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JOURNAL
DES AVOUÉS
Les cahiers sont déposés, conformément à la loi ; toute reproduction d'un article de doctrine, dissertation, observation, ou question pro- posée, sera considérée comme contrefaçon.
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JOURNAL
DES AVOUÉS
RECUEIL CRITIQUE DE LÉCISLAÏIOÎI, DE JIJRISPRCDEME ET DE DOCTRINE
EN MATIÈRE DE
PROCÉDURE CIVILE, COMMERCIALE ET ADMINISTRATIVE,
DE TARIFS, DE DISCIPLINE ET D'OFFICES ;
*
RÉDIGÉ
PAR UNE RÉUNION DE JURISCONSULTES-
■^ , .LIBRARY £F CANADA.
TOME DOUZIÈME. • 1871
( Tome 96« de la collection. — 6t)* année, )
PARIS.
LES BUREAUX DU JOURNAL
sont
A LA LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE JURISPRUDENCE
DE COSSE, liîARCHAL et BILLARD, libraires de la cuir de cassation.
Place Dauphine, 29.
l 8 7- l
JOURNAL
DES AVOUÉS
Art. 1808. - TRIB. CIV. D'AGEN, 14 janv. 1871.
1" DÉCLINATOIRE , INCOMPÉTENCE RATIONE MATERIiE , PROROGATION
de juridiction. 2° Juge de paix, constructions, dommages-intérêts, compétence.
1° L'exception d'incompétence à raison de la matière peut être proposée en tout état de cause, encore bien que la partie qui l'élève aurait consenti à propager la juridiction du juge: la prorogation de juridiction ne peut o^voir d'effet qu'à l égard d'une incompétence succeptible de se couvrir (C. proc. civ., 170).
2" La disposition du $ 3 de fart. 6 de la loi du 25 mai 1838, qui attribue au juge de paix la connaissance des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674, C. civ., lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées, ne s'applique point seulement aux actions fondées soit sur l'inobservation des distances exigées par les usages ou règlements de police, soit sur l'absence des ouvrages prescrits aans l'intérêt des voisins par ces usages ou règlements, mais encore à celles ayant pour objet de faire ordonner les mesures propres à conjurer le dommage causé aux voisins par les travaux dont il s'agit, et d'obtenir une indemnité pour le dommage déjà souffert. (G. civ., 1382).
(Broussignac C. Cabanes.) — Jugement.
Le Tribunal ; — Attendu qu'il est reconnu et constaté par les deux experts que Broussignac a fait établir un puisard dans la cour de sa n.aison, contiguë à la maison et à la cour de Cabanes, qui fait passer dans la cave de ce dernier par infiltrations, avec abondance, même après des pluies moyennes, les eaux pluviales et ménagères ; que ces
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eaux, après s'être infiltrées dans le sous-sol, débordent dans la cave ; qu'il est donc acquis au procès que ce puisard cause à Cabanes le pré- judice dont il se plaint ; que les eaux qui envahissent ainsi la cave ont pour eiret de la rendre incommode, malsaine, à peu près impropre à sa destination, et d'en détériorer les murs; que ces mômes eaux atteignent encore le mur séparatif de la cour de Broussignac et de la cour que Cabannes possède en commun avec Lezat et Malauzet ; que ce mur est reconnu mitoyen par Broussignac, et que le puisard en est même plus rapproché que de la cave de Cabanes qui est à la distance de onze mètres ; que c'est ce que l'on voit à l'aide d'un plan figuratif des lieux dressé par les experts ; que le juge de paix a, dès lors, bien jugé en déclarant bien fondée l'action dont il a été saisi par l'intimé, qui était ouverte à celui-ci par l'art. 074 du Code civil ; action ten- dant, d'après les conclusions formulées par l'exploit introductif de l'instance, à ce que Broussignac soit condamné à conduire les eaux pluviales et ménagères sur la voie publique, ainsi que cela existai! avant son entreprise, ou bien à modifier et creuser le puisard de ma- nière à ce que ces eaux ne viennent plus s'infiltrer dans la cave du demandeur, et à payer à ce dernier une indemnité de 300 fr. pour réparation du préjudice occasionné ;
Attendu que devant le juge de paix Broussignac a prétendu que ce magistrat n'avait pas juridiction pour statuer sur une demande ainsi formulée ; que le tribunal d'arrondissement était seul compétent pour en connaître ; que devant le tribunal d'appel, il s'est borné à présen- ter de nouveau le déclinaloire sans plaider et sans conclure sur le fond du droit ; que le premier juge ne s'est pas arrêté au moyen d'in- compétence présenté, non pas comme relatif, mais commeabsolu ratione materiœ ; que su décision sur ce moyen a été vivement critiquée, parce que les motifs donnés à son appui ne peuvent s'appliquer qu'à l'in- compétence relative, c'est-à-dire, à raison de la personne, ou du domicile des parties, ou de la situation des biens ; qu' * elfet, cette incompélence n-lalive doit être présentée avant toute défense au fond, sans quoi elle est couverte, tandis que le moyen d'incompétence à rai- son de la matière n'est jamais susceptible de se couvrir, l'ordre des juridictions tenant à l'ordre public ; aussi, ce moyen d'incompétence absolu peut être proposé en tout élat de cause; — Que dos critiques éga- lement vives ont été dirigées contre les motifs de décider tirés de la prorogation de juridiction ;
Attendu que le procès présente deux questions que le premier juge aurait pu envisager, traiter et résoudre à part, à savoir : si le moyen d'incompétence est ou non recevable, s'il est bien ou mal fondé; — Que le principe posé dans le considérant qui précède prouve la recevabilité; car, d'après les motifs exprimés dans le jugement attaqué, sa non recevabilité ne pourrait résulter que de ce que l'appelant a donné son
( ART. 180S. ) ' 7
