait déterminé l'administration à décréter plusieurs mesures législatives sur cette matière : la pêclio^ dont les ressources paraissaient inépuisables^ fat permise sur toutes les cotes^ et dans toutes les rivière8> partout enfin, excepté dans Fétang du Port-Louis ; au contraire^ la chasse fut prohibée d'une manière générale et absolue^ par suite de la dépopulation , rapide du gibier dans le voisinage de la ville. On jugera de l'importanee attachée à cette prohibition^ par la mesure adoptée par le Conseil Provin- cial de faire procéder à la destruction de tous les chiens de l'ile^ à la , réserve de dix seulement dans chacune des deux villes.
La propagation et la conservation du bétail n'excita pas dte Boina i moins attentifs : un grand parc communal fut ouvert dans les denx ports^ ' ' et Vordre intimé aux habitants d'y renfermer toutes les nuits leurs bestiaux. Il était en même temps interdit d'en tuer une seule tète : pendant quatre années. L'administration se chargeait d'acheter aux propriétaires celles dont ils voudraient disposer. Bien n'égalait au reste ! Pabondance offerte par les forêts : elles étaient peuplées de chèvres^ oerfs> . et taureaux sauvages] si gras que leur pesanteur en rendait la capture facile.
Il y avait deux espèces de grands oiseaux^ dont la race commençait à / se perdre : les Drontes, appelés par les Portugais Oerna, d'où le nom de Cerné donné à l'ile^ et une autre cspècOj oiseaux blancs huches sur de
longues pattes^ auxquels la Maie^aïux^Flamands a sans doute emprunté son nom.
Les autres oiseaux^ et surtout les tourterelles^ pullulaient à tel. point dans les bois et s'y montraient si familiers^ qu'il arrivait souvent^ dit-on^ d'en prendre un grand nombre à la main^ sur le même arbre.
Plusieurs navires de la Compagnie^ par des essais de traite à Mada- gascar^ avaient augmenté le personnel de l'île d'une population nouvelle* Ces esclaves^ que l'amour irrésistible de la liberté avait entrainés dans les bois, d'abord en fugitifs^ s'étaient rencontrés^ et leur audace croissant avec leur nombre, ils avaient fini par s'organiser en bandes redoutables, qui descendaient la nuit pour répandre le pillage et le massacre dans la demeure de leurs anciens maîtres. Ils poussaient la témérité jusqu'à diriger leurs attaques dans les quartiers reculés, contre les postes mili- taires, et les soldats de Flacq avaient été forcés de se réfugier dans la ville, en laissant derrière eux un champ libre à leur indépendance. Il fallait ai'rêter ce fléau à son origine, ou c'en était fait de la colonie. tJn détachement de Créoles Bourbonnais^ aocompagnéb de quelquen aohlatoj
b ARCHIVIS C0L0KUL1ES
fut institué pour la chasse de Vhomme et reçut la mission d'extirper lê màrronage.* On accordait la prime de 100 livres au chasseur par chaque main gauche de marron qu'il avait tue dans ces battues ; hiais pour stimuler en même temps son humanité^ l'esclave qu'il prenait vivant lui était abandonné en propriété. Ces rigueurs cruelles et nécessaires étaient pourtant restées impuissantes contre les progrès du mal.
Le catholicisme^ beau comme il s'est toujours montré dans la persé« cutk>n ou dans la pauvreté^ y remplissait un noble rôle par ses dignes ministres^ les abbés Borthon et Iglou. Ces bons pasteurs adoucissaient les mœurs nn peu farouches de la population blanche^ en l'initiant à la charité du christianisme^ et en même temps ils répandaient les consolations et les lumières de l'Evangile sur la population esclave : des réglementa publics dus à leur inspiration^ avaient assuré à la classe esclave^ l'usage des sacrements de l'église^ l'instruction religieuse et la liberté d'assister aux cérémonies du culte. Plusieurs fois leur vertueuse audace avait protégé avec succès^ tantôt l'esclave contre l'oppression du maître, tantôt le maître lui-même contre les sévices de chefs arbitraires. En l'an 1726^ Pabbé Borthon avait lancé un interdit contre le Port Sud-Est, (Qrand Port)^ parce qu'un esclave chrétien y avait été fustigé pour une légère négligence où l'avait entraîné un zèle irréfléchi pour ses devoirs religieux. En 1728, le supplice du cheval de bois, qu'un des officiers de la Compagnie avait fait appliquer à la femme d'un planteur, supplice dont frémissent l'humanité et la pudeur, fournit au curé Iglou l'occasion de stigmatiser énergiquement les excès de l'autorité civile et de faire revivifier les règlements qui plaçaient aussi la force armée sous la réquisition du pouvoir ecclésiastique. On avait vu en 1730 le même abbé Borthon infliger à un habitant de la Grand' Rivière un terrible enseigne- ment sur le respect dû par les fidèles à leur culte, en faisant condamner, par le Conseil, cet homme farouche à exhumer son enfant qu'il avait enseveli dans le coin d'un champ de patates, et à le porter, lui-même, dans ses bras, à l'église, pour lui faire rendre les honneurs funèbres. On doit à 06 vénérable ecclésiastique le règlement établi en cetce circonstance, qui interdit d'exhumer le cadavre d'un esclave sans le procès-verbal d'un chirurgien et de deux témoins, et qui prescrit au maître de faire adminis- trer le sacrement du baptême et le viatique à ses noirs.
Les dissensions scandaleuses des pouvoirs administratifs et judiciaires rendaient plus sensible le contraste de cette conduite apostolique. La mésintelligence s'était introduite parmi les membres du Conseil provin-
^ Parmi les chefs de ces détachements noua ponvons citer Mossard, si célèbre à Boorbon et MM. Hubert et Bigaignon. La tombe de ce doriiier se trouve aux Quatre-
UBOtTBDôKKAtS 7
cial au point d^on amener la dissolation^ et de laisser le pays quelque temps sans administration et sans justice.
Deax épisodes de la justice criminelle donnèrent un grand exemple des dangers que présente un pouvoir judiciaire absolu et sans contrôle dans \eé colonies. En 1726, M. de Belcour avait été condamné par le Conseil provincial à faire amende honorable en chemise, la corde an cou, aux , portes de l'église, conduit par l'exécuteur des hautes œuvres, puis à être enchaîné et conduit sur les galères du Roi pour y ramer à perpétuité. M. de Belcour avait porté son appel au Conseil supérieur de Bourbon. Ce Conseil cassa l'arrêt et fit en même toQips au Conseil provincial '' invitation d'être, à l'avenir, plus attentif sur l'intérêt de son honneur et d'examiner désormais avec une exactitude plus scrupuleuse les procès criminels soumis à sa juridiction."
L'année suivante vit naître un autre incident juridique qui peint bien la justice de ces premiers temps. M. D., Capitaine de troupes, accusé d'un crime grave, fut expédié à Bourbon pour y passer en jugement, sans avoir subi préablement la juridiction de l'île de France. Le prétexte donné par le Conseil provincial pour justifier cette inaction de la justice, était le manque des Ordonnances et des lois de la prévôté dont la Cour criminelle annonçait être déponrrue dans Tîle.
Dans la même année, nn soldat, convaincu d'avoir frappé l'un des premiers magistrats du Conseil dans une sédition militaire au Port Sud- Est (Grand Port), avait été condamné à mort par un Conseil de guerre, et cette peine, à la demande de l'offensé, avait été convertie en celle de la déportation sur une île déserte.
Une telle sévérité était malheureusement devenue nécessaire en rai- son de l'esprit d'indicipline et de mutinerie qui s'était glissé parmi les troupes. Tantôt, c'était le refus concerté des vivres fournis par les officiers civils de la Compagnie, refus dont quelques*uns accusaient les chefs mi- litaires d'être secrètement les instigateurs. Tantôt, c'était la menace des soldats de se réfugier au fond des forêts si l'on continuait de les appli- quer aux travaux publics. Il fallait toujours en venir à céder aux vœux d'une soldatesque souveraine. Un jour, son audace avait été portée au point d'arborer le pavillon Hollandais et puis d'imposer à leur comman- dant une amnistie générale sur cet acte de haute trahison.
L'industrie et les travaux publics n'avaient pas obtenu un grand dé- veloppement dans le commencement de la colonie. On avait bien deux villes et deux ports ; le Port Louis et le Grand Port ; mais ce n'était que deux villages composés de cases en paille. Du reste,' aucune route, aucun chemin battu dans l'intérieur ; l'usage des voitures et des bêtes de trait y était encore inconnu ; un sentier de piétons à peine praticable servait à la
8 • ARCHIVES COLONIALES
commnnicatîoû des deux villes, et lorsqu'il arrivait dans Vtme d'elles an navire cliargé de subsistances^, il fallait expédier le navire lui-même dans le second port, ou bieu transporter dans des cbaloupos qui côtoyaient les récifs, la portion de vivres destinée à ses habitants. La durée de ce voyage côtier était souvent d'un mois.
Les fortifications ne valaient pas la peine d'être citées. Elles cousis- taient au Port Louis en quelques retranchements élevés entre le premier ruisseau du côté do Moka et la| première ravine sur l'ancien Camp des Hollandais, en sorte que l'entrée de ce port était ouverte aux tentatives de la première flotte ennemie.
Dans cette enceinte ob. l'on devait bientôt voir surgir un vaste arse- nal maritime, il n'y avait pas un soûl petit chantier, et les pêcheurs des deu± ports étaient réduits à faire réparer leurs pirogues par les charpen- tiers des navires qui abordaient par hasard dans l'île.
Point de prisons. Les archives judiciaires constatent que le capitaine d'une compagnie suisse, arrêté pour insulte grave au lieutenant du Boi, avait été, à défaut de prison, consigné aux arrêts jusqu'à son renvoi en France.
Pas d'hôpital, même pour la garnison. Certaines allocations en ar- gent avaient été faites pour le soin do ses malades, à défaut, est-il dit^ d'infirmerie. Seulement, vers les derniers temps^ une paillette qui pouvait contenir environ 20 lits, fut affectée à cette destination.
Pas de casernes : les soldats étaient retranchés dans dos espèces de camps semblables à ceux des plantations d'aujourd'hui, composés do plusieurs rangs de cas3s en paille que rien ne déjEendait contre l'incendie, ou le coup de main d'un audacieux assaillant.
Le bâtiment affecté aux séances du Conseil provincial n'était qu'une case grossière, couverte en chaume et de branches de palmiers. Des tables sur lesquelles étaient étalés des papiers, servaient, faute d'armoires, à la conservation des archives. Il en advint que le coup de vent de 1731, après avoir enlevé une partie du toit, avait dispersé et détruit la plupart des Minutes recueillies depuis l'occupation de l'île.
Les seuls édifices que trouva M. Labourdonnais, à son arrivée dans l'île, consistaient en un magasin de pierres en construction, et dont la maçonnerie s'élevait à peine à la hauteur d'homme. H y avait encore un petit moulin à vent inachevé et une petite maison pour l'ingénieur. Quel- ques fortifications insignifientes s'élevaient en outre dans les deux porta,
Eugène Piston. {A suivre.)
ACTE DE PRISE DE POSSESSION DE L'ILE DE FRANGE
20 SEPTEMBBB 1715
Monsieur Eugène Piston, dans les pages qu'on vient de lire, ne men- tionne pas la prise de possession de l'ile en 1715 par Guillaume Dufresne. Cette omission est probablement due à ce fait que M. Dufresne ne fit aucun établissement à l'Ile de Franco. Il se contenta de laisser sur la plage un piquet de quelques hommes, et fit voile tout de suite pour Bourbon qui était alors le chef-lieu des établissements français dans ces mers.
Un exemplaire manuscrit de l'acte de 1715 se trouvait autrefois au Greffe de la Cour Suprême, où il a été déchiffré par M. Jacques Mallac, le 15 Février 1819. Cette pièce est maintenant aux Archives.
La copie de M. Mallac qui a été insérée dans plusieurs publications de la Colonie— tels que l'ouvrage de Magon de St-Blier, la Revue Pitto- resque de 1848 et aussi, croyons-nous, l' Almanach de 1837 — est incomplète ; plusieurs mots n'avaient pu être déchiffrés sar le manuscrit conservé au Greffe.
'^ Ces lacunes, nous écrit l'un de nos amis, Mr. Alb. P., ont pu être comblées^ grâce à une étude sur les origines de l'Ile Bourbon par M. Guet, archiviste au ministère de la Marine, publiée dans la Bévue Goloniale ^ Maritime de Septembre 1886, et qui contient l'acte en question tout au long, avec quelques légères différences d'orthographe. ^,T7. « i^ea mots soulignés sont ceux qui ont disparu de la pièce du Greffe, la pièce est donc complète, sauf toutefois une signature entre les noms de Dufresne et Grangomont, qui commencerait par les lettres D.A.R.,mais qui n'est pas portée sur l'acte donné par M. Guet. C'est sans doute une omission de copiste, l'acfce ayant été fait en sept originaux.
'' De même, la pièce citée par M. Guet dit au sujet d'une Baie que les Anglais la nommait N^ 88* harbour. Ici nous lisons N<> W* harbour. Port Nord-Ouest, ce qui est sûrement la bonne version. L'erreur s'ex- plique par la ressemblance de la lettre W, écrite, avec le chiffre 88."
Djs pab lb Bot.
" Nous écuyer Guillaume Dufresne capitaine commandant le vaisseau le Chasseur et officiers en vertu de la copie de la lettre de Monseigneur le comte de Pontchartrain, ministre et secrétaire d'État à Versailles, le 81 Octobre 1714 qui m'a été fournie à Moka golfe do la Mer Rouge par le Sieur de la Boissière commandant le vaisseau V Auguste armé par Mrs. nos armateurs de St. Malo subrogés dans les droits et privilèges de la Boyalle Compagnie de France du commerce des Indes Orientales, oollationnée % l'original audit Mok(^ le 27 Juin 1715, portant oi4re de
10 ABCHIVBS COIiOKIALEB
prendre possession de l'isle nommée Mauritius, située par 20 degrés de latitnte sud ; et par geptante huit degrés trente minutes de longitude suivant la oarte de Pitre Gooos, laquelle difcte carte prend son premier méridien au milieu de Tisle de Ténérif dont je me sers, en cas que la ditte iale ne fost point occupée par aucune puissance, et comme nous sommes pleinement informés tant de la part du Sieur Grange mont capitaine du vaisseau le 8uccei et de ses officiers à cette isle le septième May dernier et mouillé dans la baye nommée par les Anglois Browsbay, autrement nommée par nous baye do la Maison-Blanche distante du port ou baye où nous sommes mouillés actuellement d'environs une à deux lieaes, nommée par la ditte carte des Anglois No. Wt. Harbour, que cette ditte isle et islots estoient inhabités, et pour estre encore plus informé du fait j'ay dispersé partie de mon équipage dans tous les endroits qui pourroient être habités, en outre et afin qu'au cas qu'il y euât quelques liabitans sur la ditte isle j'ay fait tirer plusieurs coups de canon par distances et différons jours, et après avoir fait toutes les diligences bonvenables à ce sujet, estant pleinement informé qu'il n'y a personne dans la ditte isle, nous déclarons pour en vertu et exécution de l'ordre de Sa Majesté à tous qu'il appartiendra prendre possession de la ditte islè Mauritins et islots, et luy donnons, suivant Pintention de Sa Majesté le nom de l'isle de France et y avons arboré le pavillon de Sa Majesté avec copie du prosent acte que nous avons fait septuple à l'isle de France ce 20 Septembre 1715 et avons signé et apposé le sceau de nos armes fait contresigner par le Sieur Litant écrivain, les jours et an susd. Signé : DufresTiGj Grangemont, do Chapdelaino, Garnier, Litant."
M. Mallac n'avait pu déchiffrer le nom de Litant, et l'avait repré- sente ainsi: ...t...t. Mais, '^ nous sommes à peu près certain, dit-il, ^' que l'écrivain de la compagnie dont le nom est illisible est Litant, La '' trace des deux t subsiste, et les distances appuient cette conjecture* " Un estimable ht^bitant de cette colonie porte ce nom ; il est possible '^ qu'il appartienne à la plus ancioune famille de Maurice."
Le paragraphe suivant termine les observations de M. Mallac : " Il est évident que la première signature devait être celle du capi- '' taine Dufresne, et en effet, avant celle du S. Grangemont, il n'y a de '' place que pour un ou deux noms. Là le papier est emporte. Ce qu'il y " a d'embarrassant, c'est que cet espace est précédé des trois initiales, " D. A. B.... séparées par dos points,^ et l'on voit en tête de l'acte que le '' prénom' de M. Dufresne éiait Guillaume. On peut ausur|)lus s'assurer, par l'inspection de l'acte, qu'il ne contenait que six signatures au plus."
cr
^ Ces trois initiales, D.A.R., qni embarrassaient M. Jacqaos Malfclo, ne sigmâeraient" elles pfus toat simplemont : D'APsiâ autorité botâle ?— Y. F,
LA DISETTE A L'ILE DE FRANCE
1724 ET 1725.
•
M. Eugène Piston dit, en parlant de la disette à laquelle l'île de France se trouva exposée, (voyez précédemment, page 4) qu^îl avait fallu, à plusieurs reprises, envoyer chercher en toute hâte des vivres à Mada- gascar. Les deux pièces suivantes, trouvées aux Archives, nous offrent deux cas oii la nouvelle colonie dut avoir recours à cet expédient; ces deux documents datent, l'un de 1724, l'autre de 1725, c'est-à-dire, des premières années de l'établissement à l'Ile de France. On y voit les noms des plus anciens habitants de notre ile :
BBQÏÏÊTB POUR ENVOYER CHERCHER DES VIVRES A MADAGASCAR
9 FÉVRIER 1724.
£e|n*^eiitatioii faitte k Monsieur De Nyon,
Cheyalier de l'Ordro Militaire do St-Lonis, Premier Eiempt des Cent Suisse de la Garde du Boy,
son Ingânieur' Ordinaire, Lieutenant Colonel d'Infanterie et Gouverneur de Tlsle de Franco
Monsieur^
Sur la misère où nous sommes à la veiiille de nous trouver malgré tous les ménagements et précautions que vous avez pu prendre ; ne pou- vant point même subsister avec le peu de farine que l'on donne ; malgré cela n'ayant point ici tout au plus de vivre que pour deux mois^ et ne pouvant espérer aucun vaisseau n'y compter sur la barque longue La Ressonroe, et par conséquent aucun secoura de l'Isle Bourbon, aous avo ns tous l'honneur de vous représenter très humblement qu'ayant en cette Isle un Brigantin Anglois qu'il seroit à .propos de l'envoyer à Madagascar pour y faire la traitte du ris le plus promptement qu'il seroit possible et par là éviter une famine quy indubitablement ne nous put fuir, et la perte entière de la Colonie, c'est la grâce Monsieur que nous espérons. Fait an Port Bourbon de l'Isle de France le neuvième février Mil sept cent vingt quatre. —
Bbousse. Balmanb.
ScHMiDiKR. Marque de M*** St. AmanÎ).
Dkcuellb. Bbousse.
Baron. Binial.
Fallier. Igon, Prestre de la Congrégation
{illisible) Baisse. de la Mission Curé de N. D.
FnANçois^cliirurgîen-major. Duqubnain.
Le Roux. St. Maetin,
Simon de Monsy. Greffier.
i2 ARCHIVES OOLONiALEB
TEAITE DE RIZ DE MADAGASCAR 16 Xbre. 1726.
Le Conseil Provincial de Tlsle de France sesfcant assemblé le 1(5 dé- cembre mil sept cent vingt cinq par ordre de M^* Le Ch®^- de Nyon, gouverneur de lad. isle pour remédier au présent besoin de vivres ou la colonie de l'isle est sur le point de se trouver par le deffaut des deux petits batim*"- Le Vautour et Lalcion expédié par conseil supérieur de risle Bourbon pour sa traite du ris et des noirs à Madagascar que dans la fâcheuse situation ou se trouve la colonie faute de vivres ny en ayant été remis qu'une petite quantité par les vaisseaux Le duc de Chartres et Lappolon^ par compassion de son triste état^ layant trouvé sans farine ny ris et autres grains pour sa subsistance^ que les capitaines des. d. vais- seaux ont pris sur leurs équipages ce qui a porté le Conseil vu la fâcheuse extrémité ou elle va se trouver, de délibérer que la corvette La Res- source irait à l'isle de Bourbon pour obtenir quoique secours et dy recevoir de nouvelles instructions pour deligenter une traite de ris à l'isle de Madagascar. Mais le sieur Boulanger, Capitaine, ayant représenté que le tempt de l'onragant étant proche qu'il pourrait se trouver envelopé dans cette tempette et que le Conseil eust à le garantir de tous événements qui pourroient estre préjudiciable à la Compagnie sans que ces interest ny sa personne en pussent souffrir, et qu'en outre qu'étant seul dans la ditte corvette il demandait une personne d'intelligence pour le soulager au cas qu'il fut obligé d'entrepreudre la traite à la ditte isle de Madagascar* Le Cpnseîl ayant égard à ses considérations a délibéré derechef qu'il se rendrait ce soir a l'isle Bourbon pour d'une manière ou d'autre trouver des expédions pour soulager celle de l'isle de France de la calamité où elle [est] prette d'être exposé qui causeroient sa perte infaillible, et que le sieur Brigeot de Noisy, Lieutenant de l'Infariterie et ingénieur s'em- barqueroît sur la ditte corvette pour avoir le soin de la ditte traite de ris à Madagascar au cas quelle soient résolu à l'isle Bourbon ; le dit jour et an que dessus.
Cher Djj NyOK, GuYENBT.
Beo0ssb. S^ Martin.
G*^* Dhautebive. Ddquenain.
1^ AKHEË 8 JUIN 188Î If 2
ARCHIVES COLONIALES
îîfillîRIC'E-EÉUNION-MÀBAGASCAR
LABOURDONNAIS
(suite) *
I
Le corps des iagéuiours se réduisait à un métis ipdieii sous la con* ' duite duquel s -exécutaient les travaux.
Ce n'est pas que cette branche importante eût été négligée par. la Compagnie. Dès 1731; elle avait expédié comme Ingénieur en Chef M. de Cossigny^ avec des instructions pleines de sagesse et de profondeur. Ces insîructîons lui recommandaient de choisir le Port Nord-Ouest pour chef-lieû de Pîle, d'établir des batteries à Pentrée des deux Ports pour en défenaire Taccès. de creuser un chenal aux vaisseaux dans l'intérieur du Pdtrt Sùd-Est; d'examiner la possibilité de creuser un bassin de refuge cotitré les ouragans derrière l'Ile aux Tonneliers, et d'ouvrir un port pour lA^i 16 vaisseaux dans la Baie du Tombeau. Il devait en même temps oûââti^tiire dés magasins à vivres, quelques forts pour protéger les deux vOtés/ et élever des casernes entourées de murailles pour assurer la colo- nie soit contre une agression extérieure, soit contre la révolte intérieure des troupes elies-mèmes.
M. de Cossighy, homme d'un vrai méirite, avait eu la douleur de voir a'édouler trois années sans pouvoir ébaucher un seul de ces grands tra- vaux. Ce temps s'était pa«sé à implorer du Conseil un renfort d'ouvriers qu'il n'avait pu obtenir ; on l'avait employé à la construction du parc des bestiftuX; à celle de l'hôpital en palissades, -et même h l'approvisîonne- ipejlt'du bois à feu pour les navires en relâche. Pendant ce temps, le dépècement dvi vaisseau la Danaé, devant servir à faire un gi'ilîago pour les. fondations d'une batteriqà l'Ile aux Tonneliers, était suspendu, et les àexvt. curemoles expédiées par la Compagnie ponr le curage du Port étaient demeuitées inaotives faute de bras. Il en était do même des autres travaux
14 ^ AKenivES colonialks
de l'établissement ec des fortifications proscrites par la Compagnie. Le jeune et ardent ingénieur, après une protestation adressée au Conseil^ s'était embarqué pour la France.