consentement à la nomination des experts, de ce qu'il a concouru à à leur choix, à les dispenser du serment prescrit par la loi, de ce qu'il leur a fait sommation par acte extra-judiciaire de finir leur tra- vail et de déposer leur rapport, après avoir lui-même demandé un rap- port supplémentaire ; — Qu'en ce qui touche la prorogation, pour qu'elle puisse avoir lieu il faut que le moyen d'incompétence proposé soit susceptible de se couvrir, qu'il s'agisse d'étendre, par conséquent, la juridiction de quantitate ad quantitatem et non de re ad rem ; qu'il faut donc déclarer recevable le moyen d'incompétence ; — Que mainte- nant il faut examiner s'il est fondé ;
Attendu que l'art. 10 de la loi du 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire n'attribuait aux juges de paix que la connaiss;ince des dépla- cements de bornes, des usurpations de terre, d'arbres et autres clô- tures commises dans l'année, des enireprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises également dans l'année, et de toutes autres actions possessoires ; que sous l'empire de cette loi, le tribunal ' de paix pouvait connaître des actions relatives à la construction de latrines, de fosses à fumier, cheminées, etc., comme présentant de l'analogie avec les actions résultant de l'art. 10, mais au possessoire seulement, c'est-à-dire s'il n'y avait pas plus d'un an que les travaux et constructions fussent faits; il vérifiait, par conséquent, si les dis- tances légales avaient été ou non observées, et il maintenait, s'il y avait lieu, l'état des choses tel qu'il était avant le trouble ; que la même règle s'appliquait à la plantation de toute espèce de bois (Voir Carré, Des justices de paix, tome 2, n" 1346); mais que la loi du 2o mai 1838 n'a pas renfermé la compétence des juges de paix dans ces étroites limites; qu'elle a voulu aller beaucoup plus loin ;. qu'elle a voulu conférer à ces magistrats des attributions tout à fait exception- nelles pour toutes les actions résultant des art. 671, 672, 673 et 674, C. civ. ;
Attendu que l'art. 6, n" 3, de la loi du 2S mai 1838, attribue for- mellement aux juges de paix la connaissance en premier ressort des actions relatives aux constructions énoncées dans l'art 674 du Code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées : que dès lors le premier juge a été valablement saisi de l'action du demandeur, puisqu'il ne s'est élevé entre les parties aucune contestation de propriété ou de mitoyenneté ; que si l'action avait été poîtée devant le tribunal civil, il aurait été incompétent, par la raison qu'elle est fondée sur l'art. 674, puisque ce sont les rapports de voi- sinage et de contiguïté entre des héritages urbains appartenant à des propriétaires différents qui ont amené le conflit, et que c'est pour n'avoir pas pris les précautions prescrites par cet article, afin d'éviter de nuire au voisin, que l'un d'eux a été actionné pour qu'un terme soit mis à l'atteinte matérielle que, par ses travaux et l'établissement
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de son puisard, il porte à l'héritage contigu^ et pour qu'une juste indemnité lui soit accordée en réparation du dommage souflert dans le passé; qu'on ne trouve rien dans le texte ni dans l'esprit de l'art. 6 de la loi du S'i mai 18.'{8 qui indique que le législateur a eu la pensée et la volonté de ne conférer attribution au juge de paix que pour les mesures préventives prescrites, dans l'intérêt privé du voisin, par les règlements ou usages locaux, et pour ordonner que les travaux et constructions à faire dans le fonds contigu seront établis à la distance prescrite par les anciens usages; qu'il ne se peut pas que le législateur ait eu la pensée de restreindre de la sorte les attributions nouvelles et exceptionnelles qu'il a déférées aux tribunaux de paix; qu'il est certain que le législateur s'est proposé par l'extension de la compé- tence de ces tribunaux de leur conférer juridiction pour les fréquentes contestations qui naissent des rapports du voisinage dont il est parlé dans les art. 671, 672, 673, 674; que cela est formellement exprimé dans l'exposé des motifs de la loi présentée aux chambres par le garde des sceaux; qu'il y est encore exprimé que la juridiction exceptionnelle ne cesse que lorsque la propriété ou les titres qui l'établissent sont contestés, parce qu^alors de trop graves intérêts sont engagés, et que le litige exige la connaissance approfondie du droit; qu'il est hors de doute qu'il n'y a aucun inconvénient à déférer juri- diction aux tribunaux de paix quand il n'y a pas de telles contesta- tions, par ce que le juge n'a qu'à examiner en fait si le danger est sérieux et imminent ou si la confection des travaux est nuisible, et à prescrire telles mesures qui conviendront pour prévenir le danger ou conjurer le dommage actuel, et enfin qu'à ordonner la démolition des travaux si, malgré la bonne exécution de ces mesures, le dommage ne s'arrête pas ; que ce pouvoir que les tribunaux ordinaires tenaient de l'art. 67 i, les juges de paix ont bien le droit de l'exercer, puis- qu'ils sont substitués à ces tribunaux;— Qu'il est donc bien démontré par Ifi que l'action de l'intimé a été intentée en vertu de cet article, cette action étant de la nature de celles qui y sont énoncées; qu'au surplus l'article n'est pas limitatif; qu'il est, par conséquent, appli- cable à tous les cas analogues à ceux qui y sont spécifiés, puisque, parmi les cas spécifiés, sont les fosses d'aisance qui amènent des ma- tières dans un puits par infiltration, et, dans,respèce, il s'agit d'eaux pluviales et n.énagéres que le puisard fait passer par infiltration dans la cave, dans ses murs, et dans le mur intermédiaire des cours; que ce ne serait que dans le cas où l'action ne rentrerait pas dans ceux spécifiés, qu'i'lle serait étrangère à l'art. 67i, et que le juge de paix serait incompétent ;
Attendu ni-arimoins que l'appelant prétend que cet article ne sert pas de base a l'aclinn, parce (ju'il ne s'occupe que des demandes fon- dée*, soit sur le défaut d'observation des distances exigées par les an-
(; ART. 1808. } 9
ciens usages ou par les règlements de police, soit sur le défaut des ouvrages prescrits par ces mêmes règlements ou usages pour éviter de nuire aux voisins ; que si donc les distances ont été observées, si les ouvrages prescrits ont été faits, ou si, en l'absence d'un règlement ou d'usages anciens et locaux, les travaux ont été faits conformément aux règles de l'art, l'action n'a pas son germe, son principe dans l'art. 674, et, dès lors, le juge de paix ne peut pas en être saisi; c'est le tribunal d'arrondissement seul qui peut en connaître, l'action n'ayant pour fon- dement que l'art. 1382, auquel l'appelant aurait pu ajouter l'art. 1383; par où ou arrive à cette conséquence, que les juges de paix ne pou- vant connaître des demandes formées en vertu de l'art. 1382, le pre- mier juge n'aurait pu connaître de la demande formée par l'intimé que tout autant qu'elle aurait été renfermée dans les limites de l'art, l*' de la loi du 25 mai 1838, et qu'elle serait restée personnelle et mobilière, au lieu d'être indéierminée et d'élever à 300 francs le chiffre de l'in- demnité réclamée pour réparatioa du préjudice occasionné dans le passé ;
Attendu que cette thèse de droit est inadmissible, parce qu'elle aurait pour effet de créer un sj'^stème de restriction contraire à la loi, à son texte et à son esprit, contraire même à la logique; — contraire au texte de la loi, fjuisque l'art, li, n° 3, dispose que les juges de paix connaissent, à charge d'appel, des actions relatives aux constructions et travaux énonces dans l'art. 674, lorsque la propriété ou la mi- toyenneté ne sont pas contestées; que dans ce texte il n'est pas seule- ment question des actions ou contestations portant sur le point de savoir si les constructions et les travaux ont été exécutés dans les dis- tances prescrites par les règlements de police ou par les usages locaux, et si les ouvrages prescrits par ces mêmes règlements ou usages, pour éviter de nuire au voisin, ont été faits; mais qu'il s'y agit encore d'une manière générale des actions relatives aux constructions et travaux, se rapportant à des héritages urbains contigus, et par conséquent de toutes les difficultés qui peuvent naître à l'occasion de ces actions ou de ces travaux ou constructions ; que le texte ci-dessus reproduit est conçu en termes trop généraux pour qu'on puisse en induire qu'il limite la compétence du juge de paix au cas où n'y a qu'à appliquer à ces travaux ou constructions les prescriptions des règlements ou usages locaux, ou à défaut celles de la loi ; et que cette compétence cesse lorsque les travaux ont été exécutés, et que le juge de paix ne peut pas statuer sur la demande du voisin qui, comme celle de l'in- timé^ a pour objet de faire prescrire des mesures pour conjurer le dommage actuel et ultérieur, et d'obtenir une indemnité en réparation du dommage souffert dans le passé; que cette interprétation restrictive de la loi est contraire à son esprit, puisqu'elle a voulu conférer des attributions exceptionnelles aux juges de paix, afin qu'ils puissent T. XII.— S'^ S. 2
10 ( AUT. 1S08. )
connaître de toutes les contestations que font naître les rapports du voisinage ; et que la compétence exceptionnelle ne peut s'arrêter que lorsque la propriété ou les titres qui l'établissent sont contestés ; qu'il est à remarquer que de ce que l'art. (î de la nouvelle loi enlève bien la compétence aux tribunaux lorsqu'il y a débat sur la propriété, la mi' toyennetéou les titres, cet article la leur conserve évidemment par cela môme sur toutes les causes du litige ; — D'où il suit que les jslème res- trictif de l'appelant est contraire à, la logique et condamné par elle; qu'il est aussi contraire au but de l'art. 674, qui consiste à mettre le voisin à l'abri de tout dommage; d'où cette autre conséquence que la loi nouvelle a substitué les juges de paix aux tribunaux ordinaires, comme cela a déjà été dit, et qu'elle attribue juridiction à ces mngis- trals pour ordonner les travaux en sousœuvre ou supplémentaires, toutes les mesures de nature à remplir ce but, et que l'action de l'intimé telle qu'elle est formulée a été formée en vertu de cet article, et nou pas en conformité du droit commun, c'est-à-dire en vertu de l'art. 1382; — Qu'il est manifeste qu'on ne peut baser le déclinatoire sur le motif que Cabanes réclame en vertu du droit commun, alors que la vérité est qu'il a réclamé eu vertu de l'attribution exceptionnelle défé- rée par l'art. 3, n" 3 précité ; qu'ainsi, il faut repousser l'application qu'on voudrait faire abusivement à lu cause de l'art. 1" de la nou- velle loi ; que l'art. 1382 exprime un principe général de droit com- mun, que les juges de paix peuvent conseiller et appliquer dans la limite de leur compétence, mais qu'il ne faut pas séparer, isoler dans l'espèce, de l'art. G7-4 pour changi'r tout à la fois la nature, le carac- tère et la base d'action; car l'art. (574 n'a pour fondement que le prin- cipe général posé dans l'art. 1382; qu'il n'en est que l'application; que cela a paru tellement vrai à Marcadé qu'il a écrit sous ledit art. C7i, que les rédacteurs de notre code, au lieu de copier dans la coutume de Paris notre r'''gle trop restreinte et qui ne peut que servir d'exemple, auraient pu se contenter de la règle absolue écrite dans l'art. 13S2; que le ministre de la justice, dans son instruction sur l'exécution de la loi nouvelle a dit : « Les attributions nouvellement conférées aux juges de paix témoignent de la confiance qui a été