La législation en vigueur dans l'Ile se partageait entre le Code Blanc et le Code Noir. Le Code Blanc, si l'on peut appeler ainsi la collection des lois de la population européenne, se composait de la coutume de Paris sur l'état et les droits civils des personnes, de l'ordonnance 1667 sur la procédure, de l'ordonnance 1681 sur la marine, de l'ordonnanco 1670 sur l'instruction criminelle, de l'ordonnance 1781 sur la forme des testaments, enfin de l'Edit de la création de la Compagnie de 1664.
Le Code Noir se composait d'un édit unique, celui de 1723 ; le prin- cipal objet de sollicitude que le législateur y laissait paraître, était la con- version du nègre au christianisme ; il frappait d'amende le maître qui avait négligé de lui faire donner l'instruction religieuse, interdisait toute espèce de travaux le dimanche, ne tolérait l'exercice public d'aucun autre culte qae le catholicisme et ordonnait d'inhumer l'esclave chrétien en terre sainte, tandis que les autres devaient être enterrés dans les champs et pendant la nuit.
Il déterminait aussi la condition de l'esclave; la loi le privait de l'ex- ercice des droits civils ; il était frappé d'une incapacité absolue de rece- voir même à titre de donation ou d'hérédité ; il ne pouvait ni tester en justice, ni porter témoignage, ni remplir aucune fonction publique ou agence privée. Le mariage était permis entre esclaves en substituant au consentement des ascendants celui du maître; mais les enfants naissaient esclaves et appartenaient au maître de la mère. Le mariage entre noirs et blancs était défendu sous les peines les plus sévères et il était défendu au clergé de les célébrer ; l'union de l'affranchi avec l'esclave n'était même tolérée qu'à condition d'élever ce dernier à la liberté.
Une discipline rigoureuse protégeait la société contre tctut ce qui pou- vait éveiller dans l'esclave l'esprit d^indépeudance. Il n'était permis aux noirs ni de s'attrouper sur les routes, ni de s'assembler même pour les fêtes, ni de vendre aucun objet sans un billet du maître, ni de porter des armes, ni de marcher armés de gros bâtons. Les peines contre ces infrac- tions étaient le fouet, la marque, et même la mort. Chaque citoyeû avait qualité pour réprimer ces délits, de même qu'un officier de police judiciaire. Le respect aux veuves et aux enfants des anciens maîtres était prescrit comme un devoir, sous peine de châtiment. L'esclave qui frappait au vi- sage son maître, ou la femme, ou les enfants de son maître, ou qui leur portait un coup suivi soit de contusion, soit d'effusion de sang, était puni de mort. L'affranchi jouissait en cela des mêmes privilèges que le ))lanc.
lABOïïRBONNÀia 15
La loi contre le tnarronnage surtout était une loî draconienne : l'es- daye dont la fuite avait duré un mois, était puni par le fouet et la marque sur répaule, au moyen d'un fer rouge en fleur de lys ; il avait aussi le boat des oreilles coupé ; à la première récidive, il avait les deux épaules flenrdeliaées et l'un des jarrets coupé; à la seconde récidive, il était puni de mort. Ces sentences, étaient sans appel, excepté lorsqu'elles portaient la peine du jarret coupe on de la mort. Tontes les recliorches étaient per- mises à un maître pour tr uv-^r son esclave fugitif. Le blanc qui lui avait donné asile, encourait l'amende de 3 piastres par journée d'absence ; si c'était nn affranchi, l'amende était de 5 piastres, et quand il ne pouvait la payer, il rentrait lui-môme en esclavage.
Quelques mesures protectrices avait été cependant dictées par l'hu- manité, en faveur de l'esclave. Il était défendu de séparer par la vente le père, la mère et les enfants impubères ; les peines de la chaîne et du fouet étaient les seules laissées à la discrétion du maître ; le meurtre on la mu- tilation^ et même les tortures souffertes par les esclaves, donnaient lieu à des poursuites criminelles ; mais si le jugement prononçait l'absolution du ibaître, il n'avait pas besoin des lettres de grâce du Souverain.
Les vivres et les vêtements auxquels ils avaient droit étaient déter- "^inés par nn règlement public, et lorsque ces nécessités leur étaient refu- sées, ils avaient le droit de plainte au Procureur Général qni pouvait faire ordonner nn changement de maître. Il n'était permis ni de donner des liqueurs à l'esclave, ni de lui abandonner un jour de travail à la charge de suffire & sa subsistance. Les infirmes et les malades avaient dro^t aux soins du maître ; si celui-ci négligeait de les recueillir, ils étaient envoyés à ses frais dans l'hôpital voisin ; la dépense du malade était évaluée à 4 sooa par jour, et le remboursement de cette somme était privilégié sur les biens du maître. Tonte cette loi venait de la métropole, de Paris, du cen- tre d'humanité et de civilisation. Il est vrai qu'à la même époque, le Code Blano conservait les épreuves de la- question ordinaire et extraordinaire, et l^s crimes d'hérésie et de sortilège.
Il y avait encore un troisième Code, le Code Ecclésiastique. C'était un traité intervenu entre le Eoi et la Compagnie pour assurer l'état du clergé dans l'île. La base de cet accord était l'indépendance du pouvoir ooclésiastique à l'égard des pouvoirs civil et militaire de la Colonie. En cas de fissidence entre le pouvoir temporel et . le pouvoir spirituel, les choses devaient demeurer en l'état, jusqu'à ce que la;métropole à laquelle on devait en référer, eût décidé. D'antres dispositions déterminaient la dotation des cures et le traitement de leurs pasteurs, on y fixait même, chose étrange ! le nombre d'esclaves auquel avaient droit les hommes de Dieu, soit pour l'exploitation de leur presbytère, soit pour leur service per-
16 ARCBflVÏS COLONIiLKS
Bonnel. L'Ile enti&re était subdivisée en deux paroisses; maialMnyes^isse' ment de la cure n'était point une charge inamovible : le géncbal de.^Ia congrégation des missionnaires conservait le droit d'en révoquer les titu- laires.
En présence d'événements importants^ on aime à remonter jusqu'à leur origine et à rechercher^ à travers l'obscurité du temps^ leur germe im- perceptible : c'est ainsi qu'à l'aspect do notre vaste culture sucrière, do l'immigration de la population Indienne, du système général de crédit qui préside à l'e:cploitation de notre colonie, des crises ïnonétaires qui en ont ébranlé plusieurs fois les fondements/ de son énorme impôt, et de son organisation judiciaire, nous cherchons à découvrir la source invisible de ces grands fleuves au milieu des huttes et des forêts de nos premiers temps.
On a vu que depuis l'abandon de la Hollande, toute trace de la cul- tnre de Tindigo et de la canne avait complètement disparu ; la culture du café avait été spécialement restreinte à Bourbon, et après quçlques essais infructueux tentés ici par une petite colonisation militaire de douze h.<^m« mes, sur le bord d'une rivière qu'ils appelèrent Moka, on renonça en quel- que sorte à cette branche agricole. C'est sur l'habitation ^e M. de laVi|l.e- bague, beau-frère de M. de Labourdonnais, que devait poindre eii 174^ l'industrie sucrière, pour retomber pendant près de trois quarts ^ siècle dans -l'oubli, jusqu'en 1822, époque à laquelle elle commença à s'étendre comme par enchantement pour envelopper après 7 ans dans son réseau l'île entière.
Les communications de l'Ile-de-France avec Pondichéry avaient aussi inspiré à l'administration française la pensée de naturaliser la race indien- ne Bur notre sol. Mais ces essais individuels n'avaient pas été heureux. Dans les avances d'esclaves faites par la Compaguie, deux Indiens ne comptaient que pour un Africain. Leur crime dominant à cette époque, comme aujourd'hui, était l'incendie ; cette mollesse qu'on leur reproche à cette heure, constituait alors aussi l'un de leurs côtés faibles.
La Compagnie des Indes en 1 722 avait compris, comme les banquiers de Londres en 1822, qu'entre un sol vierge et une population laborieuse,
il 7 a tm troisième élément indispensable à la production : le capital ou le
»
crédit. La compagnie fournissait aux planteurs des moyens d'exploitation et la subsistance pendant quelques années, et pour mieux assurer ses avances, elle s'était faite leur acheteur et leur vendeur exclusif. Après quelques années, la Compagnie était remboursée et fétat enrichi. Le Banquier de Londres ouvrait un crédit à ses planteurs pour établir leur sucrerie, et souvent pour en payer une portion du prix, il se réservait j»r
LABOUBDONKAIS 1 7
!ToiJoiio*;,i'.''*i5 l:.r . * ^'W^S^^^^ ^^ cqipinissioniiaire la Vente des prodaitd et la fourniture
des inatrpi^Q^tjS^^Q cpltore. Dans le principe, quelques annfes suffirent ppu]^ liquider; ^e^}{^teur et accroître énormément le revenu colonial.
1^i.l7?4> î% Compagnie découragée par la dilapidation de ses pre- mières avanceç^ styait intimé à M. de Laboardonnais Tordre, non seulement a. lo. .«p^are, »aU d, to «mbo.™, U. crédit, préoéd».,.
En IS^i^ un resserrement subit dans la circulation des deux Banques ^mena la suppression ou la réduction des crédits et plaça l'agriculture •dans une situation ausfii critique.
Les crises monétaires des deux époques né présentent pas moins <d'analogie< Dès 1729j c'est un brigantin anglais qui par un commerce interlope a enlevé à la colonie toute sa monnaie d'argent^ en échange de Bea marchandises. En 1835^ ce sont les manufactures de la Grande Bre* tagne^ (celles de la patrie du moins) ; ce sont les céréales de l'Inde Anglaise qui absorbent nos monnaies et nous jettent dans le même «embarras financier.
Notre administration pressée d'établir la circulation monétaire quand TOÔme, est entraînée, malgré la précision impérieuse des ordres métropoli- itains, à fléchir parfois devant une impossibilité absolue. L'administration française, en infractioi;i directe aux ordres de la Compagnie qui prescrit le service de la solde militaire en argent, est forcée de le faire en monnaie <de cuivre et de rendre cours aux monnaies de l'Inde exclues de la circulation. Au milieu de ces embarras, un Edit du Roi de 1730 établit un nouveau tarif des monnaies qui donne à la piastre d'Espagne et aux espèces de l'Inde une valeur inférieuro à leur prix intrinsèque et à leur cours en Europe.
Pendant la crise de 1843, un Ordre en Conseil établit aussi un tarif 'des monnaies étrangères ou la roupie de l'Inde et le numéraire de la !France reçoivent aussi une évaluation inférieure à leur prix réel, ou d'autres «espèces métalliques sont môme entièrement démonétisées.
L'impôt sous lequel menace de fléchir aujourd'hui la colonie ne coo- «sistait alors^ nous l'avons vu, qu'en un droit de mutation désigné sons le nom de lods et ventes. Il faut cependant y ajouter la perception d'une espèce de droit seigneurial, ou redevance on nature, dont les titres de concession nous ont révélé l'existence : elle consistait en une prestation annuelle de 30 livreade riz, 30 de blé, et de 4 livres de café par arpent de plantation ca'^éière.
La colonie au reste, loin de faire ses dépenses, coûtait chaque année à la Compagnie une somme considérable.
Nous ne citerons l'organisation judiciaire quo pour faire remarquer
18 ABcmyss colokulks
la singalière coïncidence qui existe entre le système actuel d'adjonotiont dça assesseuçir et. l't^ndîen système d'adjonction de deux ou quattb Cito-^ * yens notables dapa.la juridiction criminelle. Un fait remarquable cepen- dant^ c'est qu'alpra que l'Ile ne comptait que 160 babitantti il n'était pa& permis à nn nombre moindre de cinq juges en première^ ou de sept jttges^ en dernière instance^ de décider de la fortune^ de ï^bonneur et de la vie des habitants, tahdis qu'aujourd'hui, avec nne population de ISO^OÛO" âmes, un juge eu Première Instance et trois Magistrats en Cour d'appel supportent l'effraytote responsabilité de la justice colcniale 1
Telle était l'Ile sur laquelle allait apparaître M. de Labourdonnais». Avant de le montrer daus son gouverneuient, il ne sera pas inutile d& donner une esquisse topographiqne de la scène sur laquelle il allait jouer un si grand rôle.^
Le Port N. 0. ou Port Louis est fermé à son entrée par deux îles de^ corail vif sur lesquelles la main de l'homme n'avait encore laissé aucune trace. L'une était l'île des Tonneliers que la mer isolait alors entièrement du rivage ; l'autre était l'île du Fort Blanc qui formait une langue allon- gée depuis le Fort William jusqu'au milieu de l'allée des filaos. Tin petit bras de mer séparait alors toute cette étendue de la terre ferme. Ensuite venait le petit Cap-pointe de Caudan, alors aussi désert, aussi nu que^ les deux autres rochers ; puis commençait la grève de Moka qui rentrait vers l'artillerie actuelle, formait la petite baie des Tortues, côtoyait le- chemin de Moka près des Casernes, passait au pied de l'hôtel Monneron, remontait jusqu'à la Chaussée, serpentait vers l'embouchure des ruisseaux de la montagne, et venait mourir au poste militaire de la Place d'Armes.
Entre cette place et la pointe Caudan*et dans cette nappe d'eau qui couvrait alors le quai marchand, ainsi que tous les établissements Bon- dea j, Monneron et Piston, s'élevait une autre petite île de madrépore, sur laquelle on bâtit plus tard une Poudrière et oii s'élève aujourd'hui l'Observatoire.- On remarquait entre le confluent des deux ruisseaux un carré planté d'arbres ; c'était le Jardin de la Compagnie. Il y avait de ce côté de la plage un chemin sinueux qui tournait au pied de la monta- gne des signaux et conduisait sur les bords de la Grande Rivière. Ce chemin qui traversait une savanue déserte, forme aujourd'hui la rue bou- tiquière de Moka. • C'est par cette route, le seule de la colonie, qu'on se rendait chaque jour à près d'une lieue de distance pour s'approvision- ner de l'eau nécessaire aux besoins de la ville ; car les eaux des ruisseaux du Pouce, comme celles qui circulent à l'ombre épaisse deS" forêts, étaient
i Voir r» carte da Port de 1739 par M. Bataille.— E. P. ^
" D.-moli en 18S0.— (Note de l'édition do 1883.)
îiABOTTHDONKAIB 1^
malsaines et dangereuses* On voyait, sur l'emplacement situé entre notre 'salle de spectacle et le Oliien de Plomb, un carré allongé qui avait été le principal siège du camp hollandais, et sur lequel un arrêté du Conseil avait défendu de construire, afin de faciliter les travaux des retranclie- ments. projetés. Plufij loin, à l'angle que forment aujourd'hui le quai de la Douane et celui de la Place d'Armes, on remarquait un petit port inté- rieur, espèce de barachois où M. de Labourdondais établit plus tard une curieuse machine, et qui, successivement comblé par le temps, présentait è cette époque assez de profondeur pour que le bâtiment de l'Etat, la Fierb, coulé au milieu, s'y soit enseveli. Auprès, à la Pointe des Forges formée par une veine dure de corail, se présentait en quelque sorte le centre des premiers travaux et de l'installation française. Là commençait le Trou Fanfaron, vaste bassin de 300 toises de longueur sur 60 de largeur, abrité de façon à défendre les navires contre les vents et les flots les plus violents,, et qui se prolongeait jusqu'à l'embouchure de trois ruisseaux dont les dé- pôts limoneux le comblaient à chaque orage.
En 1785, on vit aborder au camp de Port-Louis un homme de petite taille. Sa stature n'excédait pas cinq pieds et quelques lignes ; il était élancé, avait l'œil noir et vif et le port plein de dignité. Cet homme qui semblait né avec la passion de la mer, avait, comme Duguaytrouin, reçu le jour sur un rocher de la Manche, à St. Malo.
A l'âge de 10 ans, il avait fait son premier voyage dans les mers du Sud ; à 13 ans, il avait parcotiru les Indes Orientales avec le grade d'en- seigne, et pendant la traversée, il avait étudié les mathématiques sous un savant professeur de la Compagnie des Jésuites. De 13 à 24 ans, il avait, navigué dans les mers du Nord, dans le Levant, et visité Surate, au servi-^ ce de la Compagnie, avec le grade de second lieutenant. A l'âge de 24 ans, il s'était signalé par un trait remarquable d'audace, aux Iles de France et de Bourbon. Le navire le Bourbon s'était ensablé sur les côteff de cette île. Alors premier lieutenant, il s'aventura dans une chaloupe et vint à l'île de France réclamer le secours d'nn autre navire, avec l'aide duquel il sauva le sien.
Pendant ce voyage de l'Inde, il composa un traité remarquable sur la construction navale. A peine de retour en France, il repartit bientôt avec le grade de second capitaine, et il utilisa encore sa traversée en étu- diant sous M. Didier, Ingénieur Royal, la tactique militaire et les fortifi- cations. Ce fut dans cette campagne que chargé de la plupart des opéra- tions militaires contre Mahé, il contribua puissamment à la prise de cetto ville. La conclusion d'nntraîtô de paix le fit rentrer dans la vie privée.
20 ARCHIVES COLOKIALÏS
11 fut le premier français qui dirigea des armements dans' ces mers/ et il y acqait en peu d'années une fortune considérable. Il trouva Voccasion de rendre au Roi de Portugal des services éminents en sauvant deux de ' ses vaisseaux^ et en se rendant médiateur à Moka, entre les Arabes et les Portugais qu'il parvint à concilier. Le Vice Roi de* (ioa lui offrit en ré- compense, au nom du Roi de Portugal, TOrdre du. Christ et l'agence Por- tugaise sur la côte de Coromandel. Il l'accepta pour mieux pénétrer le secret et les ressources du commerce des Indes. Puis, il revint en France vers 1733, et après quelques conférences avec les Ministres, il fut nommé Gouverneur Général des Iles de France et de Bourbon. Cet homme, c'était Mahé de Labourdonnais.
La commission de M. de Labourdonnais attestait la haute confiance qu'il avait su inspirer à la miîtropole. Les gouvernements des deux îles de Maurice et Bourbon étaient réunis entre ses mains ; les Conseils étaient réorganisés sur les mêmes bases ; maïs celui que Jl© nouveau gouverneur présidait en personne, devait être le Conseil supérieur. M. de Labourdon- nais avait le commandement en chef, non-seulement des vaisseaux qui lui étaient confiés, mais de tous ceux de la Compagnie qu'il rencontrerait sur la mer des Indes Orientales. Enfin, son avis personnel, en certoiûes ma- tières de la marine et de la guerre, devait prévaloir, même sur la délibé* ration des Conseils.
M. de Labourdonnais, du premier coup d'oeil, embrassa l^avenir de l'île de France ; il en voulut faire une riche plantation et une citadelle.
Le traité d'Utrecht venait de ravir à la France, en 1713, ses colonies du Canada, de Terre Neuve, de l'Àcadie et de la Baie d'Hudson. Il s'a- gissait de rétablir l'équilibre de sa puissance coloniale dans un autre hé- misphère ; il fallait à la France une espèce de redoute maritime à la porto des Iodes Orientales pour y protéger ses possessions nouvelles et surveil- ler les entreprises de l'Angleterre. Le beau port de l'Ile de France réso- lut ce premier problème. •
L'île jusqu'à ce jour avait coûté à la Compagnie des sommes énor- mes, et Texécution de ce plan ne tendait pas à diminuer ces dépenses ex- orbitantes. Il s'agissait d'en faire une colonie prodiictive telle, qu'elle pût couvrir non seulement ses dépenses intérieures, mais devenir une source de richesses pour sa métropole. La fécondité du sol favorisait en- .core cette seconde pensée.
Enfin il fallait à cette nombreuse marine' de Finance qui tentait d'ex- ploiter en grand le commerce des Indes Orientales, un point de relâche, un milieu des solitudes de ToceMn, où elle pût rafi-aîchir ses équipages et ravitailler ses vaisseaux. Ce point de relâche pouvait même se transfor- mer en un niagasîn général, où les productions des deux mondes vien-
LABOUBDOmiAIS 21
draient elleB-mémes aa devant ded marines reapectires et abrégeraient, de part et d'autre, nne partie de leur route lointaine. L'île de France offrait une position admirable pour devenir un entrepôt central entre l'Asie, l'Europe et l'Amérique.
Les détracteurs de M. de Labourdonnais lui ont reproché l'impor- tance qu'il attachait à l'Ile de France, comme un faible, propre à tous les grands hommes qui, placés sur un point quelconque, en font aussitôt le centre de toutes choses. Mais ce n'était pas la présence de M. de Labour* donnais dans l'Ile qui ouvrait devant elle de semblables destinées. C'était parce qu'elle les comportait par sa nature môme que le roi y avait envoyé un homme proportionné à une si grande mission. L'Angleterre le com- prenait bien, Elle, et lorsque plus tard, le capitaine Munro parlant, comme par une inspiration prophétique, des conséquences sans bornes d'une telle oonquôte pour sa patrie^ disait que '^ c'était abattre par les racines la '^ puissance coloniale de la France dans l'Inde, et faire disparaître, aveo '^ elle, la Hollande et l'Espagne de ces mers," il démontrait combien il y a de puissante réalité dans ce que la foule appelle souvent nne chimère I Une espèce de fatalité semblait, au reste, donner au gouvernement des Indes, pendant ce siècle, un éclat redoutable. Il était mortel à tous ceux qui le touchaient. Des trois illustrations Françaises qui y furent investies d'un commandement, Labourdonnais, Dupleix, Lally de ïollendal, deux moururent de douleur, dans la disgrâce et aux pieds des juges ; le troi- sième perdit sa tète sous la hache du bourreau.
La fortification do l'Ile de France était le premier pas dans la grande entreprise que M. de Labourdonnais venait tenter. Ce fut aussi ce point de vue qui détermina le choix du chef-liëu de l'île. La position du Port- Louis défendu naturellement par les vents généraux, de façon à ce qu'une flotte ne puisse l'approcher qu'en domptant la résistance de ces vents, parut d'abord le meilleur retranchement que pût offrir une place.
La Rivière des Lataniers qui coulait des montagnes à la côte^ présen- tait à l'ESst, par ses ravines, un autre retranchement naturel qui couvrait le côté oriental du Port, et auquel l'art n'avait que peu de chose à ajouter pour en faire une forte barrière. M. de Labourdonnais conçut le tracé do. second retranchement artificiel accidenté de bedaks et de bastions qui longe les sinuosités de la rivière et qui saisit la campagne depuis l'Ile aux Tonneliers jusqu'au premier mamelon des montagnes oii s'élève la batte- rie Dumas. »
Une escadre pour entrer au Port-Louis, devait en outre côtoyer l'Ile aux Tonneliers, dont la majeure partie, large à peine do cent pas, présente un flanc d'un mille de longueur. M. de Labourdonnais imagina de faire de ce rocher comme un immense vaisseau hérissé d'artillerie et embossé an devant de la ville pour la défendre. Il conçut un plan de batteries et
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AnCHIYRS CôTiONIALïS
après Papprobafcion de la métropole, il «q commença aussitôt les fonda- tions. Il est curieux de voir en quel état de défense M. de Labourdonnais laissa cette partie de la côte à son départ, soit pour le comparer à Tétat actuel de nos fortifications, soit pour apprécier ce résultat gigantesque dans une île presque déserte et sans finances.