accordée à ces magistrats Je ne crois pas devoir exposer ici le
sens des divers articles de la loi qui remplacent les art. 9 et 10, titre 3 de la loi du iA août 1700. Outre queces dispositions sont claires par elles-m<^iiu's, c'est au droit coiniium, c'est à la juris[iriidence qui s'éta- blira que devra être empruntée la solution des dilliculti's cpii pour- ront se présenter-'; — l'ar où l'on voit que le premier juge n'aurait pas excédé ses pouvoirs en résolvant ledélcii par application de l'art. 1382; qu'il était iiièiiie do son devoir de consulter cet article comme renfer- mant un principe de droit commun, applicable évidemment à la solu- tion de la difficulté qui lui était soumise;
( ART. 1808. ) 41
Attendu, d'ailleurs, dans l'état des faits et circonstances qui l'ac- compagnent, que le moyen d'incompétence n'est pas fondé ; que l'ap- pelant soutient que le puisard est à la distance exigée par les anciens usages, et que les travaux ont été faits conformément aux règles de l'art, et que, par suite, le juge de paix était incompétent; mais que, d'abord, il faut remarquer que dans noire ville il y a absence de règle- ments et usages tant en ce qui touche les distances à observer qu'en ce qui louche les précautions à prendre, les travaux à faire pour éviter de nuire aux voisins; que pour suppléera l'absence des règlements et usages locaux, l'appelant a prétendu qu'il fallait s'en référer à l'art. 191 et à l'art, 217 de la coutume de Paris comme formant le droit commun de la France ; que les articles de cette coutume fixant la dis- tance des cloaques ou puisards à 6 pieds, et le récipient qu'il a fait établir dans sa cour étant à H et 14 mètres de distance de la cave, il se trouve bien ;iu-delà de la dislance exigée; — Que c'est une autre erreur palpable que commet l'appelant; car, lors de la discussion de l'art. 674 au Conseil d'État, on voulait que cet article fixât, comma l'art. 67 Ipour les plantations, les distances, à défaut de règlements et usages, et cette proposition fut combattue et rejetée, « parce qu'on ne construit pas partout avec les mêmes matériaux et d'après les mêmes principes » ; — Qu'ainsi donc la coutume de Paris ne peut pas être imposée comme formant le droit commun de la France et remplaçant les règlements et usages locaux ; que l'appelant prétend que son récipent a été construit conformément aux règles de l'art ; mais que les experts ne l'affirment pas ; qu'ils se bornent à dire, ou plutôt à supposer, peut-être par bien- veillance pour l'appelant, dans le but de faire modérer les dommages- intérêts, que Broussignac a eu l'intention de s'y conformer ; qu'il faut remarquer que le juge doit suppléer au défaut de règlements et d'u- sages, et au silence de loi par l'expérience des gens de l'art, et que bien que les constructions et les travaux aient été exécutés en confor. mité de leur avis, le juge peut ordonner des ouvrages supplémentaires et la démolition de l'objet nuisible à la propriété voisine, si on ne par_ vient pas à conjurer le dommage qui a eu lieu dans le passé, actue. ou ultérieur; que c'est ce qu'a décidé la Cour de cassation par un arrêt du 29 janvier 1829, antérieur à la loi nouvelle, et ce qu'ensei- gnent tous les commentateurs de cette loi; qu'ainsi donc l'appelant aurait dû, avant de se mettre à l'œuvre, appeler son voisin devant le juge de paix, pour y entendre dire que tels ouvrages seraient faits, en conformité de l'art. 67-4 ; qu'il a fait construire le récipient, sans consulter aucun homme de l'art , par son maçon dont les experts, autorisés par les parties à l'interroger, ont relevé, dans leur dernier rapport, les erreurs et les fausses appréciations ; qu'ainsi, à tous les points de vue, le mal fondé du moyen d'incompétence est par- faitement justifié;
12 ( ART. 1S08. )
Par ces motifs, démet Broussignac de l'appel qu'il a relevé du ju- gement rendu le 12 mai 1870 par le juge de paix du 2'°° arrondisse- ment d'Agen; ordonne, par conséquent, que ce jugement sortira son plein et entier effet, et condanme l'appelant en l'amende et aux dépens de première instance et d'appel.
Observations. — La preuaière solulion repose sur deux principes conslanls, à savoir, d'une part, que l'exceplion d'in- compétence raiione materiœ, étant d'ordre public, ne peut- èlre couverte par le consentement des parties (\. notamment Limoges, 30 janv. 1S22 el 21 nov. 1835, S. V.' chr. et 37. 2. 19l;Cass., 2G août 1825, 3 mai 1842, S.-V. 42.1.411, et 16 avr. 1849, D.-p. 49.1.111; \)d\\oi,J{épert., \''^ Acquiescement, n. 218 el s., et Exceptions, n. 159 et s.) et, d'autre part, que la juridiction d'un tribunal ne peut être prorogée relativement à des matières placées hors de ses allribulions. Selon les expressions rappelées par le jugement rapporté ci-dessus, la prorogation de juridiction peut bien avoir lieu de quantitate ad quantilatem, mais non de re ad rem. C'est ce qui a été décidé particulièrement à l'égard du juge de paix. V. Henrion de Pansey, Autorité judiciaire, p. 252, et Jtist. de paix, p. 46; Carré, Organis. et Compét., art. 263 ; Bioche, Dict. de proc, \'' Prorogation de juridiction, n. 10; Bost, Encyclop. des jug. de paix, eod. v", n. 2; Bourbeau, Just. de paix, n. 14; Répert. gén. du Palais, \° Just. de paix, n. 734 et s.; Cass., 14 fév. 1866 (S.-V. 66.1.208).
Le second point est controversé. Selon les uns, l'action en
indemnité pour dommages causés, malgré l'observation des
règlements, par les constructions et travaux dont s'occupe
l'art. 674, C. civ., n'est pas de la compétence du juge de paix
(du moins au-delà de 200 fr.), parce qu'elle n'a pas sa source
dans l'art. 674, auquel se réfère le § 3 de l'art. 6 de la loi du
25 mai 1838, mais bien dans la disposition générale de l'art.
1382, C. civ., dont l'application appartient exclusivement aux
tribunaux de première instance. V. en ce sens, Foucher, Just.
de paix, n. 309; Bioche, \° Juge de paix, n. 237. — Mais,
suivant les autres, la généralité des expressions du § 3 précité
de l'arl. 6 de la loi de 1858 embrasse l'action en indemnité,
qui conduit à examiner si les prescriptions de l'art. 674 ont
été réellement observées el à en ordonner l'exécution pour
l'avenir. Sic, Carou, Jurid. civ. des jug. de paix, t. 1, n. 529,
p. 691; Masson, Just. de paix, n. '260 ; Dalioz, v» Compét. des
trib. de paix, n. 279. Nous croyons devoir nous ranger à
celle dernière opinion, que le jugement ci-dessus du tribunal
d'Agen consacre pour une solide argumentation. — La compé-
leuce du juge de paix serait surtout iuconleslable, si la de-
( ART. 1809. ) 13
mande en indemnité était jointe à l'action en exécution des prescriptions de l'art. 674, mise formellement par la loi dans les attributions de ce magistrat; elle serait alors rattachée à celle-ci par le lien de la connexilé, qui, à lui seul, autoriserait le juge de paixàstatuer sur le tout. V. Carou et Dalloz, Zoc. cit. — Compar. sur un point analogue, Cass., 13 nov. 1860 (S.-V. 6I.1.855J. G.D.
Art. 1809. —NANCY, 18 juin 1869 et 3 février 1870, DIJON, 25 mars 1870.
Legs universel, envoi en possession : — 1° Président, compé- tence ; — 2% 3° Ordonnance, opposition, appel; — 4° Testa- ment, président, appréciation; — 5° Testament, dépôt, expé- dition.
1» Le président (Vun tribunal autre que celui du lieu de Couverture de la succession est incompétent pour ordonner V envoi en possession d'un légataire universel institué par tes- tament olographe (C, civ., 1006 et s.). — [1"^^ espèce].
2° U ordonnance incompétemment rendue, en pareil cas ne peut faire l'objet d'une demande en nullité devant le tribunal auquel appartient le président de qui elle émane; mais il peut en être interjeté appel devant la Cour (C. pr., 454.) — Id.
3" Est également susceptible d'appel, comme constituant une véritable décision et non un simple acte de juridiction gracieuse, l'ordonnance par laquelle le président compétent accorde ou refuse l'envoi tn possession. — 2*^ et 3*^ espèces.
4° Le président compétemment saisi de la demande d'envoi en possession a le droit d'examiner si le demandeur a réelle- ment la qualité de légataire universel ; mais son appréciation à cet égard ne peut être exprimée que dans les motifs et non dans le dispositif de son ordonnance. — 2'' espèce.
5" Dans le cas où le dépôt du testament olographe a étépre- scritpar le président d'un tribunal autre que celui du lieu de l'ouverture de la succession, le président de ce dernier tribunal peut ordonner l'envoi en possession sur le vu d'une simple ex- pédition de ce testament délivrée par le notaire dépositaire, sans qu'il soit nécessaire que l'original même du testament lui soit représenté. — 3^ espèce.
1" espèce. — (Courtalon C. Logerot). — Arrêt (Dijon, 25 mars 1870).