L'espace entier qui sépare la Pointe des Canonniers de la Pointe des Forges, ne formait qu'une chaîne de batteries dont les feux croissaient l'un sur l'autre. Sur l'Ile aux Tonneliers, on voyait, d'abord la redoute Labourdonnais qui esta l'épreuve des bombes et que défendaient 30 pièces de grosse artillerie. Cette redoute était couverte par une batterie située BUP une pointe de la côte à laquelle elle communiquait par une tranchée et une poterne. A la gauche de la redoute, venait une seconde batterie avec un chemin de communication couvert. A droite, à 300 toises plus loin, s'élevait une autre redoute ; à 250 toises de celle-ci, était encore une troisième batterie. Vers la pointe Est de l'Ile aux Tonneliers, une autre petite batterie commandait le pont de communication d'une île petite et étroite située à la suite de la première, et que défendait à son extrémité une petite redoute. Les derrières de ces redoutes étaient protégés par des marais. Toute cette ligne elle-même était couverte au Nord par un banc de corail qui ne permettait pas à une escadre d'en approcher à plus de 2 tailles de distance.
En face de l'Ile aux Tonneliers, se présentait le Fort Blanc, ou Port Royal, armé de 35 pièces de gros calibre. Les feux de ces deux batteries qui ne sont éloignées que de 500 toises, se croisaient pour en défendre l'entrée. Ce passage était d'ailleurs intercepté par une énorme chaîne que l'on tendait d'un fort à l'autre. Bâti sur une île, le Port Blano communi- quait avec la terre par une espèce de pont, et renfermait une batterie cou- verte flanquée de droite et de gauche par d'autres batteries. On y voyait aussi un petit môle qui se projetait sur l'embouchure du Port.
Sur le rivage Ouest, à 500 toises vers la ville, était un petit fort carré, armé de 12 pièces do 18. Enfin, au fond du Port, et sur la Pointe aux Forges, se présentait en avant du grand hôpital, un fort pourvu de 80 pièces de rempart, et surmonté du drapeau franf;ais..Les derrières de l'hô- pital étaient défendus par le fort Ste. Barbe.
Les lignes de retranchements du côté occidental de la ville consis- taient en un mur de pierres sèches qui liait, on quelque sorte, le fort carre
de Caudan à la montagne.
Eugène Piston. {A suivre,)
La Revue commoncera bientôt la publication du curieux et intéressant Votaoe de François Gauche îl l'île Saint Laurent (Mada^^aacnr) et à l'île d'Apollonie (Maurice), en 1638.
LA PLUS ANCIENNE CONCESSION DE TERRAIN
A L'ILE DE FRANCE
Nous donnerons, dans le cours de notre publication, un modèle de chacune des formules successivement employées pour les concessions de terrains à l'île de France. Nous publions aujourd'hui la plus ancienne concession qui soit enregistrée au bureau des Archives : celle faite à Pierre Christophe Lenoir, Gouverneur de Pondichéry, en 1726, d'un terrain situé au Grand-Port, alors appelé quartier St. Martin.
,NOUS DENIS BROUSSE LIEUTENANT de roy de l'Isle de France et y commeudant pour le Boy et la Compagnie des Indes Orien* talles. Seigneur a perpétuité en toute«proprietté Justice et seigneurie de la d. Isle et aussi de sa dépendance. Président du Conseil Provincial qui
j est etably
Salut,
Le sieur Pierre Christophe Le Noir Commendant des forts et Etablis- sements françois dans les Indes Orientalles, Président des conseils tant supérieurs que provinciaux dans les d. Etablissements, et Gouverneur de Pondiohery, nous ayaut requis de luy concéder et a ses héritiers nez et a naitre de l'egitime mariage ou ayant cause un terrain sittué au quartier St-Martin contenant mil pas en quarré Géométrique de cinq pieds chaque pas, lequel sera borné du costé par la Rivière de Mons^^- de Nyon et de l'autre par l'habitation des hoUandois et montagne françoise, et d'un bout par la mer à l'exception des cinquante pas de la Compagnie, et de l'autre bout par les montagnes.
Le Conseil Provincial de cette Islo assemblé et consulté de son avis et consentement pour le bien et l'utilité de la Compagnie et de la Colonie, en vertu du pouvoir que la Compagnie nous donne, nous avons concédé et concédons au d. s^ LeNoir et a ses héritiers nez et a naitre de l'egitime mariage ou ayant cause les terrains qui sont cy devant bornés, qui sont actuellement vaiues vagues et sans culture pour le d. s^ LeNoir et ses légitimes héritiers ou ayant cause, en jouir en toute proprietté roturière la Compagnie se réservait tous droits de seigneurie directe de banalités, de chasse, et pesche, et en outre aux conditions suivantes ou autrement.
Article Premier. Que le sieur Le Noir sera tenu de faire cultiver les d terres .et les ensemancer de grains et autres fruits quelles seront jugées capable de recevoir, en sorte que dans trois années a compter du jour de la datte de la présente concession, le dit terrain soit en culture et celle que la nature du terrein le requerern, et faute de quoi les d* terrains reviendront ^ la Compagnie sans aucune formalité de justice, seront reunis consolidés
2i ÀBCHIVES COLONIALÈd
de plein droit a son domaine sans qu'ils paissent prendre ...dedoniage-
ment pour raison d'une portion des d. terres qui auraient esté [cultivées]
ou ensemancés.
Article 2
Qu'il sera payé par chaque concessionnaire le dixième en nature des oaffés^ poivriers^ canneliers^ drogueries et épiceries fruis et autres plantes arbres et arbustes servant a la teinture et a la médecine qui pourroient croistre sur les terres^ à l'effet de quoy chaque concessionnaire sera tenu d'apporter aux magasins de la Compagnie tout ce qu'il aura recueilly chaque année des productions cydessus pour estre le dixième prélevé au proffit de la Compagnie le surplus estre payé aux d. concession- naires en argent ou marchandises sur le pied du tarifa et seront les d. concessionnaires exempt pendant trois années entières des d. dixième à compter du jour de la datte de leur concession.
3.
Qu'il sera payé au garde magasin de la compagnie dans Vlsle tond les ans et dans le mois de Janvier de chaque année pour chaque arpant de terre ou sol soit en argent soit en denrées de pareille valeur au choix du concessionnaire^ et en outre une poulie a peine de soixante sols d'amen- de contre ceux qui ne payeront pas dans le d mois de Janvier.
4
Que ceux qui acquereront du d. s^ Lenoir sesherittiers ou ayant cause le tout au partie des d. terres concédées^ soit a prix d'argent échange ou rentes de toutes espèces seront tenus d'en notifier au greffe du Conseil le con- trat ou acte d'acquisition dans vingt jours de sa datte a peine de trois livres damende^ de présenter ensuite le contrat ou acte du susd. garde magasin et de luy payer vingt deniers pour livre du prix de l*acquisition^ la compagnie se reservant la faculté de reunir les d. terres à son dom* maine a chaque vente en remboursant a l'acquéreur le prix porté par
le contrat ou acte d'acquisition*
5.
Qae la présente concession sera enregistrée au greffe du Conseil tro-» vincial au pied de coppie de laquelle qui servira de minutte le d. sr. le noii* s'obligera d'exécuter les conditions cy dessus dont il fournira trois ejq>e^ ditions au greffier du d. conseil qui en gardera une pour en composer uU registre, une pour le duplicata du double du registre et la troisietne pour estre envoyée à la compagnie pour la ratifier et approuver, le tout a peine de nullité de la présente concession et de réunion des d. terres au dommaine de la Compagnie, en l'état qu'elles seront sans aucun rembour- sement des améliorations, maisons et constructions qui pourraient sy trou- ver. Donné au Port Louis dans l'Isle de franco le cinquième Juin mil sept
cent vingt six.
Signé : Sx. Màbiin^ Gasx. Dbautssivjb.
i^ ANNËE 16 JUIN 1887 M* A
ARCHIVES COLONIALES
MAURICE-RKUNION-MADAGASCAlt
LABOUBDONNAIS
(suite) *
Il est une conception peu connue qui couronnait ce système de forti- iicntion et que M. de Labourdonnais n'eut pas le temps de mettre à exé- cution. Le cintre des montagnes qui enveloppent la ville du côté de terre^ est surmonte d'uue espèce de pic appelé le Pouce. Ce pic offre un plateau de plus de trois milles de circonférence, couvert en partie de forêts, arro- sé da trois sources abondantes qui y prennent naissance et défendu par une ceintura d'escarpements en roches vives do plusieurs centaines de pieds de hauteur. Un passage étroit et rapide, du côté de la ville, est le seul moyen de communication de ce plateau avec les régions inférieures. C'est là que M. de Labourdonnais imagina de placer, comme l'aire d'un aigle, la citadelle qui devait commander le port et la ville. Il devait le fermer par un fort ouvrage de fortification sur l'étroit passage qui com- muniquait au versant des montagnes. I\ créait ainsi un point innccessi- ble de toutes parts, abondamment pourvu d'eau et d'oii sa garnison retranchée pouvait foudroyer Penceinte du port et do la vallée, on quelque sorte du sein des tiuages.
Un des régiments do la vieille France devait laisser sur cette crô'e les traces de son passage dans l'Ile, en ouvrant, à force de mines, sur le revers du côté de Moka, cette route composée de tranchées taillées dans le roc et de chaussées suspendues sur les précipices, qui donnent u cet ou- vrage nue empreinte de grandeur romaine.
Enfin, un accessoire obligé de cette rféation générale, était l'enceinte du Port, an moyen de deu£ chaussées parallèles qui devaient joindre à la ville les deux îlots du Port Blanc et de l'Ile aux Tonneliers. Ces deux
t Voir pages 1 et 13,
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chaussées^ qui encaissaiont dans toute sa longueur le chenal du Port, de- vaient le préserver des obstructions que cause le charriage des eaux et former comme les deux quais d'un canal de 500 toises de large sur 1,000 do longueur dont lo lit pouvait être creusé et entretenu à une profondeur convenable, au moyen d'une curemole.
M. de Labourdonnais, pour accomplir cette grande tâche, disposait des ressources suivantes : il avait emmené avec lui, sur le vaisseau le Fleurt, qui l'avait porté à Pile de France, M. de Tromeliti et jtine quin- zaine de chefs ouvriers européens, maçons, briquetiers, charpentiers et forgerons. Ces ouvriers avaient été engagés par lui et à ses frais en France, et il les avait cédés, à son arrivée dans l'île, à la Compagnie. Le corps des ouvriers indigènes s'élevait, tant pour l'île de France que pour Bour- bon, à 100 hommes parmi lesquels on se rappelle que M. de Cossigny avait vainement sollicité une vingtaine d'ouvriers, l'année précédente, pour le service de l'Ile de France. C'était tout.
Le premier travail dans une île à l'état de nature, devait être de se pourvoir des matériaux de construction ; il fallait exploiter des bois, ex- traire des pierres, fabriquer de la chaux. Des réquisitions furent adres- sées aux habitants voisins des forêts les plus accessibles, et avatit doux années ils avaient non seulement procuré tous les bois nécessaires aux constructions civiles, mais réuni un assortiment de pièces suffisantes à la construction de plusieurs grands navires. Une riche carrière à quelques lieues de la ville, sur les bords d'une rivière, fut exploitée et fournit non seulement les pierres avec lesquelles se forma le commencement de notre ville, mais l'arsenal considérable dont on voit sur les lieux les ruines. Il n'y avait aucun moyen de communication à l'intérieur ; on se mit à ouvrir des chemins. Il fallait des véhicules ; on construisit non seulonent des chariots, mais des machines propres à transporter facilement à de grandes distances des fardeaux immenses. 11 fallait des bêtes de trait ; les car- gaisons de bœufs sauvages de Madagascar furent domptées et pliées au joug. Il fallait des bras nombreux ; M. de Labourdonnais fit à ses frais la traite des esclaves, puis il les cédait à la Compagnie et les incorporait dans ses cadres d'ouvriers. Partout le mouvement fut organisé en môme temps.
Malgré la grandeur des difficultés que M. Labourdonnais rencontra dans les éléments et la matière, aucune ne peut être comparée à celles qu'il eut à combattre dans les hommes qu'il avait à gouverner. L'organisation seule du personnel de ses ateliers eût suffi pour décourager tout autre que cette âme do fer. Il ne serait pas facile de décider do quel côté se manifestait le plus de mauvaise volonté, de ceux qui avaient à dnseiefner, ou de ceux qui devaient apprendre. Il fallait que cet homme, fatigué par les veilles où venaient éclore, devant la lueur d'une lampe,
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cea conceptions qni devaient assurer la prospérité du pays, consacrât pour ainsi dire ses journées, la truelle on la liache à la main, à remplir dans ses ateliers les fonctions de premier contre-maître. Nou^ dirons plus tard los résistances et les dégoûts dent rabrouvèroat à leur tour la marine et l'agriculture.
Cependant la ville sortait de terre. Au milieu dos cabanes rustiquos dont elle se composait, on voyait s'élover sur la Place d'Armes dos édifices en pierres dans le style ifnlien et couverts en argaàiasses. C'étaient encore les magasins Je la Compagnie et le GonvenieruLmt, le fort du Pavillon, situé ù la Pointe aux Forges, et dont M. de Nyon, en 1726, av«iit posé la première pierro; c'était la Poudrièro posée sur la pointe du Trou Fanfaron. L'établissement le plus essentiel à un port de relâche, dans un temps où l'absence de tout comfort dans la marine et la longueur des traversées étendaient les ravages de la maladie sur les équipages, était un hôpital. Un immense bâtiment en pierres, capable de contenir 4 à 500 lits s'éleva, comme par magie, derrière le fort de la pointe aux Forges. Aucune création ne captiva autant la sollicitude de M. de Labourdonnaîs, que cet établissement; nul ne lui valut aussi plus d'ennemis et d'ingrats. Il s'était fait une loi de le visiter chaque matin lui-même et rien ne lui coûta, d'un côté, pour réprimer les désordres et l'infidélicé des administrateurs, dj l'autre, pour satisfaire aux exigences ridicule3 djs mxlades. Les uns ne ne pouvaient pardonner & M, de La))ourdonnais la répression de leur.4 dilapidations et de leurs honteux trafics ; los autres rendaient le gouverneur responsable de la rareté accidentelle des viandes fraiches et des tortues dont il avait soin de faire approvisionner l'infirmerie. Par ses soins un aqueduc de 3600 toises coiiduisit les eaux fraîches de la Grande Rivière à la porte même de l'hôpital, au centre do hi vi'Ie et sur les bords du quai où les chaloupos des navh'es pouvaient faire leur eau avec une facilité eib une promptitude qui ne se rencontrent dans aucun autre port du monde. Alors s'élevèrent aussi ces casernes dont les 4 côtés, formés par des bâtiments en pierres h étages et des murailles do 150 toises de longueur, couvrent un carré de plus de 22,000 toises en superficie; alors s'élevèrent aussi les moulins à vent pour fabriquer les farines, les salines, les moulins à poudre et tout ce qui constitue L'AMUîfiTiONNRBf bnt et la défense d'une colonie naissante.
11 n'y eut pas jusqu'à la population qui no fût transformée par M. de
Ijabourdonnais em instrument de guerre. li voulut que l'ile fut occupée et peuplée par une armée de soldats agriculteurs. Chaque dimanche, après l'office divin, les habitants étaient tenus de so réuni/ pour s'exercer au maniement des armes. Les postes étaient assignés dWance ; les rendez* vous désignés pour la première alerte, et chaque mois, une revue générale
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réunissait au Champ de Mars l'aniversalite des habitants de l'île. Tel fut dès 1741 et 42, à la première nouvelle de guerre, le germe de cette milice indigène qu'organisa régulièrement, dans la suite, l'Ordonnance Royale de 176d.
La nature avait fait le reste pour la fortification de l'île. L'ingénieur Bernardin de St Pierre, célèbre par son roman de Paul et Virginie, a constaté, dans l'examen du littoral, que l'île est entourée, à quelque distance du rivage, d'une ceinture de brisants et que partout .oii cette ceinture n'est pas continuée — chose bizarre, mais certaine — ^la côte est formée de falaises escarpées. Ces passages, indépendamment des trois mouillages principaux du Port Louis, du Grand Port et de la Rivière Noire, ne s'élèvent pas au-delà du nombre de 19, dont quelques-uns seulement soi^t accessibles aux navires.
La marine, ce rempart de murailles flottantes^ comme l'appelait l'antiquité, devait oaptiver au plus haut point l'attention de M. de Labour- donnais, dans une île où il s'agissait, non-seulement de repousser l'ennemi, mais de former un centre d'opérations qui devait décider du sort des Indes, soit par le commerce, soit par les armes. M. de Labourdonnais commença à faire tracer le chenal navigable du Port par deux rangées de balises surmontées de pavillons ; un Phare et un grand pavillon furent aussi placés sur le sommet de la montagne, pour guider la navigation nooturno. L'îlot de l'Observatoire, transformé en Poudrière, fut réuni à la place du Gouvernement par une chaussée derrière laquelle les navires vinrent s'abriter et abattre en carène. Un ponton fut mouillé entre les deux forts, par 40 pieds de profondeur, pour l'usage des bâtiments d'un tirant d'eau plus considérable. Le petit port. intérieur de la Place d'Armes fut creusé et clos au moyen de deux épis placés au devant de l'embouchure. C'est dans cet étroit bassin que M. de Labourdonnais imagina de placer cette machine ingénieuse par laquelle il soulevait les navires au-dessus des eaux pour en faire visiter et réparer le fond. Le premier essai qui s'en fit eut lieu sur un fonton de 100 et quelques tonneaux, auquel une voie d'eau s'était déclarée ; en moins d'une heure il avait été suspendu^ réparé et mis à flot.
En 1737 sortirent des chantiers plusieurs petits navires parmi lesquels on remarquait un bâtiment de 500 tonneaux qui fut armé en guerre par la Compagnie, et rendit d'importants services dan$ la navigation dos Indes.
Nous no sanrions séparer de l'administration de M. do L^^bourdonnais, bien que l'exécution en ait commencé 20 ans plus tard, sous les auspices de MM. de Troraelin et Cossigny, la création du bassin Fanfaron, et celle de la clôture latérale du Port au moyen d'une chaussée, reliant l'Ile aux Tonneliers à la terre fei^me.
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Les trois ravines qui débouchent au bassin Fanfaron en avaient tellement obstrué le lit, que cette anse oii Ton avait vu couler, sous M. de Labourdonnais, un vaisseau de 50 canons, n'offrait plus guère, en 1770, que la profondeur d'une brasse.
Une de ces grandes catastrophes qui réveillent l'administration de son apathie fit sentir déplorablement la nécessité de cet abri ; un ouragan terrible détruisit une partie de l'escadre de i'amîral d'Aché, mouillé dan^ le chenal du Port. M. do Tromelin fit alors parvenir au ministère le projet du fondateur de la colonie. La Métropole fut tellement frappée de l'avan- tage de ce projet, qu'elle en ordonna l'exécution immjdiate. La chaussée de l'Ile aux Tonneliers fut construite, un large et gigantesque môle, jeté entre le bassin Fanfaron et l'embouchure des ravines, et un spacieux canal de décharge, ouvert aux torrents, les rejeta eu dehors de l'enceinte du Port. On commença le curemont du bassin sur une profondeur de 25 pieds, tirant d'eau des vaisseaux les plus considérables, avec leur charge. Il fut reconnu que 4 cure-môles servies par 8 gabarres à clapet, suffiraient pour enlever en 8 ans les 45,000 toises cubes de vases qui encombraient ces tonds. Malgré les sondages faits par M. de Tromelin dans toute l'étendue du bassin surtout à son entrée, et la certitude qu'il conçut de ne rencon- trer aucun banc de roche qui interceptât ce passage, il paraît que pendant l'exécution des travaux, la découverte d'une veine de corail fit un instant désespérer de cotte grande tentative. La persévérance do M. de Tromelin triompha cependant de cofc obstacle. Il démontra, dit M. Magon, ^^ qu'au moyen de la poudre à canon et à l'aide do percements faits à une certaine distance du ceiatre de l'explosion, de manière à interrompre la communi- cation du mouvement et à rendre la force proportionnelle à la masse, cette opération était facilement praticable. Ou essaya et' l'on réus&it à briser sous l'eati le principal banc qui s'opposait au passage des navires de haut bord."
M. de Labourdonnais ne déploya pas des soins moins attentifs pour la marine en relâche. Indépendamment des chaussées, bassin de carénage ot machine qu'il avait établis, ses chantiers naissants le pourvoyaient de chalans, d' allèges, de citernes flottantes, de bateaux de service et de tout' ce qui 'pouvait faciliter l'armement ou le désarmement des navires en réparation. Enfin la construction navale avait pris, sous les auspices du nouveau Gouverneur, un tel essor, qu'au dire des hommes du métier, on pouvait alors réparer un navire au Port Louis, aussi bien et aussi vite que dans le port royal de Lorient,
Cependant la classe des capitaines do marine ne fut pas celle qui porta les coups les moins funestes au ci*édit et à la réputation de M. de Labourdonnais en France. Importunés par la vigilance d'un censeur
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«érère, ils se dédommageaient à leur retour dans la patrie, par la malignité de lears propos^ du frein qu'il avait mis à leur indépendance. Une épizootie désastreuse sur le bétail, qui rendait très difficile Tapprovisioniiement des viandes fraîches dontradministration locale devait pourvoir les équipages, excita des plaintes infinies. On avait mis en œuvre tous les moyens possibles, mais en vain, pour obtenir cette ressource des campagnes et même des forêts. La raison resta impuissante contre des mécontentements inspirés moins par ces griefs que par ceux d'une surveillance incommode.
Le renouvellement des équipages fournissait un autre prétexte de clameurs. La Compagnie avait ordonné le débarquement des marins que la maladie rendait momentanément impropres au service. Ils devaient se remettre à terre de leurs f atigaes et remplacer, après leur rétablissement, . les malades d'autres navires. Ce fut la source de nouvelles plaintes : les hommes donnés en échange ne valaient jamais, au dire des capitaines, ceux qu'ils laissaient à terre, et ce qu'il j a d'étrange, c'est qu'ils ne s'apercevaient point qu'ils se réfutaient entr'eux en tenant tous à la fois le même langage. Il y avait un point plus délicat sur lequel s'élevaient encore de vives dissidences entre les capitaines et le Gk>uvemeur. 11 avait été recommandé à celui-ci de fournir aux navires en relâche, de l'eau et des vivres pour 5 mois de mer, et de retenir en échange le superflu de leurs agrès. Dans ce règlement, ces capitaines trouvaient toujours qu'on ne leur donnait pas assez et qu'on leur prenait trop ; puis, à leur retour, c'était des récits étonnants de tout ce qu'ils avaient eu à souffrir dans la relâche. Comme iln'yavait personne pour les contredire, ilssemaient des impressions pernicieuses contre le plus fidèle des serviteurs du Roi.
Cependant le mouvement industriel se développait et grandissait dans l'île. Les matières premières, la pierre, le bois, la chaux, grâce à l'activité d'une administration intelligente, pouvaient être livrées au commerce, à des prix d'un quart moins élevés que les cours précédents. La main- d'œuvre, au contraire, réclamée avidemment, en raison de l'esprit d'émula- tion et de travail, que M. de Labourdonnais avait su inspirer aux habitants, renchérissait considérablement. On vit le prix d^on esclave, qui ne s'était élevé avant son arrivée qu'à 300 livres, monter jnsqu'à 1,000. L'industrie n'était plus représentée par une masse d'hommes brutes à laquelle prési- daient quelques rares chefs ; c'était véritablement toute une population ouvrière, formée à l'école de l'Europe, et qui remplissait le cadre d'une excellente organisation des arts et des métiers.