La Cour; — Considérant, en fait, que si Courtalon est décédé à Bourbonne-les-Bains le 10 août 1869, après avoir institué Thérèse
\k ( ART. 1809. )
Robert, femme Logerot, sa légataire universelle par (estament olo- graphe du 16 juillet préci^dent. le séjour moniputané qu'il a fait à Bourbonne n'a pu altérer les conditions de son domicile; qu'il habi- tait Provins, département de Seine-et-Marne ; qu'il y avait son seul établissement; que tout son mobilier, ses valeurs et ses titres y sont encore, ainsi que cela résulte de la procuration donnée à la femme Logerot le "2 août 186!); que non-seulement son acte de décès constate le même fait, mais qu'il ressort encore de l'aveu fuit par la légataire elle-même dans la requête présentée au président du tribunal civil de Langres, de l'ordonnance d'envoi en possession et de l'acte de dé- pôt de cette ordonnance; qu'il est constant enfin que le départ de Courtalon n'a eu lieu que quatre jours avant la confection de son tes- tament ; que sa succession s'est donc ouverte à Provins, et que le moindre doute ne peut exister à cet égard ;
Considérant, en droit que si. malgré la saisine légale qui lui appar- tient à défaut d'héritier réservataire, le légataire universel, institué par testament olographe, est tenu de se faire envoyer en possession par le président, il faut au moins que l'ordonnance, qui imprime au testament le caractère de titre apparent et lui donne la force exécu- toire, soit rendue par le président du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession ; — Que. quels que soient les termes dans lesquels il a prononcé, ce n'est qu'au juge du domicile du défunt, à celui qui connaît ses relations, sa famille, la composition de sa fortune, et peut immédiatement s'entourer de tous les renseignements nécessaires, et non à un juge étranger, n'offrant ni les mêmes garanties ni la même sécurité contre les tentatives possibles de spoliation, que la loi a con- féré ces attributions; — Qu'il est donc évident que le président du tribunal civil de Langres était incompétent pour envoyer Thérèse Ro- bert en possession du legs universel qu'elle réclame, et que l'ordon- nance de ce magistrat doit être frappée de nullité, comme viciée dans son essence même par une violation flagrante de la loi;
En ce qui touche l'appel du jugement rendu par le tribunal civil de Langres ; — Considérant que, quelle que soit la n:iture de la juri- diction conférée au président par l'art. 1008, C. Nap., nulle dispo- sition législative n'autorise les parties intéressées à provoquer direc- tement devant le siège qu'il préside l'annulation de l'ordonnance d'envoi en possession rendue par lui sur requête ; — Qu'il serait aussi contraire à la dignité de la justice qu'à l'ordre des juridictions que le tribunal filt juge du pouvoir a[)partenaiit exclusivement au magistrat placé à sa lêlo et de la légalité de ses attributions; — Que la demande en nullité d'une ordonnance incoinpétemmcnt rendue ne peut donc être portée que devant une juridiction supérieure, et non parallèle; — Qu'ainsi, et sans adopter les motifs des premiers juges en ce qu'ils oui de contraire au présent arrêt, il y a lieu de déclarer, comme eux. nonrecevable la demande intentée par les héritiers Courtalon ;
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En ce qui touche l'appel directement formé contre l'ordonnance d'envoi en possession : — Qu'il importe peu de rechercher dans l'es- pèce s| l'ordonnance mise au bas de la requête du légataire, en l'ab- sence de toute contra dir.tion, n'emporte que des effets provisionnels, et n'est susceptible d'aucun recours comme émanée de la juridiction administrative du président; — Que ce qui est en litige, ce n'est ni l'opportunité de l'ordonnance ni l'usage que le juge a fait de son pou- voir spécial, mais l'existence même de son pouvoir comme juge ; — Qu'il s'agit ici, non d'un intérêt purement privé ou de la mesure d'exé- cution prescrite par le magistrat en vertu de son autorité et de ses appréciations personnelles, mais du maintien même des juridictions et d'un intérêt d'ordre public ; — Que l'illégalité qui frappe l'ordonnance lui enlèverait au besoin le caractère d'acte purement gracieux pour lui imprimer un caractère judiciaire proprement dit, sur la réclama- tion même des héritiers naturels ; — Que l'appel est de droit com- mun, et que sa recevabilité peut d'autant moins être contestée dans la cause, qu'aux termes de l'art. 454, Cod. proc. civ., il est toujours recevable en cas d'incompétence, encore bien que le jugement ait été qualifié en dernier ressort ;
Qu'on ne peut enfin sérieusement soutenir que les héritiers Cour- talon ont couvert par leur silence le vice dont l'ordonnance était en- tachée, sous prétexte qu'il est permis de déroger à l'incompétence ratione loci ; — Que non-seulement la mesure a été prescrite sans dé- bat, mais sans que les héritiers eux-mêmes aient été appelés ; et au^aussitôt qu'ils l'ont connue, ils s'y sont formellement opposés, comme le prouve hautement le double appel interjeté devant la Cour ; — Par ces motifs, joint les deux instances; et statuant sur l'appel interjeté par les héritiers Courtalon du jugement rendu par le tribu- nal civil de Langres, ordonne que ce dont est , appel sortira effet ; — Faisant droit, au contraire, ,à l'appel formé directement contre l'or- donnance d'envoi en possession, dit que le président du tribunal civil de Langres était incompétent pour rendre ladite ordonnance, la dé- clare nulle et de nul effet, sauf à la dame Logerot à se pourvoir devant tel juge qu'elle avisera, etc.
2'' espèce. — (Remy). — Arrêt (Nancy, 3 fév. 1870).
La Cour ; — Sur la recevabilité de l'appel : — Attendu qu'en accor- dant ou en refusant l'envoi en possession au légataire universel por- teur d'un testament olographe, le président de tribunal remplit un devoir que lui impose l'art. 100S, C. Nap.; — Que, dès lors, son or- donnance n'est pas un acte de juridiction purement volontaire et gra- cieuse ; — Que, subordonnée à la régularité, au moins apparente, du titre produit, à l'institution d'un légataire universel et à l'absence d'héritiers à réserve, elle suppose un examen sérieux et préalable, en
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m?me temps qu'elle présente tous les c;irapfères d'une véritable déci- sion; — Que le droit d'en appeler s'induit de son importance mrme. puisqu'elle modifie h position des intéressés, et intervertit, en cas de litige, leur rùle respectif devant les tribunaux; — Qu'on ne compren- drait pas que- le juge de preniién' instîniee pût. sans recours possible au juge supérieur, paralyser l'eiïet de dispositions auxquelles, dans son respect pour les dernières volontés de l'homme, le législateur attri bue l'autorité de la loi : Dicat teslator et erii lex; — Qu'on ne comprendait pas davantage que. sans avoir le moyen légal d'y mettre obstacle, les héritiers naturels vissent passer aux m;iins de l'héritier institué des biens dont celui-ci pourra abuser, et qui ne leur revien- dront, s'ils leur revienn>^nt. qu'amoindris ou dépréciés par cet abus ; — Que de semblables conséquences répugnent à l'esprit général d'une législation pleine de sagesse et dans laquelle le droit d'appeler consti- tue le droit commun ;
Au principal : — Attendu que les art. lOOG et 1008. C. Nap., n'au- torisant l'envoi en possession qu'au profit du légat:\ire universel, le président du tribunal de Mirecourt avait le droit incontestable de re- chercher si cette qualité appartenait ■). Georges-Félix Remy, mais que ce droit, dont l'exercice pouvait incontestablement aussi se révéler sous une forme énonciative et surtout dans les motifs de l'ordon- nance, ne le pouvait, au contraire, s-ms de sérieux inconvénients par voie de décision et dans le dispositif; — Que l'ordonnance d'envoi en possession est une matière essentiellement provisoire et d'urgence, à laquelle il importe de conserver ce caractère pour ne préjuger en rien les difficultés du fond; — Attendu que l'ordonnance du président du tribunal de Mirecourt, déjà vulnérable sous ce premier rapport, contient de plus dans l'appréciation du testament, base de la requête, une évidente erreur ; — Attendu, en elTet, que pour enlever à un acte la physionomie légale que lui attribue le nom par lequel son auteur a pris soin de le désigner, il f.iut au magistrat des motifs décisifs, et que ces motifs ne se rencontrent pas ici ; — Qu'il résulte, en eflfet, de l'ensemble des dispositions du testament du 2S mars 1803, rappro- chées de celles du testament antérieur du 4 mai 1831, que Antoine Philippowicz a entendu instituer Georges-J'élix Remy, non pas son exécuteur testamentaire, mais son légataire universel, et que. malgré sa qualité d'étranger et son ignorance relative de la langue fran';aise, il connaissait parfaitement la dill'ércnce de ces deux institutions; — Déclare Remy recevable dans son appel ; é:nendant. faisant ce que le premier juge aurait di faire, l'envoie en possession du legs universel écrit en sa faveur dans le testament du 28 mars 1803.
3" espèce. — (Tisscraiil). — Ap.hêt (Nancy, 18 juin 1869). l.K Cour; — En ce qui touche la recevabilité de l'appel : — (Mo- tifs identiques à ceux de l'arrêt rendu dans la première espèce);
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Au fond : — Attendu qu'en l'absence de tout recours légal dirigé contre l'ordonnance du président du tribunal civil de Nancy qui a prescrit le dépôt du testament de Jean-Antoine-Dominique Chanony dans les minutes de M" Colin, notaire à Nancy, cette ordonnance de- vait produire tous ses effets, et que, par elle, le dépositaire avait, aux termes de l'art. ±1 de la loi du 25 vent, an H, le droit incontestable de délivrer une expédition du testament déposé en son étude; — Attendu que, sur le vu de cette expédition, le président du tribunal de Saint-Dié, lieu de l'ouverture de la succession, aurait dû ordonner l'envoi en possession des légataires universels, et que c'est à tort qu'il a exigé, avant de faire droit à la requête, que la minute même du testament lui fût présentée; — Que l'art. 1007, C. Nap., qui exige cette formalité, ne l'ordonne pas d'une manière si absolue qu'il ne puisse y être suppléé par un équivalent, alors surtout que le testa- ment n'est l'objet d'aucunes contestations ; — Attendu que la cause est en état, et qu'aux termes de l'art. 473, C. proc, la Cour peut statuer sur le tout par un seul et même arrêt ; — Par ces motifs, revoit l'appel de ïisserant, ès-nom qu'il agit ; émendant, réforme l'ordonnance rendue en référé par le président du tribunal de Saint- Dié, et, faisant ce que le premier juge aurait dû faire, envoie les mi- neurs Tisserant en possession du legs universel fait à leur profit par Chanony, etc.
Observations. — On sait qu'il y a controverse sur le point de savoir si l'ordonnance d'envoi en possession est susceptible de recours, et, en admettant l'affirmative, si ce recours doit être l'opposition ou l'appel. V. à cet égard Angers, 23 août 1867, Besançon. 26fév. 186S. et Agen, 7 juill. 1869, ainsi que les indications de la noie (/. Av., t. 95, p. 147 et s.).
Dans la 1'"'' espèce ci-dessus, la question ne se présentait pas dans des termes généraux; elle se trouvait ramenée au point de vue particulier de la compétence, et dès lors, elle comportait naturellement la solution d'après laquelle l'ordon- nance d'envoi en possession est sujette à appel.
Le droit du président d'examiner s'il y a réellement legs universel donnant lieu à envoi en possession, est unanime- ment admis. V. entre autres autorités, Cass. 26 nov. 1856 (Dp. 56. 1.429); Demhlombe, Donat. entre-vifs et testaments . t. 4, n. 505. — Le président ne pourrait, quelque délicat que fût cet examen, renvoyer devant le tribunal la demande d'envoi en possession : Lyon, 22 déc, 1848 (S.-V. 49.2.111); Rennes, 20 janv. 1849 (S.-V. 49.2.576); Debelleyme, /^e/eWs, t. 1, p. 118.
L'irrégularité de l'ordonnance d'ouverture et de dépôt du testament olographe rendue par le président d'un tribunal autre que celui du lieu d'ouverture de la succession, n'em-
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pèche pas que l'envoi en possession ne puisse être ullérieure- ment ordonné par le président compétent (V. Cass., 22 fév. 4S47, S.-V. 53.-2.16l, à la note; Douai, 12 nov. 1852, D.p.56. 2.24)j et c'est avec raison que. dans notre 3" espèce, la Cour de Nancy a décidé que ce magistrat peut statuer sur le vu d'une simple expédition du testament, sans avoir le droit d'exiger la représentation de l'original même.