Les mines de l'île frappèrent, dès cette époque, l'attention de M. de Labourdonnais. Il est certain que notre sol recèle des filons de charbon de terre et de fer. L'existence des premiers, qui fut constatée quelques années plus tard par M. de Séligny, serait, de nos jours, un fait assez important pour mériter les recherches du Département des Travaux Publics. La
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découverte des mines de fer remonte à ^occupation Hollandaise. On re- cueillait alors à Maurice, dans les lieux bas et marécageux, du fer oxidé hématite, en grains de la grosseur d'une noisette ; cette substance paraît même avoir été Tobjet d'une exploitation assez considérable dans ces temps rbculés. La supériorité de ce fer sur celui d'Europe fut démontrée par un fait curieux. Pendant la guerre de l'Inde, on remarqua que sur tous les mâts d'assemblage construits en bois dur qui ne cède pns, ainsi que le pin, à la pression du fer, les cercles de ce métal faits en Europe avaient été brisés, tandis que tons ceux de l'îlu étaient restés intacts. Le siège d'exploitation des premières mines paraît avoir été Pamplemousi^es, la Ville-Bagne et la Nouvelle Découverte. Celles des Pamplemousses étaient les moins productives et semblaient même ne présenter que des parcelles de fer charriées avec la terre par des pluies abondantes ; celles do Ville- Bague et de la Nouvelle Découverte étaient les plus riches ; mais leur position^ au milieu des précipices, ou sur le sommet de montagnes escarpées, en rendait l'exploitation dispendieuse. La Compagnie avait fait conserver pour ses fourneaux une étendue de forêts d'environ 4,000 acres, espérant que les bois se renouvelleraient par l'aménagement ; mais il semble qu'à Maurice les futaies, une fois abattues, ne repoussent pas, ou le font si lentement, qu'il faudrait des siècles pour réparer les dévastations d'une coupe. Quoi qu'il en soit, les forges créées par MM. de Rostaing et Hermans, en 1750, quatre ans à peine après le départ de M. de Labour- donnais, reçurent eu peu de temps un tel développement, que nous en trouvons la description suivante dans le voyage autour du m^nde du célèbre de Bougainville : " J'admirai, dit-il, à l'Ile de France, les forges de MM. Rostaing et Hermans ; il en est peu d'aussi belles en Europe, et le fer qu'elles fabriquent est de la première qualité. On ne conçoit pas ''ce qu'il a fallu de constance et d'habileté pour perfectionner cet *' établissement et ce qu'il a coûté de frais.
" Il y a maintenant 900 nègres dont M. Hermans a tiré et fait exercer " un bataillon de 200 hommes parmi lesquels s'est établi l'esprit de corps; " ils sont entr'eux fort délicats sur le choix de leurs camarades et refusent d'admettre tous ceux qui ont copmis la moindre friponnerie. Comment se peut-il faire que le point d'honneur se trouve avec l'esclavage ? "
M. Legentil, de l'Académie Française, a laissé sur le rendement de ces mines quelques données : il estime le produit do 9 milliers de minerai à 2,000 livres de fer fondu ; c'est-à-dire, le métal obtenu environ à 20 pour cent de la matière brute ; mais il fait observer que ces deux milliers de fer fondu ne produisent qu'une quantité de 50 pour cent en fer forgé. Le minerai de ces mines ne présente donc, selon lui, que le rendement de 10 pour cent en fer forgé; selon d'autres, on peut évaluer ce rendement à 15 pour cent.
{A suivre.) Eugène Piston.
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FORMATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
DES
ISLE'S DE BOURBON ET DE FRANCE
EXTRAIT DU REGLEMENT GENERAL pour les ISLES de BOURBON et de FRANCE
L'objet Pcixctpal de la Compagnie dans toutes ses concessions^ étant le commerce et la culture des terres, elle a jugé à propos de diviser le gouvernement civil du militaire, et en conséquence de régler les fonc- tions des officiers de plume et do guerre, afin qu'un chacun appliqué par- ticulièrement à Pemploy dont il sera charge, en puisse remplir exactement tontes les parties, sans être distraib par d'autres soins.
C'est pourquoy ello a fait le présent règlement qu'elle ordoone être enregistré à la teste du Registre du Conseil d'Administration pour d'y celuy en être extrait des copies, lesquelles seront remises à chacun des officiers de plume et de guerre en ce qui les coucernora, afin qu'ils ayent à s'y conformer, et les uns et les autres seront tenus de remettre au Con-» seil d'administration, une ampliation signée d^eux avec soumission de les exécuter.
GODVERNEMEXT ClVJL.
Le Coni=îeil supérieur de l'isle de Bourbon sera composé comme il suit : Monsieur Du Mas, président
Le sieur Gachct premiejr conseiller
Le sieur Villermoys deulsième conseiller
Le sieur Gabriel Du Mas troisième conseiller
Le sieur La Nux quatrième conseiller
Le sieur Morel cinquième conseiller
Le sieur Lembert La Bergry... sixième conseiller Cr: Conseil se tiendra au quartier St Paul, aux jours, heures, indiquées par le président, ou en son absence par celuy qui y présidera.
Lorsque le conseil do l'isle de Bourbon jugera à propos d'établir un conseil provincial à l'isle de France aux termes de l'édit du mois de Novembre 1723, il aura attention de choisir parmy les employés de la Compagnie ceux qui seront les plus capables de former le dit conseil.
L'intention de la Compagnie est qu'il soit étably un conseil d'admi- nistration pour toutes les affaires qui concerneront les colonies des isles de Bourbon et de France.
Ce Conseil se tiendra pareillement au quartier St Paul, et sera composé, sçavoir, du directeur général du commerce qui en sera le chef, du garde Magasin général, des gardes magasins particuliers, tant du quartier St Paul que des autres quartiers de l'isle, lorsqu'ils se trouveront à St Paul ou lorsqu'ils y seront appelles, et du secrétaire de la Colonie qui y tiendra la plume et aura voix délibérative.
yoBMATioN DU roNSEit d'admikirtration 33
Il sera tenu par le secrétaire de la colonie un registre des délibéra^ tionSj sur lequel celles qui seront prises dans le conseil seront portés jour par jour, par ordre et datte sans aucun blanc, et signées do tous ceux qui y auront assistés. *
Le conseil aura soin d'envoyer chaque annéj à la Compagnie copie collationée du dit regittre.
L'exécution de toutes les délibérations et décisions du conseil sera commise au chef ou en son absonce au premier couieiller du dit conseil d'administration.
Le Conseil donnera tons ses soins pour la CDnstru';ti'>n des foriS, maisons, et magasins pour la Compagnie, et logemeiis pour les troupes, et pour le mettre en état do pousser cos ouvra:^os à leur perfection le plus promptement qu'il sera possible, la Compagnie autorise le Conseil à en- voyer s'il le juge à propos à Madagascar pour la traitte des noirs, outre les b&timens à ce destinés, le navire qui doit être e.'^pédié tous les ans de Pondychery pour porter aux isles de Bourbon et do France, les vivres, munitions et esclaves nécessaires, et de retenir d\i e cargaison à l'autre les noii*8 traites à Madagascar, pour les employer à la construction des dits ouvrages jusques à Ç9 qu'ils soient entièrement achevés, sans néant- moins que les dits noirs puissent Être appliqués à autre chose qu'à ce qui regardei-a le service de la compagnie ou de la Colonie.
Ces noirs seront employés conjointement avec ceux des habitans dont les corvées sont dues suivant le précèdent règlement de la compagnie.
Le conseil se conformera pour ce qui regarde les fortifications, mai- sons, et magasins des Isles de Bourbon et de France aux plans et aligne- mens dressés et laissés sur les lieux par Monsieur de Nyon à l'exception seulement du fort à construire au port du N : 0 : de Tisle de France pour leqnel le conseil fera suivre le nouveau plan qui luy est remis.
Dans la vue que la Compagnie a de procurer le prompt établissement de l'Isle de France, elle exhorte le Conseil de l'isie de Bourbon d'ynvi- ter quelques familles de cette dernière Lsle a passer a celle de France, en usant a cet effet de toutes les voyes de persuasion et de méuagemens qu'il jugera convenables, et elle luy donne pouvoir d'accorder a tous les ha- bitans de risle de France trois années de terme pour le payement tant des noirs qui leur seront vendus que sur lo pied de deux cent livres de chacun, que des esclaves indiens dont deux ne leur seront comptes que pour un noir.
Et pour un plus grand encouragî'ement la Compagnie autorise le Conseil d'accorder tant aux habitans de Bourbon qui passeront a l'Isle de France, qu'a ceux qui y seront transportes d'Europe la ration pendant un an, et l'avance des outils et semonces nécessaires, à la charge par eux de restituer le tout en naturo ou en valeur dans le terme de deux ans que le Conseil pourra même s'il le juge a propos prolonger d'une troisième année.
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Comme il n'est pas moins important pour lo solide établissement de risle do France do penser sérieusement à la destructions des noirs qui B'y seront rendus marons la compagnie comande très particulièrement an Conseil d'apporter tous ses soins pour cette expédition^ et pour cet effet de prendre conjointement avec l'ofiîcier qui en sera chargé, les mesures qui paroitront les plus surs pour y roussir soit en y faisant passer les munitions 'et autres secours, soit en engageantes créoles de Vlsle de Bourbon a y passer.
La Compagnie de sa part ne voulant rien négligor do tout ce qui peut concourir au succès de cette expédition, autorise le Conseil a faire payer aux Créoles ou autres employez a la ditte expédition une somme de cent cinquante livres pour chaque noir maron mort ou vif qu'il représentera accordant même outre les 150 livres, la propriété des noirs vivants à ceux qui en seront saisys.
Tous les noirs des Islos de Bourbon et do Franco seront marqués sut l'épaule gauche, do l'empreinte que La Compagnie fera remettre au Conseil afin que l'on puisse confisquer ceux qui pouraient être intro- duits en fraude.
La compagnie autorise le Conseil a entretenir toute l'année deux canots pour le service de Tlsle do Bourbon avec le nombre des noirs suffi- sans, comme aussy a destiner au service des magasins et a la garde des troupes autant de noirs qu'il en sera nécessaire en faisant neantmoîns en aorte que l'habitation de la Compagnie établie a Sto Suzanne puisse four- nir a leur nouriture.
Il en sera usé de mesme pour le service de l'Isle de France en obser- vaut d'y destiner un terrain uniquement employé a y faire des vivres pour les noirs.
La Compagnie recommende très particulièrement au Conseil d'avoir une sérieuse attention à procurer la multiplication des Bestiaux dans l'une et l'autre Isie, afin quelles sovent on ôtat de fournir aux vaissoaux les viandes dont ils auront besoin, mais encore d'établir des Boucheries pour le public ainsy qu'il a été précâflerament ordonné.
Il est si important au bien du service et au Commerce de la Colonie qu'aucun bâtiment étranger no puisse prendre connaissance de l'intérieur des doux isles, n'y introduire en ycelles aucucunes marchandises, que la Compagnie deffend très expressément au Conseil d'admettre ny recevoir dans aucun endroit des dites Isles aucun bâtiment étranger ny d'en laisser descendre personne a terro pas même sous prétexte d'incommodité du navire ou de l'équipage,
Comme aussi de laisser mouiller ailleurs que devant le corps de garde qu'il sera enjoint d'établir pour empêcher qu'il ne se fasse aucun débar- quement do monde ou de marchandises, la Compagnie permettant unique- ment au Couseil de leur faire fournir en payant l'eau et lo boys dont les
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dits yaisseaax pourraient avoir besoiu^ autorisant au surplus le dit Conseil an oas que quelques «narchandises débarquées des dits vaisseaux vinssent à être aaisies à accorder à l'officier et aux soldats de garde la moitié de la valeur des marchandises^ l'intention de la Compagnie est que Faatro moitié soit appliquée à Phopital.
Comme il peut arriver plusieurs cas différons dans lesquels le Conseil auroit besoin du ministère du Commendant des Isles et des officiers des trpupes, l'intention de la Compagnie est que le Conseil prenne à ce sujet une délibération^ et qu'il en fasse délivrer copie à l'officier commandant, lequel sera tenu de s'y conformer comme si c'était un ordre émané directe- ment de la Compagnie.
L'intention de la Compagnie est aussy que dans les cas ou le Conseil jugeroît à propos de renvoyer en France quelque officier de mauvaise conduite, qu'il prenne là-dessus une délibération et qu'il en donne copie en forme au commendant général qui sera tenu d'y déférer à peine de répondre en son propre et privé nom du désordre que le séjour d'un mauvais sujet pourroit occasioner.
Le Conseil fera restituer aux soldats les différentes sommes qui ont étés retenues sur leur prêts pour la petite oye^ qui ne leur a pas été fournye.
Le Conseil aura attention à l'avenir de ne prononcer aucune amende dans les cas qui écbeoiront qu'au profit de la Compagnie, et d'en destiner le produit à la (création) d'un hôpital.
La Compagnie recommande très expressément au Conseil de Iny remettre avec exactitude copie des procès verbaux qui seront faits à l'occasion de ce qui se pourroit trouver de manque dans les cargaisons d'envoys des vaisseaux de l'Europe.
Monsieur Du Mas que la Compagnie a nommé directeur géné- ral du Commerce dans' les Isles de Bourbon et de France aura en cette qualité le gouvernement Civil et de la police sur tous les habitants des dittes Isles relativement nëantmoins aux délibérations du Conseil d'administration la suitto et l'exécution desquels luy sont commise en qualité du chef Conseil.
Les Ordres de la Compagnie étant adressés au Conseil d'administra- tion, parmy lesquels il y en a qui regardent les troupes et le militaire Mr. Du Mes aura soin d'en faire dresser une ampliation signée de toutes les personnes qui composent le dit Conseil, et do la remettre ou envoyer au Commendant General ou a l'officier commendant afin qu'il les fasse exécuter, Mr. Du Mas étant chargé au surplus de tenir la main a l'exécution do tous les autres ordres émanes de la Compagnie, Mx- Du Mas ayant l'inspection de la police et la direction Générale du Commercé dans les deux Isles, sera tenu d'y veiller a l'établissement des nouvelles cultures et au progrès de celles qui sont déjà commencées, pour cet effet l'inten-
^ C'est-à-dire les ba8| le chapeau ot lo8 aatreâ ajustements pour rendre un habillement complet.— liiTTBi,
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tioii de la Compagnie est qu'il fasse au moins trois mois de séjour chaque année et même qu'il s'y transporte toutes les foys que le bien du service pourra le requérir. Comme il est egallement important de mettre en règle les livres et les écritures qui ont été jusqu'à ce jour dans une grande confusion, Mr. Du Mas fera faire a son arrivée l'inventaire gênerai si fait n'a été par Mr. Le Noir, de toutes marchandises et effets apparte- nans à la Compagnie dont il chargera le garde magasin gênerai suivant le dit Inventaire par lequel commencera l'ouverture des livres, il sera observé de distinguer dans les dits objets les fonds de Commerce, des fonds immeubles ou mobiliers qui ne sont pas de Commerce pour en faire ouvrir des comptes distincts et séparer par chaque nature d'effet.
Comme le dit sieur Du Mas doit passer une partie de l'année a l'isle de France, il aura soin avant de repasser a l'isle de Bourbon de laisser les ordres et instructions nécessaires au s^- de S^> Martin garde magasin gênerai pour l'administration des affaires de la Compagnie dans les deux ports, auxquels ordres et instructions le dit garde magasin et autres employés seront tenus de se conformer.
Monsieur Du Mas fera faire tous les moys régulièrement la revue des troupes par le commissaire préposé » cet effet par le Conseil, il aura soin aussy de faire payer tous les cinq jours le prêts aux soldats, et il tiendra la main conjointement avec l'officier à ce qu'il ne soit fait aucun- tort aux soldats sur leurs prêts.
Le sieur Da Mas ayant témoigné à la Compagnie avant son départ de France l'intention qu'il avait de former des habitations pour son compt-e dans les isles de Bourbon et de France, la Compagnie ordonne au Conseil de concéder au dit sieur Du Mas dans les teiTCs qui ne sont point encore distribuées un terrain dans l'isle de Bourbon de la même étendue que celuy cy-devant concédé à feu Monsieur Desforges Boucher et de luy en accorder un de la môme étendue dans l'isle do France aux mêmes conditions et redevances qu'aux autres habitans, lesquelles concessions seront registrées au gref du dit Conseil pour en constater la situation et étendue et pour eu jouir par le dit Sr. Du Mas, ses hoirs et ayans cause.
L'intention do la Compagnie est que tous les livi'es soient soldez an premier jour d'octobre de chaque année, afin qu'il en soit dans le dit temps remis par le conseil des copies collatiounées à la Compagnie.
Le garde Magasin général se chargera de toutes les marchandises et effets qui seront envoyées aux deux isles tant de France que des Indés^ et en fera passer aux magasins particuliers de l'isle de France et des dîflé- rens quartiers de l'isle do Bourbon, les quantités dont le Conseil aura ordonné la- distriution, et les gardes magasins particuliers se chargeront des dittes marchandises et effets pour en compter au garde magasin.
L'inspecteur aux plantations de caffé se conformera exactement à tous les ordres et instructions qui luy seront donne:4 pour le^ fonctions de son employ, soit par le Conseil soit par le directeur gênerai du Commerce et se transportera à l'isle de France, lorsque le dit Conseil ou le directeur général l'estimera convenable au bien du service.
Ici so termiiiG la partie do ce Kt'glemenfc qui a trait au ^oVA'^rinàmant tivil. La Revii6 donnera, dans sa prochaine livraibon, la partie qui concerne le gouvernement mUitairt des deux îles.
i^ 4ifNËÉ 2a JUIN 188Î N*» A
ARCHIVES COLONIALES
MAUliICE-RÉUNION--MADAGASCAR
LABOURDONNAIS
i •» . , (buitb) ^
• ,1 , ' . ' . L'agriculture pendant ce temps n'était pas oubliée, car il fallait
pourvoir aux subsistances du pays et prévenir le retour du dangereut
expédient de disperser la population esclave et les troupes dans les forôté
«fc sur les côtes pour y vivre de racines sauvages, de chasse et de pÊche,
ressource extrême dont la fréquence aux premiers jours avait augmenté
dangereusement la propagation du marronnage. II fallait aussi tirer du
soi fécond de Pile le principe de vie qu'elle portait en ellc-méme par les
Tichesses de sa végétation, au Heu de l'attendre de IMinporfeation annuelle
'Ae UrSHonB en numéraire, qui épuisaient la Compagnie et dont la source
menaçait de tarir.
M, de Làbourdonnais avait devant lui une surface do 432,000 arpentt^,
arrosée par 46 riviëres et par une multitude de bassins et de ruisseaux,
entrecoupée de trois cliainèsde montagnes de 200 à 400 toises de hauteur
qui diveridfiaient, pour ainsi dire, le climat du pays, sans enlever à la
culture tm tiers de sa surface totale. Le sol était généralement recouvert
tfune couche de terre rouge et ferrugineuse, mais fertile, également
favoritble, suivant les quartiers, aux plantes des zones tempérées et à celles
âe la zone torride^ Les défrichés cependant n'embrassaient encore qu'une
étroite superficie ; la division do l'île consistait en quatre dis^icts ou
quartiers, la Montagne Longue, les Pamplemousses, les Plaines Wilhems
et Moka. Le port Bourbon et se^i environs presque abandonnés furent
.étendu^, et l'on vit naître à la prospérité deux autres quartiers, celui de
la Villebague, créé par M. de la Villebague, beau -frère de M. de Labour-
88 AftcbiVES COLOWiALKâ
donnais, et celui do Flacq que son archipel rendait si favorable à Péiablia- scment des rizières. Le reste des terres et forêts était vierge.
Il ne faut pas prêter à une terre primitive, quelque richement que Tait dotée la nature, la physionomie qu'elle présente après avoir passé par les mains do Ja civilisation. Un pays civilisé est toujours comme un vaste musée où les quatre parties du monde ont été mises à contribution pour acclimater les animaux et les plantes dn globe entier. Ainsi, lorsque nous parlons de TIlo de France d'alors, il faut la dépouiller, non seulespient de ces champs de verdure dont la couvrent aujourd'hui la canne et leè fata- ques introduites par M. de Labourdonnais, mais des ombrages du bois noir importé de l'Egypte par M. de Cossigny, mais des beaux fruits du manguier, de l'avocatier, du' cocotier dûs à M. le Conseiller Lejuge, mais de l'ornement des filaos, des badamiers dûs à l'abbé Rochon, mais du bambou royal dûs à Sir B. Farquhar, mais des cafiers venus d'Arabie, des cotonniers des Barbades, du sang-dragon d'Amérique, des bibassiers dn Japon, des goyaviers de l'Inde et de la Chine, des roussaillers du Brésil, des jacquiers, jamrosaliers, jamalaquiers'de l'Inde, des letchis de Chine et d'qne multitude d'autres plantes originaires d'autres contrées.
Il en est de même des animaux : c'est ainsi qu'à l'exception du cerf, du lièvre, du rat musqué et du singe, on peut considérer notre île comme une ménagerie, créée depuis moins d'un siècle, par les importations exoti- ques de tous les pointa de l'univers.
La principale des instructions données à M. de Labourdonnais était, on l'a vu, de supprimer toute avance nouvelle au planteur, et d'exiger \q remboursement de celles qui avaient été faites antérieurement par la Compagnie» Cet ordre vandale, exécuté à la lettre, eût bouleversé de fond en comble la colonie. Les hommes les plus laborieux, ceux qui ali- mentent la richesse territoriale, appelés brusquement à rembourser un capital qu'ils avaient confié à la terre, et dont la moisson ne pouvait être recueillie que dans plusieurs années, devaient en être les premières victimes. Cette nouvelle qui s'était répandue avant l'arrivée de M. de Labourdonnais, le fit précéder d'une immense impopularité. M. de Labour- donnais n'hésita pas entre l'intérêt véritable de la Compagnie et- ces ordres rigoureux. Il tint la main à l'exécution sévère de la police des planteurs, et punit sans égard l'abandon des propriétés et le séjour oiseux à la ville. Il fit dépouiller, sur les réquisitions du Procureur Oeuéral, plusieurs planteurs incorrigibles, de leurs concessions, qu'il. confisqua et réunit au Domaine ; mais, en même temps, sa fortune particulière, il l'employa, comme en tant d'autres circonstances, au profit de la Compa- gnie, en donnant assistance aux hommes laborieux. Il arriva de là que
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âdft 1.742^ pins d'an huitième de Ttlo était défriché et 114 plantations lus* tallées on pleine activité. On y cultivait le maïs et le riz qui donnaient deux.réeoltes paran/et le blé qui^ diaprés l'expérience personnelle du fiAfon 3rant^ prodaisit de 30 à 100 poar 1. • lia culturo dos orges ^tùfî mvad pvèa repandae. Les planteurs augmentaient encore leurs petits béné* fioea da produit des arbres fruitiers et de celui des volailles qa'ils vendaient à grand prix aox équipages en relâche. En 1742^ on mangea pour la première foia dana la oolonîe du pain fabriqué aveo le blé indigène.
Un grand vice d'administration, indépendant de la volonté du Gou-* vernear, détruisait oependant la séoarité des colons et les jetait parfois daaa le déoonr^ement. C'était la mobilité arbitraire du tarif auquel les productions agricoles étaient reçues dans les magasins de la Compa- gnie. Le prix du mais variait de 40 à 50 livres le quintal, celai du blé, fixé à 100 livres, fluctuait au-dessus de ce chiffre. Beaucoup s'abstenaient de donner toute l-eicteosion qa'ils auraient pu à leur oaltare, dans la ominte d'ôtre forcés de livrer à vil prix le fruit de leurs sueurs.
Les deux fléaux primitifs do l'ile, . les rats et les sauterelles, ne faisaient pas une guerre moius funeste aux campagnes, malgré les efforts «b la Police rurale, et leur multitade était si considérable que, d'après un trieox préjugé répandu dans l'île, on attribuait à l'agression audacieuse des rata, Pévacuatioii du pays par les Hollandais. La chuto du jour était Iq marnant choisi pour leurs excursions ; quelques nuits leur suffisaient poér détruire une habitation entière. Il y avait des champs oïl ces Attilas d'un nouveau genre ne laissaient pas un seul épi debout sur leur passage» Ha avaient d'ailleurs des magasins souterrains qu'ils remplissaient de^ firuita. de lear maraudage. Le piège eu usage poar les détruire était le quatre de chiffre, composé d'un billot, ou d'une pierre sons laquelle iU fitaiant écrasés, en faisant partir une détente qui avait la forme d'un 4. Leofi* votabre était toi, qu'une Ordonnance Royale ayant imposé en 1770 à chaque habitant la charge de rapporter annuellement un certain nombre de tbtes et de qcieues pour justifier de leur destruotion, on cita des habi^ tkitions qui en rapportaient 30,000.
Les sauterelles ne causaient pas de moindres ravages ; elles obscur^* eissaient la Ibtnière de leur nombre, fondaient sur la terre oil elles s'acou* teûlaietit en couches épaisses, et dévoraient les champs de verdure et les jèutiek céréfliles jusqu'à la racine. On organisa contre elles la chasse : elle C(insifftait k creuser dans lf?s champs, pendant la pondaison, de petites mor- taiâes semblables à celles des cannes et on les faisait étouffor sous la terre par les esclaves en les foulant aux pieds. On faisait aussi de grandes battuc^jpaisiîous l,ea efforts demeuraient impuissants. En 1750^ un
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ouean^ le martin, fut introduit', et 20 ans api*ès, loi gaiit(?fel|c8 avnient complètement disparu !
1/ ouragan venait encore en aide t\ ces deux fléaux pour menacer File de famine. M. do Laboutdonnais imagina de fonder les sabilsteaeeB sur une plante qui fût à l'abri de tons eed fléaux conjuras : ilfit impôitov de Rio Janeiro le manioc, racine qui offre une substance, farlneosa «ai- blable à cello des ponimes de terre. Il esi8eigtta<|è'nà>yea d!eo oonseiv ver des approvisionnements asses cotisidMables peniliinfciiimè année en Fensevelissant dans la terre, suivant le pvOeédé déi anciène pour leurs céréales. Un arrêté enjoignit à tous les babitiiilts d^en planter 600 pieds par chaque tète d'esclave. Malheurensement, quelques accâdenta oeoA^ siennes par les sucs vénéneux recelé» par cette plante, soit par suite de la qualité du sol, soit par un défaut do soins dans sa préparation, la dis? crédîtôrent tellement parmi les masses, qu'il fallut vaincre dea résistanoed inouïes pour la naturaliser. Quelques habitants allaient josqn'à fltirô arroser de nuit leurs jeunes plants avec dos^ eaux bouillantes, pour faire croire & Timpossibilité do cette culture. M. de Labourdonnois déseepéré allait céder à l'omnipotence du préjugé populaire, lorsqu'un véritablA et courageux ami du pays, M. De Reine des Pamplemonesee, lui protfoià de démontrer par une épreuve publique la salubrité de cet piment. Uiàe fête f iit improvisée au bourg des Pamplemousses à Montplaîsir, et fc manioc servi solennellement dans une collation présidée par le Gôwvwtt euts en présence d'une affluenee nombreuse d'habitants invités à bette oé»f monie. M. de Reine et le Gouverneur mangàrent de cette raoina;..lës convives imitèrent leur exemple, et, dès ce moment, ton* fûfc JâL hè manioc parut chaque jour sur la table du Gouvernement et an Béwsail H avait conquis son droit de cité à rile*de-France.^
La canne apparut bientôt à la Yslle-Bagae, sur la propriété dPoà beau-frère de M. de Labourdonnaisi et il est certain que les ùhawU^t qoi devaient servir à la première cuite furent ensevelies pariqi les 4ébri| du vaisseau, le St.-Géran, dont le naufrage arriva ver& cette ^oque^ Quo) qu'il en soit, les premiers produits de la fabrication suc^ière fu^n^ d'abotd très grosaiera. Nos premiers sucres, noirs ofc pâteux ressem- blaient plutôt au gros miel de Normandie, qu'à la substance blaiicl^e et pristalltsée que produisent aujourd'l^ui quelques-unes de noa usinée. Ce sncre indigène so vendait dans le pays à raison de deux sous la livre. Les riches en consommaient peU| lui préférant le sucre candi de Çhinej dont ]a qualité était fort supérieure, et qui ne revenait qu'à 9 sous la livre,
^ Cofl circonstanoes sont relatée* tout an long dans une lettre adressée à Mr. de MpJme^ le 28 Mars 179^ par Mr. do Roine lai-meme. Coite lettre qui contient des détails intérei- ■ants sur les débuts do la Colonie, sera publiée en temps et lieu par 1» Bevae.*^T* Pi -" -
4)»< H«,|
I^AIS
et
C«kl n'ompôofcapwiqM dès. Taïuiâe 1^50, cette indostrie rapportait à là Çomfagm» wi tvireun omuel àè 80;060 livres tournois.
Lef essMb de Ml de Laboardoimais dans la coltare du coton et de . Pî&digo offmmt desi^sultets anssi encourageants. Des échantillons qu'il en fit parronir an Minifeitre^ M. Orry, Ini valurent ses félicitations et ses iloges. On les trouva beaux à Paris et on fit Fepreuve de leurs qualités ; mais soit que cette culture exigeât de trop grandes avances^ soit que la production vivrière convint mieux aux besoins de cette époque^ soit pour toute autre cause^ elles furent abandonnées au départ de M. de Labourdon- naîs vers 1747.
Le même sort fut réservé aux magnaneries créées par M. de Labour* donnais pour la production des soies, cette industrie qui^ après avoir disparu pendant tout un siècle^ promet aujourd'hui^ grâce â la eonstanoe et aux soins intelligents de Mme Uoonj une descendante des Bivaltz^ et au bienveillant patronnage de Lady Gonmij notre Gouvemaute^ de doter l'avenir de notre colonie d'une nouvelle source de produits*
C'est encore à M. de Labourdonnais qu'on doit la oréabion dé Mont* plaisir, Jardin Botanique où il s'efforçât de naturaliser les plantes utiles oa curieuaes de l'extérieuf ^ pour les répandre ensuite daâs tontes les pairtiee de l'île« Moatpkbir fut depuis lors la résidentie fav^ortte de tous les Goavsmears^ jasqu'à M. David, qui la transporta au Réduit, par amour pour une belle dame du voisinage. Le prétext-e public fut que la position du Bédait> en cas d'at taque par les ennemis, bifraft aux dames de l'île de France une sûre retraite. ^
Tefte fut ragriculture sous H. de Labourdonnais, et son admiûistra- tién fut si bien appréciée, même des habitants, que nous voyons dans les méUioires du temps la consternation répandue dans toutes les plantations à la nouvelle de son départ. Les travaux des campagnes languirent, et tout fu't suspendu dans l'incertitude du Govemement qui allait succéder k cette administration intelUgente. Croirait- on, après cela, p.ux malédic- tiens dont M. de Labourdonnais fut assailli par lee nombreuses créatures qui avaient profité de ses richesses, lorsque, réduit à l'impossibilité de continuer ses bienfaits, il fut forcé de réclamer le- remboursement de- ces capitaux^ auxquels il& devaient la fructification de leurs terres ? Ce fttt dès locaun homme dur^ inhumain, et que distinguait,. pfu*-ddasus tout, sou amour âpre pour Vatgfmt^ Étrange égoïsme des admimsttés! Nous , voulons- d^s Gouver^eurs qifi noos. sacrifient), oomive Mé de Labonfdon* nais et SiirBQberfc PfK^ulukr,. leur faveur aupr^ Métrdpcde. . et leur
fortune purtioulièrè, et lorsque, pour fruit de leur bienfaits envers* nous,
& Noos donnoNmi proohainement d'intéressants détails snr la'dtéi^Iôn du ftSâult; — K. Gk *
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ils sont tombéa daxxs la disgiAce et dans Pmdigénee^ xt9ii$ les abaadom- nons à Toubli, hearenz qaand aoas pe blaspIi&nDns pas eontrt «uz f Noas yoaloDs des citoyens prêts ii, faire tons lea saerillôea à iMur • pays, et lorsque nos franchises et nos garanties politiqoea otit été agrandies par nne lutte de toute leur existence, nous avons le coora^j tout eu reca^il* lant avec ivresse ce précieux héritage, d'en conspuer les autaurs 1
Quand les populations en viennent à cette décrépitude^ quelle eapé* rance fonder sur elles I
Le commerce intérieur et extérieur était seul demeuré dans }d néant jusqu'à cette époque ; il n'eu pouvait exister aucun dans un pa^s unique- ment composé d'agriculteurs dont l'Administration prenait les produits, en échange des nécessités de la vie. La ville d'ailleurs n'était habitée que par 10 chefs de famille. Les seules relations extérieures étaient celles de Pondichéry, de Bourbon et de Madagascar. L'île de Rodrigues, quoique connue, n'était pas encore habitée. La prise de possession des Seychelles, de Ste. Marie, de Diego et des autres petites lies, ne devait avoir lieu que plusieurs années après. Tous les rapports maritimes con- sistaient à importer sans rien exporter, si ce n'est à Madagasôal: où l'on achetait le risi le bétail et les esclaves. La nation marchande et mari* time, comme disaient les gens du temps, faisait bien sur quelques points de la côte quelque petit commerce en épices et liqnears; qui enlemit* da la circolatto!» les espèces d'argent ; mais ce n'était qu'n^ commerce laitif et dQ contrebande.
Lçs instructions de la Compagnie étaient si rigides eii œ point, qu'elles touchaient à l'inhumanité. L'entrée de l'île était interdite à tous navires de pavillon étranger, sous quelque prétexte que ce pût être. Le règlement du 29 Janvier 1727 ^ n'en exceptait pas même la cause de sinis- tre de mer pour les navires, ni celle de maladie pour les hommes. I/e mouillage était désigné pour ceux auxquels on permettait d'approcher de la côte : c'était en face d'un poste militaire. La consigne était de. ne permettre que l'approvisionnement de bois et d'eau, sans qu'ancun homme de l'équipage pût descendre à terre. ' En cas de contravention^ la peine était la confiscation des objets saisis qui se partageaient entre le fisc et le poste militaire
L'état des finances n'offrait aucune particularité sur la période pre» cédante : la circulation devait ôfcre nulle, ou à peu près insignifiante dans nn pays sans commerce et soumis au régime de l'esclavage, oâ les échan* ges ne s'opèrent qu'entre le petit nombre des chefs de familles et maîtres chargés, par l'état des choses, de pourvoir aux besoins de ceux qui com- posent leur maison. Le système monétaire de la* Compagnie consistait
1 Toir œ règlement dans notre nnmâro précédent, page 82. Kona en donnona la fin anjonnd'hai, page 4^.— Y* F.
' IliBOtJÀDONKAIS 4ë
'dftnft rétidssioh d'an pâ|)ier monnaie en coapons dé parclieniins depuis 10* Jusqu'à 100 livres tournois, échangeable à vue contre des traites sur sa caisse à Paris. CTétait comme un numéraire spécial à la colonie. Au reste, les monnaies de iPrance n^y avaient aucun cours légal, à Texcèp- iion des pièces de deur sous qui circulaient en abondance, mais au tarif •de 18 déniera seulement. Un fait étrange, c'est qu'un système diamé* tralement opposé à ce sjrstème de dépréciation de la monnaie nationale, avait lieu en même temps à Bourbon. M. de Labourdounais expKque
f
^u'en 1727 la Compagnie ayant envoyé pour 20,000 livres de sous mar- «qués dans cette île, il fut obligé pour obvier à la sortie immédiate de ce numéraire de lui fixer, de" son autorité privée et de celle du Conseil, un ' -taux différent de celui assigné par la métropole. Les équipages qui étaient les principaux auteurs' de cette exportation des espèces, à leur retour de France forent ainsi dans l'impossibilité de la continuer, parce qu'il eût ' fallu prendre sur le pied de S sous ce qui n'en valait que deux en Europe. Oet expédient réussit à merveille jusqu'en 1739, époque ôii la Compagnie renvoya de nouveaux sous. Alors on retira les anciens, sur le tarif du cours et on les renvoya en Fmnce. La nouvelle monnaie fut émise à Taisôn de deux sous par pièce, mais aussitôt, ce que M. de Labourdou- nais avait prévenu arriva. Au bout de quelques temps, il lie restait plus - «me de ces pièces dans l'île.
Pour en revenir à Maurice, non seulement les pièces de deux sous n'y valaient que 18 deniers ; mais nous trouvons qu'en 1740 la piastre •d'Espagne qui valait en France 5 livres deux sous, ne passait à Maurice •que sur le pied de 4 livres 10 sous. Cette dépréciation avait été encore bien plus considérable pendant les années précédentes : dans un, arrêt du Conseil d'Etat du 8 Février 1726, publié à l'île de France en 1730, sur le cours des monnaies, la piastre d'Espagne de 7 gros était fixée à 3 livres 12 sous, les pagodes d'or de l'Inde à 5 livres 5 sous, la pièce, et les fanons d'argent à 4 sons 6 deniers.
Il eût été curieux de connaître le cbiffro du budget des dépenses publiques à cette époque, comparativement à celui de l'administration •de M. de Nyon ; mais toutes les rechercbes à cet égard ont été infruc- tueuses : les registres publics du Conseil qui abondaient en documents .avant le gouvernement de M., de Labourdounais, tarissent en quelque sortes dès ce monient. Cet homme laborieux avait centralisé à lui et ab- .BÔrbé toutes les affaires, de sorte que les. traces en ont disparu avec lui. H existe bien à la bibliothèque de Versailles, près de Paris, un dépôt d'ar- -chives de l'Ile de France. • Si l'arrêté de l'année 1766, qui prescrit .l'envoîparampliatiôn de tous les actes du Qouvemement au ministère des colonies, a été ponctuellement observé, ce dépôt doit contenir desr Jtsmières prédeudes siir beaucoup de points curieux pour l'histoire de
4jll ABcpiTM oobomÀim
iiqtre île ] mois ces documents sont d'ane époqiie de plas de 20 aAfl pos^ tériei^re à ce tempe.
La justice^ soos le gonyemement de M. de Labourdonnaisji présenta, on phénomène qni n'a pas beaucoup d'exemples* Tel, était l'esprit de cou- ciliation et la confiance qu'il inspirait à ses gouvernés^ que leurs procès- se terminaient devant lui à l'amiable, et que pendant les dix années de son administration^ on en cite un seul qui finit devant la justice. Quel trait peut caractériser à un plus haut point ce gouvernement paternel ?
Les hommes primitifs nous sont toujours dépeints par je ne sais quelles imaginations poétiques, comme les types de la simplicité, et de la vertu. Il semble, au dire de ces panégyristes du passé, qu'à mesure que- l'jQU. se rapproche des premiers âges, soit dans l'univers, soit dans un p^ys civilisé, on doive rencontrer dans les hommes, et dans les choses, la. pureté d'un paxadis terrestre. Ce prisme jeté par M^ de St. Pierre sur la population cpnfiée à la direction de M. de- Labourdonnais, pour &.ire mieux ressortir l'acreté de sa satire coniire ses propros. contemporains, n'était encore qu'un de ses rêves. Quand on songe an mélangje^ busarre- de cette population, où l'homme titré se coudoyait avec l'écume des fugi- tifs de Madagascari ou d'uoe soldatesque de recrue ; quand on songe à cette découverte fréquente, faite dsuis les bois, de cadavres d'habitans dont on ignorait les auteurs de la mort violente ; . quand on songe à ces crimes de la brutalité, de la dépravation, qui firent le scandale des premières annales judiciaixies ; quand on songe à cette profane et indécente plaisante-- rie d'un des premiers magistrats primitifs de faire déposer nuitamment, dans le presbytère du pasteur chrétien^ quatre JBllles delà cargaison du Neptune : quand on scrute l'épisode du massacre consommé à la Graude Bivière sur toute une famille, par les marrons assistés das serviteurs- mêmes de la maison ; enfin, quand, au lieu d'une population douce, fru- gale et laborieuse,, on rencontre un peuple farouche, impatient de tout frein et livré à la dissipation et au vagabondage^ ou comprend que la tâche de M. de Labourdonnais était encore plus grande que 1^'imagination peut se la représenter d'abord !
Le marronnage, malgré l'accroissement des prîmes accordées' aux détachemens, ou chasseurs d'hommes, ayait continué à se .propager avec- une progression alarmante, depuis les commencemetis de la colonie. La position des planteurs blancs isolés au fond des .terres ou au sein des forêts nouvellement défrichées^ souvent à plusieurs lieues de tout voisinage, était affreuse, exposés comme ils l'étaient de jour et de nuit, à être mas- sacrés, avec leurs femmes et leurs- enfaus^ par des- r sc^uvages dont lea^. complices étaient le plus souvent ^u sein même de leur foyer domestique; Ces bandes de déserteurs avaient fini par se 'munir dans leurs- pîtla^goa- dÎAa'trumens de guerre, d'armes à feu et de poudife j retr^ohésr&u p<mài
te |JÎtt8f impénétrable des foi^ts ou sur des précipices iniiccessiBles/'îIl y fiibtttlTâSefit (les camps ^ on bourgades de chaumières souvent peuplées '4è f emmefir ôt d*énf ans, et y recelaient leurs fétiches ou grigris, hënf nvettAaù pont les blancs s'iarccroissait par une a£Freuse erreur puisée an Biertioè domestique. Ces infortunés n'ayant aucune idée du Tin, Véfaafent perânadés à sa couleur que c'étirit le sang de leurs compatriotes, domt les blanos se désaltéraient dans leurs repas. Le tableau que noud a laissé un témoin digne do foi,. le Père Ducros, missionnaire apostolique est trop pa}|)Stant pour que nous n'en transcrivions pas ici quelques passages. H aTaiti rencontré, dans les plaines de Placq, un soldat qui, bien que mirtflé dans ntx engagiement arec les marrons, était encore au service de la Corn*» pftgnie. " H n'existait que parce que ceux-ci l'avaient cru mort des bles-i ^' sures dont il était couvert ; le bras cassé, le ventre ouvert, sontonantf ^' d'une maib ses entrailles, il s'était traîné jusque sur un rocher pendafat ^ la nuit, et de là, à la faveur de la lumière que répandait un grand fétf **' aThiDlvé partes noirs fugitife, il vit rôtir deux de ses camarades, et ëéttB *' tf'oupe barbare dansait tout autour avec des cris et des hurlemens lor-
" riblea Leur premier dessein, dit-il ailleurs, fut de repasser dansf
''leur patrie, et l'on aumit mieux fait de favoriser leur évasion qiie dfei '* leur en ôtov.le moyen, en brisant un canot qu'ils avaient, construit dans " cette vue. Ils ne s' on iront pas à présent quand on le voudrait ; ils se ** sont rendus redoutables par leur ruse, leur hardiesso et leur .cruauté, et " dès leur premièrd irruption, ils ont conquis sur leurs colctas, non seule- ment des armes, mais des négresses pour perpétuer leur race. Ils obéis- sent à un cheL Le premier qu'ils ont eu, fut tué dans un combat. Blés- '* se à mort à la tété de sa troupe, il prit uno partie du cuir qui le ceignait " en guise do ceinturon, et ayant bouché sa plaie, il s'écarta et alla expirer *' entre deux rochers. Dik Français périrent dans cette rencontre, lui " seul périt de son côté. " *
Ce sombre et naïf récit fait assez sentir les cruels devoirs imposés à Mv de Labourdonnais «n faveur de la jeune colonie contiéd à saptrot'ebtion tiitélaire. Plus jabuK do prévenir le danger que de le reprimer parden* rigueurs sanguinaires, il veilla à la stricte exécution de rordônAaooç sur le marronnage^ Cette ordonaanoe défendait, gous les ameanbe fit Usi peines'Ieâ pins «évères, tontes délivrances de poudres et d^wrmès à feu ani maiat des esolove& EHe défendait d'abiuadomner ces armes et nii|ni4 tiens dans sa maison en cas d'absence, et les obiens des fMtis i^ dés fn»^ UAtkm «knrmiént âtre ssils oess» tenns nous clé.^ Nul habitant ne? pobvait s'éoBorter de pins de vingt pas de sa demeure, m&me pour aller au traféA^ des. ol}amp8| sana ètremrmé de son fusil, ot si on lui permeiitait de leainro;
* N0Q8 publierons bientôt la leiti^ du Pare Dacros où se troave co passage. — V. P."
46 ABCHITIS COLOVIALSS
porter par un noir^ c'était à condition d'être armé de piatdets et de tenir sans cosse. l'esclave à sa portée. 11 faut le dire nettement, le marronnage était devenu une paiasance redoutable dans l'île, et pour en donner, n^ juste idée, nous citerons que vingt ans aprè^, le capitaine Munro, donnant à sa patrie de judicieux conseils sur les moyens de conquérir l'île, dési* gnait les tribus marronnes comme d'importants auxiliaires dont l'expédi* tion anglaise devait s'assurer en mettant le pied sur le rivage. M. de Labourdonnais dut encore à son génie inventif un expédient pour dissiper ces pirates de terre, ou les refouler dans les retraites les plus profondes de l'île. A des natifs des forfits dont l'agilité et l'audace au milieu des précipices ne pouvaient ôtre égalées par les Européens, il opposa des oom« patriotes. , Sa maréchaussée de détachements fut composée de ces Mal- gaches dont la vie s'était passée dans les guerres avec les tribus voisines, on à la chasse des tauraux sauvages. Ils étaient pourvus de bennes armes, recevaient pour toute nourriture des rations de biscuits et de salaisons pour 5 jours, avec une gourde d'eau-de vie ; et afin dejmieux surprendre les fugitifs, ils avaient défense expresse d'allumer, sous aucun prétexte, des feux dans la foi-Êt, Ces mesures furent couronnées de succès^ et pendant quelques années du moins, cette plaie sembla prête à se fermer...
{A amvre,) ËuoàtiB Piston.
.1
FORMATION DU CONSEIL D'ADMINTSTEATION .
DES
ISLES DE BOURBON ET DE FRANCE
(suite bt fin) ^
GOUVERNEMENT MILITAIRE
L'iNTKNTiON de la Compagfnie est qu'il n'y ait a larenir qu'un seul et même Commendant pour les leles de Bourbon et de France, et afin qu'il puisse également veiller a leur sûreté, il luy est enjoint de séjourner chaque aanée six moys dans l'une, et six moys dans l'autre ide.
' La Compagnie a estimé ne poQvoir faire un meilleur olioix que de la peraonso de Monsieur de Beauvolier ponr remplir ce poste eè elle Iny veinet La Commission du Boy.
La Compagnie defEend très expressément tant au Oommendani Général qu'aux lieutenans de Boy et autres officiers des troupes de s'immiscer en aucune nmnière ny sous quelque prétexte que ce puisse dans toutes autres affaires que celle qui sont du fait de la guerre et
& Yoir page 82.
I
ifOBlCATIOH hxî Ô0K8EIL B'ADHtNIBTJUTIOK 4^
ttofement dans .celles qni regarderont Le Gommeroe des dittes Isles^ ïé C^ontemement Oivil et la police. " - ^
' Les Commendans et officiers des troupes ne pourront faire prendl^e Jes armes aux habitans, ny leur ordonner aucune expédition excepté dans le cas d'une deffense commune^ a moins qu'il ne le fasse de coûeert avec le Oonseil d'administration^ pour éviter autant qu'il sera possible de iés détourner de la culture des terres.
Lofficier de garde et celuy faisant la ronde sera tenu de faire son rapport de ce qui se sera passé devant sa garde ou sa ronde noniseulement à son Commendant mais encore au directeur Général qui doit être inlorlijé dé tout exactemeot.
Les officiers Commendans dans les différons quartiers des deux islès observeront la même règle pour tout ce qui se passera dans leurs quartiers. L'intention de la Compagnie dst que l'Officier Commendant fasse établir des corps de garde dans les lieux que le Conseil jugera a propos et demandera^ tant pour la snreté des magasins que pour veiller a ce qu'au- cun vaisseau ne puisse verser aucune marchandises dans l'une ou l'autre isle.
Les dépenses ordinaires et extraordinaires pour les troupes^ pour leur prêts; ration^ et habillement^ seront réglées et payées sur les états arretéis 'par le Conseil en conséquence des ordres de la Compagnie qui lui sont adressez à ce sujet et les officiers des troupes ne pourront les augmenter ny diminuer sous quelque prétexte que ce soit.