Art. 1810. —BORDEAUX (4« ch.), 12 juin 1870. 1° tl telle, mère titrice, conseil, offres réelles. 2" Offres réelles, réserves, frais.
{"Le débiteur d'enfants mineurs à la mère tutrice desquels un ronseil de tutelle a été nommé, peut valablement signifier des off'res réelles à la mère tutrice seule, sans être tenu d'appeler le conseil de tutelle à ces offres (C. civ., 391, 1238).
2" Des offres réelles sont valables, bien guelfes soient accompa- gnées de réserves au sujet des frais de l'acte d'offres et de son enre- gistrement (C. civ., 1238).
(De Longuerue et Comp. C. CoUardon).
Un jugement du Tribunal civil de Bordeaux du 20 déc. 1869 avait statué dans les termes suivants :
« Attendu que Collardou, par son testament, a nommé rtlichel Boyer, notaire, pour conseil de tutelle de la dame veuve (CoUardon, tutrice légale de ses enfaals mineurs, avec mission spéciale de l'assister dans la réception et le placement de toutes les sommes dues aux mineurs; — Que Gollardon a ainsi usé d'un droit que lui conférait l'art. 391 (;. Nap.; que. par suite de celle clause du testament de CoUardon, la dame veuve CoUardon n'est habile à recevoir uu capital appartenant aux mineurs et à en douuer décharge qu'avec l'assistance du conseil de tutelle;
« Attendu qu'aux termes de l'art. ISri.S C. Nap., les offres réelles, pour être valables, doivent être faites aux créanciers ayant capacité pour recevoir, ou à celui qui a pouvoir de recevoir pour lui; qu'il résulte de. là que lorsque celui qui doit recevoir n'a pas une capacité complète, comme le mineur émancipé, le prodigue |)lacé sous la sur- veillance du conseil judiciaire, la tuirice à laquelle il a été donné un conseil de tutelle, lo^ oUres doivent être f.iites conjointement à cette personne qui complélt; la capacité, ou du moins elle doit être réguliè- rement appelée a assister auxdites odres;
« Attendu que I.ongueruo et C'», débiteurs des mineurs CoUardon, ne pouvaient se libérer valablement entre les mains de la dame veuve
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Collardon seule, parce que celle-ci ne pouvait valablement recevoir et donner quittance au nom des mineurs Collardon qu'avec l'assistance de Boyer, conseil de tutelle; que Longuerue et C''= devaient donc faire leurs offres conjointement à la dame veuve Collardon et au sieur Boyer, au du moins appeler celui-ci aux offres par une signification régu- lière ;
« Attendu que les pourparlers amiables qui avaient eu lieu avant les offres, et qui avaient constaté le dissentiment de la tutrice et du conseil de tutelle relativement à la réception et à l'emploi des sommes dues par Longuerue el C% ne pouvaient dispenser ceux-ci de faire des offres régulières à la dame veuve Collardon et au sieur Boyer; — At- tendu que la nullité des offres entraîne la nullité de la consignation qui les a suivies ;
« Par ces motifs, déclare nulles les offres faites par Longuerue et C%etc. .
Appel par Longuerue el C'^.
ARRÊT,
La Cour; — Attendu que la veuve Collardon a demandé la nullité des offres réelles du i" septembre dernier et de la consignation du 6 de ce mois : 1° parce que les offres auraient dû être faites au conseil de tutelle aussi bien qu'à la tutrice; 2° parce qu'elles étaient insuffisantes, les intérêts n'ayant été affectés qu'au taux de 5 p. 100; 3» parce qu'elles n'étaient pas pures et simples, et que les sieurs de Longuerue et C" avaient fait des réserves au sujet des frais de l'acte d'offres;
Sur le premier moyen : — Attendu que la disposition testamentaire de Collardon conférant au sieur Michel Boyer le titre de conseil judi- ciaire de sa veuve, avec mission d'assister celle-ci dans tous les actes relatifs à la réception des capitaux et à leur placement, n'a pas créé à la dame Collardon une incapacité de la nature de celles dont la loi frappe le mineur émancipé et le prodigue pourvus, l'un d'un curateur, l'autre d'un conseil judiciaire ;
Qu'il est de principe que la mort du conseil de tutelle ou son refus d'accepter la fonction que le testateur lui a conférée, aurait pour résulter de laisser à la veuve toute sa liberté d'action en ce qui con- cerne l'administration des biens des mineurs, et que, d'autre part, le paiement que le débiteur ferait à la tutrice, dans l'ignorance de la clause testamentatre qui lui a donné un conseil, aux termes de l'art. 391 G. Nap., serait valable et libératoire, ce qui n'est pas admissible lorsqu'il s'agit des incapacités prévues par les art. 482, 499 et 513 du même Code; — Qu'ainsi on ne saurait établir une assimilation exacte entre des personnes et des situations qui sont régies par des règles différentes; Attendu que de Longuerue el G% débiteurs des mineurs Collardon,
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avaient le droit de se libérer en remplissant les formalités légales ; — Que, dans ce but, ils ont. par acte du i" sept. 1860, fait à l'inlimée olïres réelles, à deniers découverts, en principal et accessoires, d'une somme de 121, ')13 fr. 8G c, avec déclaration qu'ils serai-nt prêts à lui payer sans condition celle de 2,.')56 fr. Ho c. pour intérêts et frais, et à lui remettre le capital sur sa quittance, mais avec l'autorisation formelle écrite de son conseil de tutelle ; — Attendu que, ces t)ffres n'ayant p;is été agréées, ils ont. par