Le Conseil donnera les ordres nécessaires dans les occasions pour les festes et réjouissances publiques auxquelles les Officiers des troupes seront tenus de se conformer.
La Compagnie ordonne très ospressemment aux officiers Comraandans dans tous les postes de se conformer et d'exécuter les délibérations qui leur seront conimuniquées par le Conseil d'administration en exécution des ordres de la Compagnie.
Il est ordonné au Commendant et Officier des deux isles de reconnoi- tre Monsieur Du Mas en qualité de directeur général du Commerce des dities Isles, président du Conseil Supérieur ayant le Grouvernement Civil et de la police sûr tous les habitants^ et de le faire reconnoître en cette qoalité par les troupes et les habitans qu'ils feront assembler a cette • effets*
lia Compagnie sentant que pour le solide établissement de l'isle de France il est d'une importance absolue de détruire les nègres qui s'y sôilt rendus marons^ et ayant uno confiance très particulière en la personne de Mr. de Beauvolier, elle a estimé qu'elle no pouvait mieux faire que de le charg'er de' cette expédition, pour cet effet après qu'il aura concerté aveo Iq Conseil sur tout ce qui peut être le plus convenable pour mettre cette
^ iaokivEs aoïiOHiAt^s ,
ofitropirise a exécutiouj il passera a la ditte isie avec tel X^inkQbWkoali d^OfficierSj soldats^ des troupes entretenus a l'isle de Boarbon, dont il jagar^ia propos de fortifier les troupes do l'idie de Frauoe^et ayec les Créoles de Pisle de Bourbon qui s'offriront à y passer de leur propre volonté^ •Mi^osieur de Beauvoilier arrivé a l'isle de France se fera rendrai, compta de l'iétat auquel se trouveront les uegres niiarons et fera les . disposîtîous qu'il jugera nécessaires pour parvenir a en purger entièrement l'Asie.
,11 ohargera de cett^ expédition le Lieutenant de Boyj le . Major ou tjsls autres officiers qu'il croira les plus actifs et les plus capables pour ,we pareille entreprise^ et leur douera tel détachement qu'il jqgetta cou- venabloi elle ne peut trop luy recommander la prompte ezeci^tion do cet
aîrtiiple,
. , En cas que par ji^ladie ou par absence Mr. de BeauvoUer ne p&t exeeuter le contenvi cy dessus^ le lieutenant de Boy de l'isle de JPrance en sera chargé en la même tpaniàre que Mr. Beauvoilier.
. La Compagnie exhorte et recommande très particulièrement a tous ^es officiers tant de plume que d'épée de contribuer respectivemoat au maintien d'une parfaite intelligence entre eux, pour le bien du service de la Compagnie dans les dittes isles, comme aussy a conserver la iranquilli- té parmy leshabitans, et a les traiter avec douceur et bienveillance.
Si à l'occasion de différentes dispositionss du présent règlement il sur* venoit quelque difficulté entre les personnes préposées au gouvernement soit civilj soit militaire, l'intention de la Compagnie est que tous officiers et employés tant de plume que de guerre exécutent sans retardement et par provision les ordres de la Compagnie et que chacun en droit soy tiexfc- ne la main à cette exécution, sauf à ceux qui croiroient avoir lien de se plaindre^ défaire leurs remontrances à la Compagnie^ en observait séant- moins par les Officiers militaires, de Communiquer au Conseil ce qu'ils manderont à la Compagnie, afin que le dit Conseil envoyé sur ce sou avis à la Compagnie et qu'elle puisse décider sur ce en parfaite connais- sance de cause.
La Compagnie confirme, au surplus tous les ordres quelle a précé- demment donnez concernant les Isles de Bourbon et de France en ce que le présent règlement ny derçge pas. Fait a Paris en l'hôtel de la Compa,- gnie des Indes le vingt neuf Janvier 1727.
Les Directeurs de la Compagnie des Indes, ainsy signé avec paraphe^
FfiÇOCpCAOlT, LeCOBDIEB, DjSSPa£JiE5IL, DbSHAYSSi CASTAQNJfT, PXBBE|B SaIN- TÀBD^ DjBHENHA fils, l'aBSë BaGUXT, je MOKIN.
Pour ampliation à St. Paul ce 19 août 1727.
Du Mas, Villabhoy, I. Aubkk, G# Dumas.
(^AGAET^ D. ;La^qx; St. Lau£^&x Labeagat, ,
i^imrEe i« itiiiET iss? ne 6
ARCHIVES COLONIALES
MAURICE-REUNION-MAMGASCAR
LÂBOUBDONNÂIS
(suite) ^
Ce Gouvernement bienfaisant fut interrompu par do doulonreus événements dans la famUU^ do M. de Labourdonnais : le là Février 1738^ son jeune enfant^ François de Labourdounais, âgé de 22 mois^ perdit la vie^ et le 9 Mat suivanti la malheureuse mèrc^ Marie Anne Josoph Lebrun de la Franquoie, le suivit dans la tombe. La cbapelle de St. Louis où ils furent déposés était alors voisine du Gouvernement^ à peu pi*ès sur la place qu'occupe le bureau actuel des archives. Le pieux abbé Igou célé- bra ces tristes funérailles, en présence de trois autres membres du clergé et de 12 des principaux do l'île, parmi lesquels figuraient MM. do Belle- yal, Azéma, St. Martin et Reynaud. La mère avait désiré quo son enfant fût placé près d'elle, et lors de la translation do leurs cendres, en 1827, par rfivcqao de Bnspa assisté des autorités du pays et de l'équipage d'un navire français de St. Malo, on trouva que tous deux avaient été enfermés dans ane même châsse de plomb. Ce malheur obligea M. de Labourdon- nais à repasser en France en 1740. Il partit en confiant le Gouverne- ment de l'île à M. de St.-Martin, premier magistrat du ConseiU
La froideur glaciale avec laquelle il fut accueilli par le ministère, la Oom|>agnie et le public, le saisit d'étonnoment autant que de douleur. Le mystère impénétrable dont on Tenvironnait, éludant tout éclaircisse- ment, lai refusant ainsi tout moyen do jastificution, lui navrait l'âme. C'étaient des demi- mots, de vagues insinuations ; nulle imputation précise qu'on pût saisir corps à corps pour la détruire. Le désespoir dans le cœur,
l Voir pages 1, 13, 26 et 37.
50 ARCHIVES COLOkÎALilS
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il alla trouver M. le cai'dinal Fleury, et, lui retraçant ce qu'il avait fait pour son pays et son Souverain, il demanda à connaître les accusations dirigées contre lui. Sur ces entrefaites, parut un libelle odieux publié par un homme dont la personne et les écrits avaient été flétris deux fois par la justice. Parmi lefi injiires qu'il reiïEermait, voiéi les "troî^ principales imputations qu'on y trouvait contre M. de Labourdonnais : lo. on l'accu- sait d'avoir imposé aux habitants de Bourbon des réquisitions oppressives en journées d'esclaves, sous le prétexte de travaux publics, mais en realite pour son propre usage ; 2o. on l'accusait de s'être emparé des marchan- dises et des nègres de la Compagnie, pour les faire revendre par des per- sonnes interposées, avec d'énormes bénéfices ; 3o. on lui imputait d'avpir donné arbitrairement à Bourbon le cours légal de trois sous aux monnaies de la valeur de deux sous et de s'être appliqué les profits résultant de cette différence de valeur.
La lettre que publia M. de Labourdonnais en réponse à ces calomnies fut sa justification éclatante. Les réquisitions de journées de nègres à Bourbon avaient eu pour cause la construction de la batterie St.. Paul et de la loge St. Denis. D'après les instructions de la Compagnie elle-même, on avait tenu registre des journées de ces noirs^ et la compagnie on avait payé le loyer aux propriétaires. M. de Labourdonnais n'avait pu les em- ployer pour son compte, n'ayant jamais eu un pouce de terrain, ni fait exécuter aucun ouvrage pour lui-même à Bourbon.
La seconde accusation était démentie d'une manière encore plus for« melle par les livres de la Compagnie qui constataient les quantités de marchandises reçues et le nom de ceux auxquels elles avaient été distri- buées. Le procès-verbal de cette distribution, inscrit au registre du Con- seil, venait encore corroborer cette preuve.
Quant aux nègres, il n'en avait acheté de la Compagnie que 30 pour en faire ses domestiques, et loin de les revendre, il les avait donnés en présent, à son départ des îles, La troisième accusation, celle d'avoir spé- culé sur les sous, était si absurde, qu'elle tombait d'elle-même. Nous savons expliqué plus haut cette opération financière à laquelle avaient coopéré toutes les autorités législatives et administratives de Bourbon. De leur côté, les ministres avaient donné l'ordre aux Directeurs de la Compagnie de vérifier ces différents chefs d'accusation et de lenr en faire un rapport. La Compagnie, après un sérieux examen, attesta elle-mêine la fausseté de ces imputations. Par une de ces réactions si communes au flot de l'opinion publique, M. de Labourdonnais se vît alors reporté à l'apogée de la faveur et de popularité j mais il ne se laissait pas aveugler par cette surface trompeuse ; il avait découvert que Veuvie ou d'autres
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honteux motifs lui avaient créé dos onnomis puissants parmi les chefs de cette Compagnie dans la dépendance do laquelle il allait encore se trou- yer. Il demanda à résigner son Gouvernement. La guerre allait éclater entre la France, l'Angleterre et la Hollande. Une de ces idées lumi- neuses qui décident des plus grands évènemens jaillit de la pensée de M. de Laboordonnais. Il imagina d'armer en guerre^ pour son compte parti- oalier €t celui de ses amis^ six vaisseaux ot deux frégates^ et de se rendre immédiatement dans la mer des Indes. Si la guerre éclatait^ il profitait de l'absence des forces navales de l'Anglek'rre pour fondre inopinément sur leur marine marchande et mâme pour entreprendre sur leurs colonies ce que l'occasion lui suggérerait. Si la guerre ne se déclarait pa«>^ il devait charger à fret pour compte de la Compagnie. Ce plan parut si hardi et si beau, qu'en peu de jours lo commerce lui avait confié un fond de 5 mil- lions pour l'exécuter. Il n'y manquait plus que l'approbation royale. Il se rendit à Fontainebleau pour la solliciter du ministère. Après une confé- rence de plusieurs jours entre le comte de Mauropas, le cardinal de Pleury et le contrôleur Dry, voici la réponse qui lui fut faite au nom du Roi de France, par l'organe du contrôleur général :
'^ Sa Majesté veut armer une escadre pour l'Inde. Elle fournira deux de ses vaisseaux, le Mabs et le Griffon. La Compagnie en fournira quatre, lo Flbuby, 1' Aimable, le Brillant et la Renommée et deu:ç découvertes. Sa majesté vous choisit pour commander cette escadre. Il faut que vous exécutiez dans Inde et pour la Compagnie le projet que vous aviez formé pour votre compte particulier. Qu'il ne soit pas ici question de vos mé- contentements, obéissez et continuez à bien servir : le Roi aura soin do vous et de votre fortune. "
Le malheureux obéit : ot se fiant ù une parole royale, il lui abandonna le soin de son honneur, de sa fortune et de ses destinées !
Le profond mystère dont ce plan avait été enveloppé, môme vis-à- vis la Compagnie, et la dépense considérable d'un armement en guerre irritèrent vivement la Compagnie, dont l'amour-propro ot l'intérêt pécu- niaire étaient gp^avement mis en jeu. L'idée fixe de la Compagnie était que la neutralité serait observée dans l'Inde, et qu'oUe n'avait rien à craindre pour sa marine marchande et ses comptoirs au milieu du choc des flottes et des armées. Elle commença donc à indisposer le public contre M. de Labourdonnais et à lui vouer en secret un ressentiment im- placable. M, de Labourdonnais offrit une secon»lo fois sa démission au Ministère ; mais l'ordre du Boi était précis.
Le 5 Avril 1741^ M. de Labourdonnais» rovôtu de la commission do capitaine de f réga^ et du commandoment de toutes les forces navales da
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l'Inde^ appareilla du porfc do Lorient à la tête de cinq vaisseatix de la Compagnie. Le Pleury, de t>6 canons, le Bbillakt et rÂiMABLi, de 50 canons chacun^ la E.£NOmmke, de 28^ et la Parfaite, de 16. Tous leurs équipages pouvaient monter à 1,200 hommes de mer et environ 500 soldats. Les vents favorables le poussèrent rapidement. Lorsque l'esca- dro fut avancée on mer, il fut curieux d'examiner les équipages. Il s'aper- çut du premier des pièges que commençait à lui tondre la Compagnie. It trouva que les trois quarts dos mi^tolots n'avaient jamais été en mer, et presque tous, jusqu'aux soldats, ignoraient ce que c'était qu'un onnon et un fusil.
Il fallait prendre son parti. Il résolut de suppléer à tout par la force de sa volonté. Il commença à oxercor ces hommes neufs, afin de les fa- çonner au métier de la marine et de la guerre. Ce ne fut pas sans de grands mécontontemens et une sourde résistance, même de ses officiers qui| insensibles au scrupule d'affaiblir la discipline, le tournaient en ridi- cule [en présence des équipages, et se plaignaient hautement de ce qu'ayant, disaient-ils, un tempérament capable de résister aux plus grandes fatigues, il mesurait les forces dos autres sur les siennes. Enfin, après une relâche de 25 jours à l'Ilo Grande, sur la côte du Brésil, il mit en mer pour l'Ile-de France, où il arriva après 56 jours de traversée, le 14 Août 1741.
Ici^ un plus vaste théâtre s'ouvre au génie et au patriotisme de M. de Labourdonnais.
Maurice n'esl plus qu'un point accessoire ; c'est l'immense étendne des Indes qui va devenir le champ do bataille oii il doit couvrir de gloire son pavillon, et sur lequel il va développer les hautes conceptions de sa pensée I
Avant de commencer co tableau, il est bon de rappeler en peu de mots l'origine de l'Etablissement Français dans l'Inde, ses phases diverses, et son état général à l'époque dans laquelle nous allons entrer.
Depuis 1605, année de la découverte de l'Ile de France, les Français avaieni; fait, mais en vain, plusieurs tentatives pour fonder des établisse- ments dans les Indes.
En 16 i2, un homme fameux dans l'histoire de l'aristocratie, le Cardi- nal de Richelieu, avait créé la Compagnie des Indes Orientales ; ce vaste génie, à l'étroit dans l'Europe qu'il remplissait tout entier sans doute, ne pouvait se sentir à l'aise qu'en touchant les derniers confins de l'océan et du monde.
En 1664, Colbert, pendant le règne de Louis XIV, avait reconstitné, sur des bases plus larges, cette Compagnie, en lui accordant le monopole
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da aommerce dans cet Iiémisphère, pour cinquante ans, et prenant l'essor, elle ayait bientôt réuni un fonds de quinze* millions.
Cependant, toates les expéditions françaises n'a^v aient encore abouti qa'à d'infructueux essais décolonisation à Madagasc^ir et à un échange actif de marchandises dans l'Inde, lorsqu'on 1668, un sieur Caron, négo* cîant, fut élu chef de la Compagnie. Caron conçut aussitôt la nécessité d'asauver au commerce français un port indépendant dans le centre même de rinde, an milieu de la production de ses épices. Après un court essai à Surate, il dirigea ses vues sur la baie de Trinquemale dans l'île de Ceylan, comme réunissant toutes les conditions nécessaires à son plan.
Cette colonie appartenait à la Hollande, et la Hollande était en guerre avec la France. H en fit la conquête.
Trinquemale ayant été reprise, peu de temps après, par les HoUan« dais, il se porta sur la Côte de Coromandel et s'empara en 1672 de St- Thomé ville portugaise, depuis 12 ans au pouvoir de la Hollande ; mais 2 ans après, cette colonie fut encore reprise par les Hollandais,
Alors le sieur St*-M§rtin, l'un des agens de la Compagnie, recueillit les débris de Ceylan et de St,*Thomé, composés d'une soixantaine de Français, et peupla la petite bourgade de Pondichéry qu'il avait achetée avec le territoire environnant, du Souverain du pays. H la fortifia et la rendit florissante.
La Hollande attaqua encore cette colonie en 1693, et la conquit ; mais en 1697. le traité de Biswick la rendit aux Fran eais, et elle rentra dans le gouvernement de M. St.->Martin, qui lui donna de grands déve« loppemens, en fit le chef4ieu des possessions françaises dans l'Indf , et le centre d'un vaste commerce en Asie.
Une foule d'Européens accourut aussitôt sur le contineoat indien. Chandemagor, cédé dès 1688, par Aareng Zeb à la Compagnie, augmenta considérablement sa population. Bientôt la cession de Mahé, en 1727, étendit encore son territoire dans ses mers ; Pondichéry prenait chaque jour un plus grand essor. En 1786 elle fondait un hôtel de monnaies, par lequel elle essayait de se pourvoir par elle-même des nécessités qui la rendaient tributaire de l'Europe, les espèces métalliques.
Tel était, en 1741, l'état général de l'Inde Française lorsque M. de Labourdonnais y parut.
Sa première campagne, écrite de sa main, sous les murs de la Bastille, dans un mémoire justificatif où il raconte, comme C é&ar,à la troisième per- sonne, l'histoire de son Gouvernement, est expo sée avec tant de laconisme et de colorie, quenoas le laisserons parler un instant lui-même. On jugera de quelle mabière cette jaain, habile à se servir de la hache et de l'épée, savait au besoin ipanter la plume.
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ment ^Myé de les ramener, il^fit avancer en diligenoe la compagnie d'ar- tillerie, ^ui gardait la nouvelle batterie qu'il avait fait faire pendant la- nuit, et comme elle £tait fraîche et commandée par de bons officiers, elle- fit des merveilles. La colonne repoussée la suivit, le fort fut emporté tout d'un coup* Les ennemis f arent même chargés ei; poursuivis de si bonne- grâce, que la peur les saisit et qu'ils abandonnèrent tous leurfl postes. En sorte qu'ils laissèrent les Français maîtres des quatres fortins, de- tçus leurs retrt^ichements, et de 8 pièces de canon. L'action dura cinq heures. Le sieur de Labourdonnais 7 perdit 06 hommes et il eut 120* blessés ; il en coûta à l'ennemi environ 500."
La paix fut conclue entre Mahé et les Naires, en Février 1742, et peu après, M. de Labourdonnais était de retour à l'Ile de France. Il y reçut* bientôt une lettre de M. Ory, pour lui témoigner la satisfaction du Boi^ et pour lui faire part de l'ordre qui avait été donné au Ministre des- Colonies, de lui délivrer des lettres de noblesse.
Alors fermentait sourdement en Europe cette funeste guerre pour la succession d'Autriche, qui allait bientôt éclater entre Marie Thérèse, Beine de Hongrie, depuis Impératrice d'Allemagne, et l'bspagne, gcerre- oi^ le premier coup de canon tiré sur la rade de Toulon, par la flotte de l'amiral anglais Mathews, contre les flottes combinées de l'Espagne et- de la France, devait embraser non-seulement l'Europe, mais l'Inde et l'Amérique. M. de Labourdonnais, tout entier à son gigantesque plan de- frapper à l'improvisto l'Angleterre au cœur de sa puissance maritime et commerciale dans les Indes, épiait chaque voile arrivant dé l'Europe^ espérant qu'elle lui porterait le signal de l'expédition. En attendant, à- mesure que les vaisseaux de l'escadre arrivaient ; il les faisait réparer et réarmer, en sorte qu'au mois de Mai, sa flotte entière fût prête et en. meilleur état qu'elle n'était lorsqu'elle appareilla de France. Enfin, il reçut- une dépêche de la Compagnie ; mais qo'on imagine sa surprise ! C'était un ordre formel de désarmement, et pour ôter toute hésitation, toute possibilité d'une entreprise guerrière, on lui enjoignait expressément de renvoyer l'escadre à vide plutôt que de garder un seul vaisseau. On juge quel coup porta ce contre-ordre à M. de Labourdonnais qui croyait déjà • tenir entre ses mains le sort de l'Asie et de la guerre t II fallat pourtant obéir ; il expédia l'escadre, mais en même temps, il sollicita instamment son rappel en France, ne voulant pas, disait-il, être présent aux malheurs qui allaient s'accomplir ! La réponse du Ministre lui porta un nouveau refus. " C'est, disait-il, parce qu'on n'envoie pas de nouvelles forces dans '^ rin<1e, qu'il y faut, en cas d'événement, un homme de ressources', capa- '' ble de faire beaucoup avec peu. Ainsi, le refus de votre * démission est '^ une nouvelle preuve de notre confiance en vous. "
Il ne restait plus à M. de Labourdonnais qu'à se résigner ; il le fit, et
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dirigeant désormais tonte son activité vers la partie éeonomiqne de son gouvernement, l'agriculture^ les travaux publics, la justice et l'adminis- tration, absorbèrent toute sa pensée.
C'est vers cette époque que M. de Labourdonnais s'eccupa de faire explorer les nombreuses petites îles semées dans nos mers. lia tartane l'EusABSTE, capitaine Picault, et le bateau le CuAitLES, capitaine J. Gvos- - sen, furent expédiés pour l'Archipel. Ils revinrent vers le 23 Janvier 1743, apportant un plan du Banc de Corgados Gnrayos, et annonoàrent avoir ' eu connaissance, le 27 Novembre, de l'Ile de l'Assomption, et le 19, du groupe d'îles les Sept Frères.
M. de Ë&bourdonnais, ayant lieu de soupçonner qu'ils avaient pris les Amirautés pour les Sept Frèret, fit partir une seconde fois M. Lszarre' Picault, avec un Ingénieur géograplie,8ur I'Blisabbth, pour aller connaître ces îles et pour en prendre possession au nom du Boi de France.
Ce fut à ce second voyage que l'occupation en eut lieu au mois de Décembre 1743. La principale reçut le nom de MâhI, l'un des prénoms ' honorifiques de M. Labourdonnais, et le groupe tout entier changea sa dénomination des Sept Frères en celle des Seychelles, du nom d'nn des ministres de Sa Majesté.
Le 14 Août 1744, arrfva, dans la plus belle saison do l'année, le nau- frage du St-6éban, qui périt vers la Passe d'Ocorne^, sur les récifs ' voisins de l'Ile d'Ambre. De tous les passagers et dn nombreux éqaipa*- ge que portait le navire, neuf personnes seulement parvinrent à gagner la terre : c'étaient Allen Ambroise, premier bosseman ; Pierre Tassel, de Lorient, bosseman ; Pierre Verger, ad judant-canonnîer, de Lorient ; Jean Janvier, de St-Malo, pilotin ; Edme Carret, patron de chaloupe ; Jacque le 6uin^ matelot-charpentier ; Thomas Chardron, matelot ; Jean le Page," matelot ; Jean Dromart, de Sanmur, passager. On trouve dans les Ar- ' chives de la Cour d'Appel, un procès-verbal dressé par M. le Conseiller dn Roi HerbouU, en présence du GreflScr Molère, et la déposition faite à la justice par ces naufragés. C'est dans l'ensemble de ces dépositions que noua avons puisé, avec une religieuse exactitude, le récit de ce lugubre événement.
Le St.-Gkrân, commandé par le capitaine de la Marre, et parti de Lorient le 24 Mars 1744, avait relâché 22 jours après à Gorée, où il avait pris 20 nègres et 10 négresses Yoloff ou Bambara. Il portait plusieurs personnes de distinction, entre autres M. Villarmois et mesdemoiselles Mallet et Gaillou, deux jeunes Créoles do l'Ile de France, qui étaient allées faire leur éducation en France et qui retournaient au sein de leurs familles. Le lundi 17 Août, à 4 heures de l'après-nrridi, on aperçut l'Ile Bonde. Le capitaine de Lamarre fit aussitôt serrer les voiles et mettre à la cap^ amure à bâbord; son équipage de quai't étant pou nombreux par
Sfi ABCBJVB8 QùWflim
suite des ravagas de la maladie^ il fit appeler tons les hommes sar le pont pour aider la manœuvre. La terre n'était alors qu'à six lienes de distance. Le capitaine voyant la nuit approcher^ avait pris conseil de ses officiers. Son avis était de profiter du clair de lune pour donner dans les îlep et d'aller mouiller dans la Baie du Tombeau. M. Mallet, son premier liefi< tenant; était d'un avis contraire. Il prétendait que l'équipage n'était pa9 assez fort pour lever les ancres après le n^ouillage^ qu'il était mieux de tenir la cape et d'attendre au lendemain vers le point du jour pour passer entre les Iles. Le second enseigne, Lair, appuya ce sentiment, ' assurant qu'il statt pratique db la côte, qu'il n'y avait aucun danqeb a TEHiB LA OAPC SOUS LA osANDi! voiLus. Le Capitaine se rendit à c^tte opinion, et se retira dans sa chambre en lenr dis%nt : '^ Messieurs^ vous connaissez mieux la côto que moi : il y a 20 ans que je suis venu ici sur le St- Albin, mes idées se sont effacées et je m'en remets à vous de la conduite du navire. A si^ heures du soir, M. Lonchamp de Mont-Tendre prit le quart, et comme la brise était légôre et favorable, on so décida, pendant la nuit, fi faire petite route sous les basses voiles. Toutefois lo navire rasait de si près la oâte, que plusieurs fois les matelots effrayas en avaient fait la re- marque aux officiers.
A 2 heures et demie de la nuit, le premier lieutenaut Mallet prit le commandement. Le temps était magnifique ; il fit avartir M.[de la Marre qui lisait dans sa chambre. Celui-ci monta sur le gaillard et il fut décidé d'an commun accord qu'on augmenterait de Voiles. Le pilote Yignard în< terrogé sur la route, répondit ; '^Nous sommes en bon chemin ; nous avons deux heures à courir comme cela. "
Il était trois heures du matin. Un cri retentît sur le gaillard d'avant " BRISANS I " M. de la Marre s'élance de sa chambre et prenant aussitôt le oommandement de la manoeuvre, il ordonne l'arrivage.. On s'empressa, on évolue,. mais à peine le navire commence à virer, que Tavant touche avec un choc tarrible. Dans un instant, lo navli'o ost couché sur les récifs, ayant la lame qui le bat en travers. Le capitaine fait alors donner l'alerta et appeler tout le monde sur le pont ; mais cent hommes de l'équipage étaient sur les cadres et ceux que la maladie ne mettaient pas hors de ser.vice, étaient tellement troublés par la confusion et l'épouvante qu'ils n'étaient plus d'aucun secours. Le commandant, avec nu admirable sang- froidj donne l'ordre de couper la mâture, de descendre les embarcations et eii même temps de construire à la hâte un radeau sur l'arrière du pont. Le grand mât tombe bientôt entraînant avec lui celui d'artimon j ces mâts suspendus au navire par les haubans, étaient soulevés par chaque lame et commençaient à le défoncer sous leurs choc.^^ Tout à-coup la quille se rompt avec un craquement effroyable ; et lo milieu du navire s'effondre^ tandis que les deux extrémités s'élèvent au-dessus des flots. Le
lÂbûTTÉDoirtrÂis '^
commandant^ toujours calme et im|)assible^ fait alors sonner la clochô db
naviroj demande l'aumonier et fait donner Fab solution générale. PendMt
celte cérémonîe on entonne lés "hymnes " salvk broina, et smlla vÂftis/'
Bientôt ce fut une confusion décliirante : les uns demandaient à haute
voix pardon à ceux qu'ils [avaient offensés^ d^autres se jetaient danâ lea
bras de leurs amis en leur disant un dernier adieu. Le jeune de Béll€^
valle^ officier au service^ poussait des cris et des gémissements lamôtfliil^
"bles^ quelques hommes résolus essayaient de préparer les embarcatidttd^
qui se brisèrent entre leurs mains ; d* autres s'efforçaient d^acheyer le
radeau ; ceux-ci coupaient les lisses ; ceux-là se Saisissaient des dâbris pour s'en faire tm moyen de se soutenir sur les e^ux. Tout à co«p^ «n
■
silence effrayant régna au milieu do cette, foule en détresse. La terre étoit là^ sous leurs yeux^ à quelques encablures^ mais qui oserait le premier s'aventurer sur le gouffre tumultueux qui en sépare î O'eôt nn homme de l'équipage ; il se décide enfin et s'élance ! TJn mouvemenl^ génétfftl d'anxiété tient la foule suspendue ; oh le suit des yeux ; bientôt on le voit fléchir sous un fardeau dont il avait chargé sa tête^ et il disparaît !
Le bosseman Tassel se jette le second à la mer ; on le Voit long'èetnpis et loin lutter contre les vagues ; enfin il atteint le rivage. Â cette vue^ on s'encourage^ on se précipite tous à la fois^ les uns sur le radeau^ les autres sur les débris du navire. C'es^ alors qu'un spectacle touchant s'offrit aux regards. Sur le pont abandonné du navii*e^ mademoiselle de Maliet^ Tane de ces jeunes Créoles de l'Ile de France dont nous avons parlé^ était aasûe sur l'arrière du vaisseau^ ayant à son côté le second lieutenant^ M» de Peramont^ qui ne la quittait pas. Tous deux^ immobiles et rétig^aés, p*« raiâsaient avoir renoncé à toute espérance et accepté aveo courage^ leurs prochaines destinées. Sur l'avant du navire on voyait en même temps M. de Yillarmois^ soutenant mademoiselle Caillou^ et s' efforçant de là faire descendre sur une planche dont il s'était emparé pour la sauver ; un -peu plus loiuj le contre maître Carret qui s'était on quelque sorte attelé par une corde^ à un tronçon de lisse^ criait à sou commandant d'ôter ses vêtemens et de venir s'y placer à cheval tandis qu'il le romorquerait en nageant. M. de La Marre s'était élancé à la mor^ et l'avait rejoint^ maïs sans se dépouiller des insignes dé sa charge^ et de ses papidira^ qu'il croyait ne pouvoir abandonner qu'avec la vie. Can^et dans ce périlleux trajet^ atteint par le choc de la lisse^ qu'une lame avait portée-- sai^ Itii^ avait été lancé à quelque distance de son capitaine^ et tout étourdi du coup; à moitié brisé, ce courageux marin était revenu à la charge et coAtiuiiait à le reiporquer après lui. Alors le radeau vint à paseerje lonç d^ettx i il était oha'rgé de 60 personnes ; M. de La Marre s'y jette, et «n courant rapide l'entraîne impétiieuseiiient vers la terre^ mais le retour .de la vague fut aussi prompt et aussi impétueux ; il rejeta Jie lud^fiii !(»$(. d<i
ÔO ARCÛtVIB 0OLOKUL8S
irivage et engloutit avec lui 60 personnes qai s'y tenaient pressées. Carret| deraat cette vague moostruense^ chargée de débris^ avait plongé. En reve- ' luuit sur TeaUj il chercha des yeux M. de La Marre^ et il ne le revît plus !
Les premiers naufragés qui atteignirent la terre^ abordèrent à l'Ile d^ Ambre après avoir lutté cinq heures contre la violence des flots. Us se réunirent sur la plage pour prêter assistance à leurs compagnons d'infor- tune et les recueillirent. Us virent aussi approcher le pilote avec une né- gresse qu'il essayait de sauver ; tous deux atteignirent le rivage^ et l'on s'efforça de ranimer leurs forces en leur faisant avaler quelques gorgées d'une barrique de vin jetée en même temps qu'eux sur la côte. Mais ces malheureux avaient été épuisés par la terreur et la fatigue^ et une heure après^ tous deux étaient mort I Le surlendemain^ le bosseman Tassel, ac- compagné de quelques matelots^ traversa le bras de mer qui les séparait de l'Ile et vint aborder près du Poste des Chasseurs, non loin de la Marre aux Flamans ; ils y trouvèrent des chasseurs qui leur prodiguèrent tous Lm secours que peut imaginer l'humanité, et qui traversèrent à l'instant la mer; avec eux pour aller porter aux naufragés du riz et du cerf, seul et unique don qui fût à leur disposition.
Tel est le canevas de l'immortel roman mêlé de vérités et de fictions qui a donné à notre île une si grande célébrité dans le monde littéraire. La Baie du Tombeau ne dut point son nom à la découverte da corps de mademoiselle de Mallet^ car l'océan se referma à jamais sur la dépouille de tous les naufragés du St. GisAN. La Baie du Tombeau avait reçu ce nomi plus d'un siècle auparavant, pour avoir été la sépulture d'une jeune dame protestante morte en mer.
A l'égard de Virginie et du vieux Domingue, leur existence ne peut être révoquée en doute. Un M. de Mallet, capitaine au régiment de Pon- dich^ry, mort en 1819 à un âge très-avancé, aimait à raconter que la veille de la perte du St. Gëran, sa mère ayant vu on rcve Virginie do Mallet^ sa sœur^ naufrageant sur un navire à l'entrée du Port, avait en- voyé à la ville son vieux commandeur Dominguo pour voir si effectivement il y avait un navire en vue.
{La fin au prochain numéro,) EuasKX Pi8ix)K.
La Revue eommeneera le 16 de ee mois la publication de la Belatùm du voyage que Français Gauche de Bouën a fait en \^^^ en l laie de Madagascar y a^itrement Saint-Laurent et isles adjacentes, contenant la description du pays, mœurs des habitants, ensemble des oy seaux, poissons, arbres, arbris- seaux, racines et plantes, avec une carte de ladite isle ; suivie dW Colloque entre un Madagascards et un François sur les choses les plus nécessaires pour se faire entendre et estre entendu d*eux. Le tout recHeilly par le sieur Morisot wec des notes en marge.
i^"" ÀMiE 8 JtULET 188? N* <
MCHIVES COLONIALES
MAURICE-KEUNION-MADAGASCAK
LÂBOUEDONNAIS
(suite et pin) ^
Le naufrage du St.-Géran fat nne véritable calamité pour la colonie : il était chai^ de tous les approvisioanements et de tous les objeto de première nécessité destinés aux habitans des deux îles. L'Ile de France était précisément^ à cette époque, en proie à l'une de ces disettes qui rayaient si souvent affligée depuis sa fondation. Une suolieresse extraor- dinaire avait anéanti la récolte de l'année précédente ; la récolte de l'année courante avait été dévorée par les sauterelles ; un navire qu'on avait envoyé dans l'Inde pour y chercher da riz^ était revenu sans charge. Bourbon où la disette sévissait encore plus rigoureusement^ demandait sans relâche du secours ; il fallait faire subsister les équipages, les troupes, les ouvriers et tous ceux qui ne faisaient point partie des habitations. L'administration aux abois eut recours à la mesure d'un inventaire g[oné- rai des vivres ^ans toutes les plantations. Un arrêté du Conseil détermina la ration journalière de chaque homme ; on laissa à l'habitant et à sos employés pour quatre mois d'aliments, et l'Etat s'empara, moyennaînt une indemnité, de tout le reste des subsistances, en vue du salut public.
Cette mesure excita contre M. de Labourdonnais une fermentation extrême. Sur ces entrefaites, la frégate le Faerc, mouillée dans le Port, le premier Septembre 1744, apporta la nouvelle définitive de la déclara- tion de guerre. L'illusion d'une neutralité dans les mers do l'Inde était toujours, à Paris, ,1'idée fixe dont se berçait la Compagnie. Les négocia- tions de M. Dupleix avec Madras avaient bien amené la promesse réci« proque- de cette neutralité entre les deux Compagnies ; mais Madras fit observer judicieusement qu'on ne pouvait préjuger l'attitude que preti-
i Voir t»agefî 1, 13, 25 37, et 49.
éà ÂBCâlVIS COLONUys
draient les marines militaires. Comment, en effets les conventions de deux corporations de marchands pouvaient-elles enchaîner la liberté d'action de leurs Gouvernements respectifs ? Déjà le ministère Français, se ravi- sant, avait envoyé à M. de Labourdonnais, mais trop tard, l'ordre de ne pas renvoyer son escadre en France. Tout à coup, on reçoit de M. Dapleix, la nouvelle de l'arrivée .de 4 vaisseaux de guerre anglais dans l'Inde, bientôt après, celle de la prise du va.^seau le Favori à l'ancre dans le Port d' Ashem ; enfin dans toutes les Indes à la fois, tandis que la marine française, en vertu d'ordres supérieurs, respecte le pavillon anglais, les vaisseaux anglais s'emparent de la marine marchande françaiga. - j^enl, M. de la Yillebague qui ne partageait pas nne funeste sécurité, se pré- serva de cette capture en évitant la rencontre de l'ennemi. Il y a nn trait dans cette guerro, qui caractérise mieux que l'éloge le plus pompeux, le mérite du plan de M. de Labourdonnais : c'est le compliment qu'adres- sait avec courtoisie M. Bamet, commandant des forces navales d'Angle- terre, à chacune de ses prises, en montant à bord : '' Messieurs, nous ne faisons qu'exécuter contre vous, ce que M. de Labourdonnais avait conçu contre nons. "
A la même époque arrivèrent de France, le 28 Janvier 1747, KAcHii> LE, de 70 canons, avec 450 hommes ; le St. -Louis avec 50 canons et 250 hommes j la Liss, de 40 canons, avec 250 hommes ; le Phœitix, de 44 canons, avec 250 hommes ; enfin le Dcrc d'Obléaks avec 86 canons et 150 hommes.
Cette expédition militaire répandit, par ses préparatifs, une activité et un mouvement extraordinaires dans la colonie. La plupart de ces vais- seaux avaient besoin d'être radoubés et ravitaillés, et même 1' Achille était le seul armé en gaerre. Toutes los ressources furent mises en œuvre pour réunir des vivres et pourvoir à l'armement. On se h&ta de lancer à la mèr un grand navire que M. de Labourdonnais avait sur les chantiers ; les réparations de l'escadre commencèrent et furent poussées vivement. M. de Labourdonnais fut arrêté dans cette opération, par le plus insurmon- table des obstacles, le manque d'ouvriers. Une épidémie désastreuse avait récemment détruit on mis hors de service, la plus grande partie de ses ateliers de marine. C'est dans cette circonstance que, — sans se décourager dos sarcasmes et des railleries par lesquels la race des sots accueille en tout temps une pensée de génie, — ^il transforma les menuisiers de l'île en charpentiers de marine, les serruriers en forgerons, les tailleurs en voi- liers ; dirigeant tout, activant tout, se multipliant partout à la fois. Xi'ar- mement de l'escadre n'était pas tout encore. Il fallait la faire monter par des forces imposantes en troupes et en équipages. Il distribua les ma- telots en compagnies dans lesquelles il incorpora des ouvriers et des nègres. C'était de continuelles évolutions militaires, des exercices au ma-
LÂBOUBDOHKAia 63
nlement de toutes les armes^ à l'escalade d'un inur^ à la disposition d'un pétard an tir. Les plus adroits furent chargés du service d'une machine inventée par M. de Labourdonnais^ au moyen de laquelle on lançait^ à l'aide de mortiers^ des grapins d'abordage à plus de 180 pieds de distance. Tout cela se faisait au milieu des murmures^ de la dérision et des entraves que lui suscitaient sourdement la plupart de ses officiers.
Enfin^ le 24 Mars 1746^ M. de Labourdonnais^ laissant en sou absence le Gouvernement des deux îles à M. de St-Martin^ appareilla avec son escadre^ comptant parmi ses officiers MM. de Rostaing, Sornaj^ de Céré^ Labeaume^ de Lavaille et Le Riche. Il no fit que toucher à l'île de Bourbon pour y donner ses ordres, et mouilla devant Poulpointe, à l'Ile de Madagascar, le 4 Avril suivant. Mais il semblait que les éléments fussent ligués avec les populations et dussent se déchaîner contre un seul homme, pour démontrer ce que peut la puissance d'une volonté d'airain. Un ouragan furieux le force d'appareiller presque aussitôt, disperse son escadre, brise les mâtures du Lys et du Flisubi, jette le Nsptunb. dans l'anse de Manahar, et désempare plusieurs de ses yaisseaux qui ne par- riennent à se réfugier qu'avec grand'peine à l'île de Mayotte. Cette ca- tastrophe épouvantable eût jeté un homme ordinaire dans le décourage* ment et tout était perdu ; maiç M. de Labourdonnais, oubliant ses justes griefs contre les autorités de la Métropole et de la Compagnie, ne s'ocup- pa que d'en tirer une généreuse vengeance par la grandeur de ses services, et qu'à dompter le monde conjuré contre lui, par la fécondité de son génie et l'inébranlable fermeté de son âme.
Sur les bords d'un pays sauvage, on vit s'élever des hangars pour abriter les troupes, des ateliers pour travailler les charpentes et façonner les mâtures, des cordories pour réparer les gréements. Les principaux officiers furent envoyés dans la profondeur des forêts pour trouver des arbres propres à la mâture. On découvrit des tatamakas de 80 et 100 pieds de hauteur, et ces poutres, après avoir été charroyées à travers des marécageà impraticables et avoir descendu plus de 8 lieues de rivière, parvinrent jusqu'au bord de la mer. On employa aussi la mâture et le gréement du Neptune à réparer les pertes des autres vaisseaux. Jus- qu'aux lacunes que la désertion des noirs avait causées dans les cadres, furent réparées par quelques distributions de poudre et d'armes, faites à- propos aux naturels du pays. Enfin, après 48 jours de travaux qui se poursuivaient presque jour et nuit, M. de La'bourdonnais, à la tête de 9 vaisseaux bien armés, put appareiller de nouveau pour l'Inde.
«
Le 6 Juillet, l'expédition était en vue de la Côte de Coromandeli lorsqu'on découvrit l'escadre commandée par le capitaine Peyton, succès** seur du conimodore Barnet, tué à l'attaque du Fort St. David, Elle n'eut
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pas plus tôt aperçu la division française qu'elle vint à sa rencontre à pleines voiles.
M. de Labourdonnais donna aussitôt l'ordre à ses vaisseaux de se mettre sur une seule ligne, et do tenter partout en même toraps un abor- dage général. Pour comprendre tout ce qu'il y avait do judicieux dans cette conduite, il faut se rappeler l'état des deux marines dans ce siècle. L'Angleterre, comme le fait observer Voltaire, est l'inventrice de la tac- tique navale, et les Anglais sont hs premiers qai ont enseigné à ranger les flottes en bataille dans l'ordre où l'on combat aujourd'hui. C'est de l'Angleterre que les autres nations ont imité l'usage de partager leurs fdrces navales en avant- garde et en centre. Tout autre système stratégi- que eut donc été une luttte présomptueuse de l'inexpérience contre la science et la pratique. L'action commença. Les forces anglaises se com- posaient de 6 navires armés de 230 canons ; les forces françaises de 9 navires et de 214 canons. Les pièces de l'artillerie anglaise étaient du calibre de 24; celles de l'artillerie française de 12 et de 8, à l'exception de r Achille qui était armé de pièces de 1 8.
Dès le premier choc, la supériorité de l'artillerie anglaise se fit sentir, et l'on sait combien cette supériorité est décisive, principalement sur mer. Trois des vaisseaux français furent d'abord mis hors de combat. Les Anglais qui s'en aperçurent, forcèrent de voiles. Ils arrivaient sur le Neptune resté seul à l'avant garde, et allaient l'écraser sous leurs feux concentrés. Mais M. de Labourdonnais s'élance au devant sur I'Aghille. les arrête et reçoit pendant un quart d'heure tous les feux de la flotte ennemis, abritant comme un vaste rempart derrière lui la division fran- çaise. La canonnade continue, on se foudroie depuis 5 heures jusqu'à 7 lieures et demie du soir ; enfin, rebutés de la résistance des Français, les Anglais se retirent du champ de bataille. M. de Labourdonnais qui avait le désavantage du vent, passe la nuit à se préparer à une nouvelle action. Mais le lendemain, le soleil en se levant n'éclaira autour de lui que la soli- tude de la mer. C'est en parlant de cette victoire que Voltaire dit ce mot : '' Il dispersa une escadre anglaise dans les mers de l'Inde, ce qui n'était jamais arrivé qu'à Ini et ce qu'on n'a pas revu depuis. "
La flotte française chargée d'un grand nombre de malades et de blessés, et n*ayant plus sur quelques uns de ses vaisseaux que pour une journée de vivres, rentra à Pondichéry le 8 Juillet 1746, dans la soirée.
Dès le premier abord, les manières hautaines de M. Dupleix, gouverneur général de l'Inde, et son envie mal dissimulée, suscitèrent entre ce dernier et M. de Labourdonnais, une antipathie réciproque. L'idée du siège de Madras, conçue et proposée par M. de Labourdonnais, sur ces entrefaites, n'était pas de nature à éteindre la jalousie du Gouverneur Général, M. Dupleix objecta contre ce plan ; le siège n'était praticable
LABOUBDONNAia 65
*
qn'apràib la raine oa la déroute de l'escadre anglaise. M, de Laboordoii' nais lui manifesta aussitôt le dessein d'aller la combattre. Il lui adressa donc la demande de 60 canons de gros calibre^ pour égaliser soa artillerie à celle de l'ennemi. M. Dupleix les refusa. M, de Labourdonnais, loin do se rebuter^ résolut d'engager cette lutte^ mâme avec le désayanta- ge du canon^ et mit en mer. Après quelques jours de navigfation^ il ren- contra la flotte ennemie à Négapatam et s'en approcha à la faveur du pavillon hollandais. Mais une triste déception couronna encore cette cam- pagne. La flotte anglaise, soit qu'elle se réservât pour un autre dessein^ soit pour tout autre motif, évita l'engagement, et, après une journée de ' chasse, il la perdît entièrement de vue. Pendant cette navigation, l'eau " insalubre fournie à Pondichérjr avait donné le flux de sang aux équipa- ges, et M, de Labourdonnais atteint lui-même par la maladie, était des- cendu à terré dans un état complet d'épuisement. C'est dans cette cir- constance, qu'à la suite de quelques débats avec le Conseil, sur le plan d'opérations à suivre pour l'attaque de Madras, le Conseil, pour se sous- traire à la responsabilité d'une option dangereuse, fit à M. de Labourdon- nais la somttïation insolite d'aller, sans délai, battre la flotte ennemie ou commencer le siège de Madras. L'indignation et le sentiment de sa di- -gnifcé dictèrent à M. de Labourdonnais une réponse brève ; la voici ; ^' Je n'ai consulté le Conseil que sur l'affaire de Madras. Quant à la des- tination de mon escadre, ce c'est pas à lui à on prendre connaissance ; je sais ce que je dois faire, et mes ordres sont donnas pour qu'elle parte ce soir." M. de Labourdonnais expédia en même temps sa flotte pour Madras, dans l'espoir d'y surprendre les vaisseaux anglais qui en déménageaient les effets précieux, et pour y stationner en observation de l'ennemi Mais M. Dupleix surgit encore une fois devant lui, et comme s'il eut redouté le succès de la flotte de son rival devant Madras, il en fit descendre, avant le départ, les troupes de Pondichéry qu'il avait récemment prêtées. Le même ]6\ir l'escadro partit et laissa M. de Labourdonnais dans un tel état de maladie et d'exténuation, que ses compagr)ons d'armes s'é- loignèrent convaincus que cette séparation était la dernière.
Quelque temps après, l'escadre étant de retour à Pondichéry, et la santé de M. de Labourdonnais affermie, toutes les dispositions commen- cèrent pour le siège de Madras. On appareilla, et le 15 Septembre à midi, on s'embossait à une portée de canon do la ville. Lo dél)arquement s'opéra avec 1,100 européens, 400 cypayes, 3 à 400 nègres ; on ne conserva à bord des vaisseaux que 15 à 1,800 hommes.
Le feu avait commencé sur la ville depuis 2 à 3 jours, lorsque pendant
la nuit, M. de Labourdonnais reçut de M. Dupleix des dépêches qui le
jetèrent dans la plus grande perplexité : elles lui laissaient entendre que
*Tescadre anglaise arrivait tout entière au secours de la place. Au môme
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instant^ un: parlementaire entra dans le camp des assiégeants et vint remettre à M. de Labonrdonnais^ de }b, pjart de madame de Barneval, fille de madame Dupleiz, nne lettre qù elle* lui demandait^ an nom du Gou- verneur, sMl voulait entrer en composition. Cette ouverture fut accueillie avec empressement. Quelques pourparlers eurent lieu avec les députes de Madras et n'aboutirent à aucune conclusion. Le lendemain on recom- mença à se foudroyer et tous les préparatifs, furent disposés pour l'assaut. Enfin, sous la canonnade de la flotte et de la place> une capitulation fut signée. Les conditions en furent la reddition de Madras et son rachat 'moyennant une rançon de onze cent mille pagodes d*or, l'abandon de toutes les marchandises et le partage par moitié de l'artillerie et des mu- nitions de guerre. Ces clauses exécutées, elle devait être évacuée et res* tituee à l'Angleterre lo 1er. Janvier 1747.
La haute courtoisie qui régna entre les vainqueurs et les vaincus après la prise de Madras, témoigne de la magnanimité de M. de Labour- donnais et de l'estime réciproque que se portaient deux nations braves et chevaleresques. Son premier soin fut d'établir l'ordre dans la villjB, et pour assurer aux habitants une protection efficace, il plaça un de nea officiers dans chacune des principales maisons, avec la recommendation de n'y accepter que le logement. Il se rendit ensuite à l'Eglise des Capu- cins où s'était réfugiée toute l'aristocratie féminine de la place, que les horreurs d'une ville prise d'assaut ainsi que l'audace et la férocité renom- mées des nègres-c affres, tenaient dans une indicible épouvante. M. de Labourdonnais, avec une galanterie toute française, s'empressa de dissi- per leur alarmes et de les inviter à retourner avec confiance dans leurs foyers et à y reprendre leur vie et leurs habitudes de la veille. Une noble cordialité s'établit dès lors entre Français et Anglais qu*entouraient les fureurs de la guerre. On se mêla dans les festins; ou parla franchement et de la chance incertaine des combats et des rencontres où. Ton s'était mesuré. Les Anglais rappelaient que le capitaine Peyton, faisant allusion à la première rencontre navale-, s'extasiait sur la conduite de 1* Achille, disait que ce vaisseau semblait appartenir à l'Enfer, qu'il n'avait jamais compris qu'il pût vomir des feux en si grande abondance et avec si peu d'interruption, et surtout qu'il eût résisté aux coups de l'artillerie anglaise, ayant été criblé de 70 boulets dans sa coque, ce qui était l'exacte vérité. D'un autre côte, M. de Céré, l'ancien major-géné- ral de M. de Labourdonnais, qui avec son austérité et sa brusquerie, était l'ours le plus mal léché en même temps que le plus brave et loyal marin de la flotte, ne pouvait s'empêcher do convenir en grommelant ; '' que si les Anglais étaient bogïïes à la guerre, ils ne manquaient parbleu pas de grâce et de politesse dans la paix."
Cependant, dès le 20 Septembre, et imm<^diatement après la signa-
LAB0T7RD0NNAIS 67
iiare de la capitnlation^ M. de Laboardonnais avait annoncé à M. Dapleiz par un billet, ^la prise de Madras^ et les soins les plus vigilants avaient été apportes à prendre délivrance des marchandises^ des munitions et des trésors de la Compagnie d'Angleterre^ ainsi qu^à cimenter les arrange- ments relatifs à la rançon de Madras. C'était tout ce qu'il pouvait faire pour le service de son Souverain. Il est vrai qu'il avait pu prendre la Tille à discrétion ; mais il ne faut pas oublier que sa flotte était menacée ^'être surprise entre les feux de la ville et ceux de l'escadre anglaise. D'ailleurs^ quelles que fussent les circonstances^ il esistail un ordre secret de Sa Majesté qui ne lui permettait pas un autre parti à l'égard de Madras. Voici cet ordre ; Instructions pour le sieur de Labourdonnais auxquelles
IL LUI EST ENJOINT DE SE CONFORMER AVEC EXACTITUDE : " Il OSt expressé- ment défendu au sieur de Labourdonnais de s'emparer d'aucun établisse- ment ou comptoir des ennemis pour le conserver."
Signé : Ory.
Le 26, M. de Labourdonnais reçut la réponse de M. Dupleix et du Conseil Supérieur, dans laquelle on lui témoignait le dessein de garder Madras, au mépris de la capitulation, et de la livrer ensuite au Nabab d'Arcate, après en avoir ruiné les fortifications. Il repoussa avec indigna- tion la pensée d'une violation aussi odieuse de la foi des traités, et quelque fut le déchaînement du Gouverneur Général et du Conseil Supérieur de Madras, conjurés contre lui, aussi long-temps qu'il put demeurer dans la place, il conserva intacte la parole de la France.
La cupidité et l'envie qui dévoraient M. Dupleix, lui firent alors oublier tous les ménagemens qu'il devait à la dignité de sa charge et à sa patrie. Il considérait déjà les trésors de Madras comme une proie acquise à son avidité ; il ne pouvait se faire à l'idée de les voir passer entre les mains de son rival et de lui laisser l'honneur de s'en faire un trophée.. D'ailleurs, quelques motifs d'intérêt privé aigrissaient le ressen- timent réciproque des deux Gouverneurs. Le bruit courait, sur U flotte et dans l'armée, que dans le règlement de leurs comptes particuliers sur les opérations qu'ils avaient faites ensemble, entre l'Ile de France et Pondi- chéry, ils s'étaient séparés mécontents l'un de l'autre. Déjà, dans cette ville, M. Dupleix avait failli causer une collision entre leurs troupes en faisant refuser à M. de Labourdonnais et à ses officiers, le salut militaire qu'il exigeait pour les officiers de terre et pour lui-même. Pendant la ma- ladie de son rival, M. Dupleix avait essayé dans le Conseil de Pondiché- ry, de le faire interdire sous prétexte de démence, et de le dépouiller de son commandement. D l'eût osé, si le Conseil, épouvanté de la responsa- bilité d'un tel acte vis-à-vis de la Métropole, ne lui eût refusé sou con- cours. Aujourd'hui, il l'accusait de trahison, il semait la désorganisation
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dans la force armée en la déliant de toute obéissance envers son chef r enfin il avait envoyé à Madras un Conseil de son choix^ avec des troupes, et l'ordre secret de s'emparer par surprise de la personne de M. de La- bourdonnais. Celui-ci n'avait échappé à leurs embûches que par adresse ;: mais forcé d'appareiller prochainement avec sa flotte, pour fuir l'appro- che de la mousson^ il fallut remettre la ville entre leurs mains.
Les retards apportés dans les opérations par ces dissidences déplora- blés, devinrent funeste à la flotte française. Un ouragan se déclara le 14 Octobre, et ses forces navales, qui, renforpées par de nouveaux secours, étaient devenues d'une importance imposante (elles consistaient en It vaisseaux bien armés et de 5,500 hommes), furent presque totalement anéanties. M. de Labourdonnais revint alors à l'Ile de France avec- quelques uns de ses vaisseaux, et M. Dupleix, maître de Madras, après son départ, viola la capitulation et incendia une partie de la place*
Tandis que M. de Labourdonnais enrichissait son pays d'une con- quête importante et protégeait l'honneur du pavillon national^ voici ce qui se passait][à l'Ile de France. M. David, nommé à sa place Gouverneur de cette Ile, y débarquait avec l'ordre de mettre le séquestre sur tous ses papiers et tous ses biens, de le traduire en jugement aussitôt son arri- vée, et même de le destituer de son commandement naval, si sa conduite lui paraissait coupable.
• M. de Labourdonnais, en mettant le pîed sur la terre de l'He de France, fut instruit de cet ordre rigoureux de son ingrate patrie. Il fit alors, s'il est permis de comparer les petites choses aux grandes, ce qu'avait jadis osé Sylla dans la république romaine, en se dépouillant de sa dictature sanglante. Il se présenta en public, après avoir déposé tous les insignes de la dignité et de la puissance, et dît : " Je suis prêt à rendre compte de tous les actes de mon Gouvernement : si j'ai' caasé * quelque tort à l'un de vous, qu'il se lève et m*accuse. Je réparerai le préjudice que j'ai causé au centuple." Cet appel fut fait aux habitans des- Iles de Bourbon et de France, et la population do ces deux Iles se tut devant lui !.. M. David, après de minutieuses perquisitions, convaincu de son innocence, le réintégra dans le commandement de ses vaisseaux,, et l'expédia pour France.
On l'a dit, avec vérité : le plus imposant spectacle de l'univers est la lutte d'un homme illustre aux prises avec l'adversité. Toute la grandeur de l'âme humaine se manifeste dans ce duel d'un homme seul contrôla puissance dosélémens et des populations déchaînés. La chute même, loin de rapetisser le gigantesque Pygmée, ne fait alors qu'étendre ses propor- tions en le couvrant de l'auréole du malheur.
Cette triste gloire était réservée à Mahé de Labourdonnais, il n'était pas encore rendu au bout de son agonie !
tiABOUBDONNAIS 69
DonloureiiBement blessé par des soupçons injurieux à son caractère^ frappé d'ailleurs des dangers auxquels allaient être exposés sa femroe et ses enfans qui le suivaient en France, son premier mouvement avait été de répudier Phonneur de ce nouveau commandement ; mais il s'agissait de ramener à son Gouvernement, à travers les dangers de F Océan alors cerné de tous côtés par les Anglais, six vaisseaux de Vescadre qui lui avaient été confiés, et rédaits pour la plupart à un tel état de faiblesse, qu'ils comptaient à peine cent hommes d'équipage. Il fit un dernier effort et appareilla.
Pendant ce temps, M. Dupleix, à Madras, poussait activement son enquête accusatrice, et ne négligeait rien pour perdre son ennemi. Il avait d'abord appelé en témoignage les officiers, les employés, et même les Ar- méniens ; mais loin de noircir M. de Labourdonnais, tous n'avaient eu qu'une voix pour attester son innocence.
M. Dupleix n'eût pas hbute de descendre jusqu'au témoignage des Malabars, dont la duplicité et la faiblesse sont devenues chose proverbiale, et d'agir sur leur esprit timide par l'influence des prisons et l'appareil des armes. En même temps, M. de La Villebague, beau-frère de M. de Labourdonnais, et M. Desjardins, furent jetés dans un cachot, où l'on per- sista à les tenir renfermés sous l'atteinte des bombes que l'artillerie as- siégeante y faisait pleuvoir. Le hasard voulut qu'ils ne fussent que légère- ment blessés malgré les éclats do pierres des murs dé la prison. Le malheureux de La Yillebague écrivait alors à M. de Labourdonnais :
'' J'expie le péché originel d'être votre frère, et toute la hiaine qu'on vous porte se reverse sur moi. J'avais demandé une subsistance, on n'a pas seulement répondu à ma requête ; et si, depuis 6 mois, M. Dubois, mon ancien associé, n'avait pas la bonté de me fournir, de sa bourse, ma nourriture et le nécessaire à la vie, je crois qu'on aurait la dureté de me retenir en prison, à la merci de la charité publique."
Peu de temps après, les deux prisonniers transférés en France par ordre de M. Dupleix, moururent pendant la traversée.
Arrivée à la hauteur du Cap, la flotte de M. de Labourdonnais, com- posée de six vaisseaux, fut assaillie par une furieuse tempête qui la dis- persa ; l'un deux fut jeté à la baie de tous les Saints, l'autre poussé à l'Ile-de-France, un troisième vers la France. Celui de M. de Labourdon- nais parvint à Angola, oi\, quelque temps après, les deux autres se ral- lièrent. Ils y étaient depuis quelques jours, lorsque parurent trois voiles qu'ils reconnurent pour trois vaisseaux de guerre anglais.
M. de Labourdonnais ne songea plus qu'à soustraire sa femme et ses enfans aux dangers de la guerre et à se forcer un passage à travers l'ennemi. Il affréta un petit navire portugais sur lequel il fit embarquer sa famille, et qui la conduisit au Brésil, d'où elle arriva heureusement en
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France. Quant ù lui^ il fit voile ponr la Martinique^ point d'escale âéai< gnée par ses ordres^ après avoir communiqué à ses capitaines unemanœu* vre par laquelle ils pourraient^ en présence de forces trop supérieures, sauver le plus précieux de leurs vaisseaux et tous les équipages.
Arrivé à la Martinique^ M. de Labourdonnais conçut et communiqua au Gouverneur et à l'intendant de cette île^ un plan d'opérations si lami- neux> pour réparer les derniers désastres de la France aux colonies, qu'on arrêta d'un commun accord qu'il laisserait les débris de son escadre dans ce port, qu'il se rendrait seul à la*]Oour de Versailles pour y proposer son plan avec la recommandation de ces^deux autorités. Déguisé, et muni d'un passe-port pseudonyme, il s'embarqua furtivement sur un petit bateau, et se dirigea vers Saint-Eustache avec une lettre de recomman- dation pour le Grouvernenr hollandais de cette île.
Jamais M. de Labourdonnais ne fut plus grand qu'à cette époque où sa fortune croulait de toutes parts, il la soutenait successivemeut de son épaule d'Atla<3, partout oii elle menaçait ruine.
Pendant sa traversée, le bateau fut aperçu par un vaisseau de guerre anglais de haut bord, qui lui donna la chasse et lui fit perdre sa route. Après une navigation de quelques jours, sans provisions et sans boussole, égaré sur la vaste surface des mors, il parvint à l'aide des astres, à retrouver sa route et à distinguer Saint-Eustache à l'horizon ; mais le vent fraichit, la mer s'enfle, un ouragan épouvantable se déclare ; des quarante vaisseaux mouillés sur la rade^ pas un seul n'échappe à la t^upête, tous périssent corps et bien, seul Tesquif aborde la plage. M. de Labourdonnais trouve dans ce port un navire hollandais sur lequel il s'embarque pour France. On met en mer, mais à peine a-t-on commen- cé le voyage qu'on rencontre encore un navire anglais qui donne la nou- velle de la déclaration de guerre entre la France et la Hollande, et con- seille au capitaine hollandais de se rendre dans un des ports d'Angleterre pour s'y placer sous la protection du convoi qui devait partir pour les Dunes. On arrive à Falmouth, et après une visite .de quelque» instants dans le navire, M. de Labourdonnais est reconnu et envoyé prisonnier de guerre ù Londres.
La conduite de l'Angleterre en cette circonstance fut noble et grande. Elle partagea hospitalièremont le coin de son foyer domestique avec le guerrier malheureujc. M. de Labourdonnais fut présenté à la Cour, acca- blé de distinctions et d'égards, et Londres eu parut plus grande par son respect ponr l'infortune.
Bientôt M. do Labourdonnais exprima le désir de passer en Francb pour se justifier : l'un des Directeurs de la Compagnie espérant que cette grâce lui serait accordée sous une forte caution, offrit toute sa fortune pour garantie de son retour. Le Gouvernement anglais se souvini de
tiÂBOtBbONNÂis H
l'affaire de Madras et voulant rester à la hauteur de son prisonnier^ il décida que-pour lui accorder cette faveur, il réclamait une caution plus grande et plus sûre, la simple paro le de M. de Labourdonnais.
Le 25 Février 1748, M. de Labourdonnais aiTÎva à Paris.
Les mémoires et les calomnies de M. Dupleix l'y avaient précédée. Au premier coup-d' œil il comprit l'effrayante réaction qui s'était faite depuis son dép art dans ^opinion publique. Il put alors juger du monde et de l'amitié. Il se rendi t immédiatement à la Cour de Versailles, et peu de jours après, le 2 Mars, il fut arrêté pendant la nuit et conduit à la Bastille. Une commission fut nommée par le Boi pour lui faire son procès. On s'empara de ses papiers. On força TofiBcier public dépositaire de son testament ^ livrer cette pièce sacr ée et l'on en brisa le cacbet !... Plongé pendant 26 mois dans un cacbot sous les horreurs de ce tourment appelé le secret, dans sa captivité on ne lui laissa pas même la consolation d'e«)1»m^er «a fe/mne et ses en fants ! Aucune compitimcation au dehotf ne lui fut permise, pas même a vec un conseil pour préparer sa défense. Ou lui interdit l'encre et le papier ; on semblait redouter que la vérité, comme un Messie radieux, ne vint à briser la pierre de cette autre tombe et se manifestât éclatante au dehors...
Il réussit cependant à tromper la vigilance de ses odieux persécu* teurs, il publia ses défenses. Un sou marqué, aiguisé sur la dalle de sa prison, lui servit de canif pour tailler en forme de plume quelques sar- ments de vigne ; du vert de gris délayé dans quelques gouttes de café fut employé à composer une espèce d'encre ; enfin, un mou choir trempé daos une gomme d'eau de riz, lui tint liei; de papier. C'est à l'aide de ces moyens ingénieux qu'il parvint à tracer de mémoire un plan de Madras, et à démontrer par la simple topographie, la fausseté du témoigna-» ge d'an soldat, qui prétendait avoir vu, du poste oii il faisait sentinelle, l'embarquement de tré^sors sur le navire de M. de Labourdonnais.
La commission rendit enfin, en 1751, un arrêt solennel qui proclama l'innocence de M. de Labourdonnais, réhabilita son caractère et le rendit à sa famille après trois ans et demi d'une captivité qu'il partagea, dit*on, à la Bastille, avec le régicide Damiens. Sa santé détruite à jamais ne lui laissait que peu de jours à vivre. Il assista à l'indigence de sa femme et . de ses enf ans, pour la comparer à son ancienne opulence. Son cœur était brisé par tout ce que la douleur, l'humiliation et l'ingratitude peuvent réunir de tourments I. . .
Il jeta un coup-d'œil philosophique sur sa vie agitée, et comprit ce que tout homme froid et sensé devrait deviner au commencement de sa carrière, c'est qu'il n'y a pas de vie honorable ou de vie infâme, mais un succès ou un revers -, c'est qu'il n'y a pas d'opinion publique sûre, mais une prostituée qui se donne aux tables ouvertes et aux équipages,
i2 ARCâlVBS COLONIALES
qai vous flatte dans le succès et vous écrase dans le revers. C'est qae la plupart des amitiés du monde sont gouvernées par les espérances da soleil levant^ ou les déceptions du soleil couchant^ et qu'elles suivent, avec la vanité, les oscillations du succès et du revers. C'est qu'il n'y a, ici bas^ hors les sentiments que l'instinct du sang et la nature ont placés dans le cœur de l'homme, que la conscience et Dieu, et que sans eux, il faudrait, comme Caton d'Utique, chercher d'une main ferme son cœur dans ses entrailles pour le jeter loin de soi, en conspuant la vie !
Le 9 Septembre, moins de trois ans après sa délivrance de la Bastil le^ M. de Labourdonnais expirait entre les bras de sa femme et de ses enfans !
{Fin.) EUGKNB PiSTOlf.
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UNE DELIBERATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE L'ILE DE FRANCE.— 1728
DE PAU LE ROY ET LA. COMPAGNIE DES INDES.
Délibération du Conseil d* Administration
La Compagnie par sa lettre dernière du 31 X^re 1727, dit de veiller ayec une grande attention à la manière dont les nouveaux habitants se comporteront afin de proportionner les crédits qui leurs seront faîts^ et Tardeur et intelligence qu'ils feront connoistre dans la culture et le progrès de leurs habitations^ qu'elle veut bien faire des avances à ceux qui le mériteront par leur bonne et sage conduite^ mais qu'elle ne veut pas étendre ses bienfaits sur les paresseux ou gens de mauvaise vie comme plusieurs sont dans le cas et qu'ils restent dans le Camp à faire les paresseux ou les yvrognes^ nous sommes contraint de les avertir qu'ils n'auront à l'avenir aucuns vivres de la Compagnie^ et qu'il ne leur sera pins faàt aucune avance que pour celle que Monsieur de St-Martin a eu la bonté de leur faire précédemment dont ils se mettent peu en peine> nous leur déclarons que sy ils ne se rendent sous huit jours sur leurs habitations qui est leur propre intérest à tous, Ils seront arrestés pour travailler sur les travaux de la Compagnie jusqu'à ce qu'ils se soient acquittez envers elle^ qu'au contraire sy ils vont travailler à leurs habitations^ le Conseil d'administration les favorisera en tout ce qu'il pourra et conformément aux ordres de la Compagnie, fait au port Bourbon de l'Isle de France ce 29 ODre 1728.
Flooh Lk Roux
St-Mabxik Pbigskt
l^e JlNHEE 16 JUILLET 1887 N* 7
ARCHIVES COLONIALES
MAUKICE-REUNION-MADAGASCAR
VOYAGE DE FRANÇOIS GAUCHE
Nous empruntons la relation do ce voyage aux Relations véritables et ' cnrieusesde Viale de Madagascar, et du Brésil avec V Histoire de la dernière Gruerre faite au Brésil^ entre les Portugais et les Hollandois, Trois relations d^ Egypte y et une du Royaume de Perse, A Paris, chez Augustin Coicrbé, au Palais, en la Oallerie des Merciers, à la Palme. M. DG. LI, Avec Privilège du Boy.
La relation de Canclie est la première ; ello a pour titre : Relation du Voyage que Fran^/)is Oauche de Rouen afail à Madagascar, isles adjacent 'tesy et caste d^ Afrique. Elle contient, comme l'indique la table, la descrip* tion du pays, mœurs des habitants, ensemble des oyseaxu, poissons, arbres, arbrisseaux, racines et plantes, avec une carte de ladite isie, et est suivie d^nn Colloque entre un Madagascarois et un François sur les choses les plus ne* cessaires pour se faire entendre et estre entendu d'eu.n. Le tout rectieilly par le sieur Morisot avec des notes en marge.
Noaa oommencons aujourd'hui l'impression de ces documents, sans oublier les notes du Sieur Morisot, que nous mettrons non pas en marge^ mais au bas des pages, avec des renvois dans le corps du texte.
Le volume des relations commence par une adresse d'Augustin Courbé A Messieurs Du Fuy ; viennent ensuite un avertissement de Caucbe Au lecteur, le Privilège du Roy, la Table des Relations, une carte de Vlsle de Madagascar ou de 8. Laurent, et enfin la relation du voyage. Avant de lire cette dernière, le lecteur verra peut-être avec intérêt, l'adresse à Messieurs DuPuy, et l'Avertissement au lecteur. Nous faisons donc précéder le récit de Gauche par ces deux documents.
Kous avons conservé scrupuleusement le style et^ autant que possible^ l'orthographe de l'éppque et des auteurs. V. P.
74 ÂGCUlVJâS COLONUL£a
A MESSIEURS DU PUY '
Messieurs,
Rien ne semble d'abord plus manifeste, que Futilité des voyages qui se font aux Païs esloignés : à cause de la connoissanco qu'on eu tire d'ane infinité île clio&es salutaires qui manquent au nostre ; & de la prudence qui se porfectionne en observant les mœurs & les arts des Peuples qui les ha- bitent. J'apprens cependant, que quelques sabres politiques ont sévèrement défendu à leurs Citoyens, & sur tout aux jeunes Gens, de faire de longues courses hors de leur Païs : de peur que dans la communication des
Estrangers, il ne leur arrivast de contracter plutost des vices nouveaux, que d'acquérir des vertus nouvelles. Quoy qu'il eu soit. Messieurs, j'a- voiie ingénument, qu'il ne m'appartient pas de décider une question do cette importance. Mais j'ose bien me persuader, que leâ plus difficiles ne sçauroient rien trouver à redire en la curiosité des Relations fidelles & sensées de ce qui a esté veu & remarqué par ceux que leur génie, ou leur fortune ont engagez dans de longs voyages.